Dans son dernier numéro du «Bulletin de conjoncture», la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a, en premier lieu, donné un large aperçu sur la conjoncture externe. A cet effet, les conjoncturistes de l'Institut d'Emission ont notamment indiqué que la scène économique et financière internationale a été marquée, à partir de la mi-septembre 2008, par la plus grave crise financière jamais enregistrée depuis 1929, suite aux retombées de la crise des crédits immobiliers aux Etats-Unis d'Amérique (subprime) qui a précipité la débâcle des banques et établissements financiers américains, en particulier la faillite de la 4ème banque d'affaires «Lehman Brothers ». Une crise à dimensions multiples La BCT révèle que les effets de cette crise se sont propagés aux autres pays industrialisés, surtout européens, et à plusieurs pays émergents et en développement. Cette situation a amené les grandes Banques centrales à intervenir d'urgence par l'injection d'importants montants de liquidités et par la baisse des taux d'intérêt directeurs. Parallèlement, les gouvernements, notamment ceux des pays industrialisés, ont adopté des programmes de sauvetage pour soutenir le système financier et assurer la stabilité des marchés. C'est le cas particulièrement des Etats-Unis qui ont mis en place un plan de sauvetage du secteur financier pour une enveloppe de 700 milliards de dollars, axé notamment sur l'achat des actifs douteux des banques et sur la garantie des prêts interbancaires. De même, l'Union européenne a adopté un plan similaire d'environ 1.800 milliards de dollars, destiné à faciliter le refinancement des banques, à recapitaliser certaines d'entre-elles et à garantir les prêts interbancaires et les dépôts auprès des banques. Cependant, le manque de confiance des opérateurs économiques et des investisseurs internationaux, conjugué aux risques de récession économique, a entraîné une chute des indices boursiers, surtout dans les pays industrialisés, une baisse quasi-continue des prix des produits de base et une appréciation du dollar américain face aux autres principales devises.
Une croissance en berne Les analystes de la BCT soulignent que dans ce contexte, le Fonds monétaire international a révisé à la baisse ses prévisions de la croissance mondiale à 3,7% en 2008 et à 2,2% en 2009. Cette révision est basée sur une récession prévue dans les pays développés de 0,3%en 2009 contre une croissance attendue de 1,4% en 2008, notamment dans les Etats-Unis, la Zone Euro et le Japon (-0,7%,-0,5% et -0,2%, respectivement, contre 1,4%, 1,2% et 0,5%pour l'année en cours). Concernant les pays émergents et en développement, leur expansion économique est affectée, également, par la crise financière mondiale et connaîtra un ralentissement en 2009 (5,1%contre 6,7%en 2008). Au cours du troisième trimestre de 2008, le PIB réel des Etats-Unis s'est contracté de 0,5% en rythme annuel, après un accroissement de 2,8%au trimestre précédent. Ce repli est imputable, notamment, à la baisse de la consommation des ménages (-3,7%contre 1,2% au deuxième trimestre) et à la poursuite de la régression des investissements résidentiels (-17,6%contre -13,3%). Dans la Zone Euro ,la baisse de l'indice d'activité dans le secteur manu-facturier en septembre 2008 et le recul des indices du sentiment économique et du climat des affaires en octobre confirment le ralentissement de la croissance dans cette zone. En effet, cette dernière est revenue à 0,7%en rythme annuel, au cours du troisième trimestre de 2008,contre 1,4% au trimestre précédent. Pour le Japon ,et suite au recul de la production industrielle et de la demande de biens d'équipement, ainsi qu'à la dégradation de la consommation et des revenus des ménages, le PIB réel a baissé, au cours du troisième trimestre de 2008,de 0,4% par rapport au même trimestre de l'an passé, contre une contraction de 3,7%au second trimestre. Afin d'éviter une récession de l'économie, le gouvernement japonais a décidé, le 30 octobre 2008, de mettre en place un deuxième plan de relance de l'économie, après celui du mois d'août, portant sur une enveloppe d'environ 27 trillions de yens ou l'équivalent de 207 milliards d'euros. Ce plan prévoit, notamment, des réductions d'impôts, des aides directes aux ménages, des allocations familiales et des prêts aux petites entreprises.
L'onde de choc arrive aux pays émergents S'agissant des économies émergentes, les conjoncturistes de la BCT affirment qu'elles ont commencé à se ressentir des effets de la crise financière mondiale, suite au ralentissement de l'activité économique et de la demande dans les pays industrialisés et à la détérioration des conditions de financement sur les marchés internationaux. De ce fait, les indices boursiers ont connu une forte baisse dans des proportions supérieures à celles enregistrées par les bourses des pays développés, tandis que les cours des monnaies se sont sensiblement dépréciés. En particulier, l'Islande ,la Hongrie , l'Ukraine et le Pakistan ont mis en place des plans d'intervention d'urgence pour faire face aux risques d'instabilité financière et assurer la relance de leurs économies et ce, par le recours à des prêts auprès du Fonds monétaire international.
Même l'économie chinoise est affectée En ce qui concerne l'économie chinoise, le bulletin de conjoncture affirme que sous l'effet des répercussions de la crise financière mondiale sur la confiance des consommateurs et les flux des investissements directs étrangers, la croissance chinoise est revenue, au cours du troisième trimestre de 2008, en dessous de 10%, pour la première fois depuis quatre ans, soit 9% en rythme annuel contre 10,1% au deuxième trimestre. Ainsi, le gouvernement chinois a mis en place un vaste plan de relance de l'économie d'une enveloppe de 586 milliards de dollars, afin de stimuler la demande intérieure au cours des deux prochaines années par le biais, notamment, d'investissements d'infrastructure et dans les secteurs du transport et de l'immobilier, ainsi que dans le domaine de la protection de l'environnement.
Détérioration de la situation de l'emploi et poursuite du trend baissier des cours mondiaux des produits de base L'analyse de la BCT a par la suite relevé qu'en raison du ralentissement de l'activité économique, la situation de l'emploi a continué à se détériorer dans les pays industrialisés. En effet, le taux de chômage s'est élevé, en septembre 2008, à 6,1%aux Etats-Unis, soit son plus haut niveau depuis 5 ans, à 7,5%dans la Zone Euro et à 4%au Japon. Parallèlement, les cours mondiaux des produits de base ont poursuivi leur tendance baissière après avoir atteint des niveaux records au mois de juillet 2008, sous l'effet du repli de la demande internationale, notamment celle des pays industrialisés. En particulier, les prix du pétrole brut ont enregistré, en octobre 2008, une baisse d'environ 60% par rapport à leurs niveaux de juillet, sous l'effet des craintes d'une récession de l'économie mondiale suite aux retombées de la crise financière actuelle, de l'appréciation du dollar américain et de l'orientation des investisseurs internationaux vers des placements plus sûrs que ceux relatifs aux marchés des matières premières.
Un brin de soleil: détente des pressions inflationnistes Dans ce décor de crise, les spécialistes de la BCT détectent une satisfaction, affirmant que la baisse des prix des produits de base s'est traduite par une détente des pressions inflationnistes, notamment dans les pays industrialisés. En effet, le glissement annuel des prix est revenu, en septembre 2008, à 4,9% aux Etats-Unis et à 3,6%dans la Zone Euro contre 5,6% et 4%,respectivement, le mois précédent, tandis que la hausse des prix s'est stabilisée au niveau de 2,1%au Japon.
Des politiques monétaires accommodantes Au plan monétaire, les conjoncturistes de la BCT notent que dans le but de faire face à la crise financière, de soutenir l'activité économique et d'éviter la récession, plusieurs banques centrales dans les pays développés et les pays émergents ont procédé à la réduction de leurs taux d'intérêt directeurs. C'est dans ce cadre que s'inscrit la décision concertée prise, le 8 octobre 2008, par six grandes banques centrales (la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne, la Banque d'Angleterre, la Banque centrale de Suède, la Banque du Canada et la Banque nationale suisse) de baisser leurs taux directeurs de 50 points de base pour les ramener à 1,5%3,75%,4,5%,4,25%,2,5% et autant, respectivement. Déjà auparavant, la Banque d'Australie a réduit, le 6 octobre, son principal taux d'intérêt de 100 points de base en le ramenant à 6%. Egalement, certains pays émergents asiatiques ont suivi la même démarche, le 9 octobre 2008. C'est le cas, notamment, de la Banque centrale de Chine qui a réduit son principal taux d'intérêt de 27 points de base, ainsi que des Banques centrales de Corée du sud et de Ta iwan qui ont abaissé leurs taux respectifs de 25 points de base. Face à l'ampleur de la crise et à la multiplication des craintes de récession, plusieurs Banques centrales ont été amenées à réduire leurs taux directeurs une deuxième fois. Il s'agit, surtout, de la Réserve fédérale américaine et de la Banque centrale européenne (50 points de base chacune), ainsi que de la Banque d'Angleterre (150 points de base), leurs taux respectifs ayant été abaissés à 1%, 3,25%et 3%. De son côté, la Banque du Japon a réduit, le 31 octobre 2008 et pour la première fois depuis plus de 7 ans, son taux d'intérêt directeur de 20 points de base pour le ramener à 0,3% et ce, afin d'éviter la récession de l'économie.
Appréciation du billet vert et chute des indices boursiers S'agissant des marchés des changes internationaux , l'Institut d'Emission souligne qu'ils ont été marqués par une appréciation du dollar, notamment vis-à- vis de l'euro, avec une parité de 1,27 dollar pour un euro à la fin du mois d'octobre 2008 contre 1,40 dollar au début du même mois. En effet, le billet vert a bénéficié de l'orientation des investisseurs vers des placements en bons du Trésor américain jugés plus sûrs face à la forte volatilité des marchés boursiers. Egalement, le yen Japonais a vu son taux de change s'apprécier face aux autres principales devises (98 yens pour un dollar vers la fin du mois d'octobre 2008 contre 106 yens au début du mois). Par ailleurs, les indices boursiers ont continué à chuter, depuis la mi-septembre 2008, sous l'effet de la crise financière mondiale, revenant le 27 octobre, pour la plupart d'entre eux, à leurs plus bas niveaux de l'année en cours. Cette situation est en rapport avec la propagation des retombées de la crise financière à la sphère réelle de l'économie et la multiplication des craintes d'une récession de l'économie mondiale, en dépit des mesures prises par les gouvernements et les autorités monétaires, notamment dans les pays industrialisés, en vue d'assurer la stabilité des marchés financiers et rétablir la confiance des investisseurs internationaux.
Une mobilisation générale Abordant l'aspect de la coopération internationale, la BCT observe que le FMI s'est porté au secours des pays émergeants durement touchés par la crise afin de les aider à faire face aux risques d'instabilité financière et de ralentissement marqué de leur croissance économique. C'est dans ce cadre qu'il a accordé, vers la fin du mois d'octobre 2008, des prêts de 2,1 milliards de dollars à l'Islande et de 16,5 milliards de dollars à l'Ukraine. Il a cofinancé, également, à hauteur de 15,7 milliards de dollars un prêt au profit de la Hongrie et ce, avec l'Union européenne (8,1 milliards de dollars) et la Banque mondiale (1,3 milliard de dollars). En outre, cet organisme a annoncé la mise en place d'une enveloppe de 200 milliards de dollars à la disposition des pays membres qui en ont besoin pour faire face à la crise financière et a décidé de créer un nouvel instrument «la facilité de liquidité à court terme » qui permettra de décaisser rapidement des montants au profit des pays dotés de solides politiques économiques et qui se trouvent confrontés à des problèmes de liquidité temporaires sur les marchés internationaux des capitaux.
L'impératif de réformer le système financier international Enfin, la BCT affirme que les grandes instances financières internationales, notamment le FMI et la Banque mondiale, oeuvrent pour une réforme du système financier international en vue d'assurer un meilleur équilibre entre les pays développés et ceux émergents et en développement. Pour leur part, les ministres des Finances et les gouverneurs des Banques centrales des pays membres du G20 (pays du G7 et les principales économies émergentes), qui assurent environ 85%du PIB mondial, ont promis de prendre les mesures nécessaires pour redresser les marchés financiers et contrer la crise des crédits.