De notre envoyé spécial à Johannesburg Mohamed Hédi ABDELLAOUI Les objectifs du millénaire pour le développement ne doivent pas conduire à une action de bienfaisance pour l'Afrique. Ils ne doivent pas non plus susciter une approche d'aumône. En les abordant, nous devrons plutôt les discuter de manière scientifique et objective et dire quels sont les problèmes structurels en Afrique et les problèmes entre l'Afrique et le reste du monde. C'est le point de vue de M. Ben Turok, député à l'ANC (African National Congress Parti), qui a débattu de la question hier matin dans le cadre des travaux de la cinquième session du Parlement panafricain se déroulant à Midrand (Johannesburg) du 3 au 14 du mois courant. A l'ouverture de son intervention, M. Ben Turok a rappelé qu'en 2005, une grande réunion de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) intitulée «La déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide» a eu lieu en France débouchant sur l'adoption d'un document contenant de nombreuses idées très utiles et de bonnes valeurs sur les préoccupations internationales au sujet de l'Afrique. La déclaration de Paris indique, en effet, que certains principes doivent être appliqués à l'Afrique, à savoir que l'Afrique doit s'approprier son programme de développement ; l'exercice de l'autorité en Afrique doit être de premier plan ; les gouvernements et les donneurs doivent rendre des comptes sur les conséquences du flux de l'aide ; l'Afrique doit utiliser des systèmes internes dans le domaine des relations internationales, en particulier les relations d'aide. Ces quatre idées ont été adoptées à Paris au niveau international. Quelques années plus tard, ajoute l'intervenant, la Déclaration de Paris a été suivie d'une réunion à Accra, à laquelle ont participé tous les ministres des Finances de l'ensemble du continent africain. Ils ont discuté des OMD, du développement et de l'aide et ont à nouveau réitéré les principes mentionnés ci-dessus pour que les nations africaines accèdent pleinement à l'arène des populations développées. Ce faisant, la Banque africaine de développement (BAD), l'Union africaine (UA), le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad) et la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique se sont penchés sur la question, convoquant une réunion à Tunis l'année dernière. Une réunion où ils ont discuté du thème de l'efficacité de l'aide pour finalement proposer une nouvelle approche. Cette même approche consiste à passer de l'efficacité de l'aide à l'efficacité du développement. Un changement aussi important pour l'Afrique dans la mesure où l'on opte plus pour une aide dans le contexte du développement que pour l'amélioration des flux d'aide. Des richesses mal exploitées Le Kenya produit le meilleur café au monde. Toutefois, ce café en grains est exporté vers l'Allemagne. Et cette dernière le transforme pour produire le nescafé qui revient ensuite au Kenya. Ceci dit, au Kenya, on peut boire beaucoup de nescafé qui n'est pas produit dans ce pays. De même, le cacao du Ghana n'est pas valorisé en chocolat au Ghana, mais il est transformé en chocolat quelque part en Europe. Plus, en Afrique du Sud, on produit d'énormes quantités d'or, de diamants et de platines. Or, ces produits ne sont pas transformés en Afrique du Sud, ils sont plutôt exportés sous forme de matières premières vers la Chine et l'Europe. Pourquoi ne pas construire des usines pour transformer ces produits localement et en faire profiter les populations africaines? Telle était l'interrogation de M. Ben Turok, soulignant au fil de son intervention que si l'Afrique veut adopter une approche d'efficacité du développement, elle devra entreprendre des recherches scientifiques sur les produits primaires en Afrique. Morale de l'histoire : en se rappelant d'une anecdote fort significative lors d'un débat sur l'aide tenu à Paris il y a cinq ans, le professeur Ben Turok souligne qu'il n'arrivait pas alors à comprendre une chose : «les participants ne cessaient de parler de partenaires. Je me suis tourné vers une personne assise à côté de moi et je lui ai demandé : lorsqu'ils parlent de partenaire, est-ce qu'ils entendent par là donneur ou bénéficiaire? Cette personne m'a répondu : «non, nous n'utilisons pas ces termes, le terme donneur n'est pas agréable, on dit plutôt partenaire. Faisons un véritable partenariat. Vous avez les diamants, nous allons vous aider et nous vendrons vos diamants pour vous. Vous ajoutez la valeur, nous ajoutons la valeur et nous deux nous ferons des bénéfices». A méditer, bien entendu. Car tout l'enjeu est là. Un avis partagé par bon nombre de parlementaires qui ont énergiquement applaudi l'exposé du professeur.