Ils étaient nombreux avant-hier à assister, à l'Acropolium de Carthage, à l'avant dernière soirée proposée par l'Octobre musical qui aura proposé tout au long de ce mois, un programme diversifié, souvent de qualité. Le tourbillon électoral semble être passé, mais pas ce qui s'en est suivi, et l'on semble aller à l'ancienne église Saint Louis, pour oublier, pour prendre du recul, ou pour ne plus y penser, peut-être. Profiter de ce luxe n'est pas donné, car pouvoir se déconnecter, le temps d'une soirée, d'une réalité pas toujours rose, est une chance que l'auditoire a saisie avec un appétit réel, presque «égoïste». Vendredi dernier, ils étaient deux à défiler sur scène, deux musiciens japonais venus tout droit de Vienne : Le brillant pianiste Toshiri Usui que les mêmes lieux avaient accueilli lors de la précédente édition de l'Octobre musical et le guitariste Toshiyuki Kumagai. Né en 1977, le premier est un musicien de talent qui a suivi des études universitaires à la célèbre université de la musique et des arts figuratifs du Salzburg Mozartum, en Autriche. Il a été formé et encadré par de grands maîtres pianistes japonais, tels que Shuku Iwasaki et Avo Kuyumjian. Il réside à Vienne depuis 2003 et donne des concerts un peu partout dans le monde. Bien qu'influencé par les œuvres d'Alban Berg et d'Olivier Messiaen, ce compositeur demeure attaché à la musique nippone traditionnelle, dont il ne cesse d'explorer le riche répertoire. Les cinéphiles doivent bien le connaître, car il a signé les bandes originales de films japonais tels que Goshu, Le violoncelliste et Le tombeau des Lucioles. Toshiyuki Kumagai, né en 1984 lui, a étudié la guitare classique avec de grands guitaristes japonais. A l'instar de son compatriote et compagnon, il s'est installé à Vienne où il a étudié la guitare à l'Université de la musique et des arts de la scène. Il est détenteur de plusieurs prix, dont un prix spécial de musique catalane contemporaine, qu'il a remporté lors du concours international de Guitare de Barcelone «Miguel Llobet». Cette influence hispanique a marqué le menu de ce guitariste qui a présenté les «mélodies populaires catalanes», composées de deux morceaux de Miguel Llobet, un compositeur-guitariste espagnol (1878-1938), et un autre signé Sainz de la Maza. Des sonorités nippones ont, néanmoins, enveloppé ces œuvres catalanes et de par son attitude et sa manière subtile et délicate de caresser les cordes, Toshiyuki Kumagai a transcendé les œuvres d'Augustin Barrios Mangore (Paraguay, 1885-1944) et du grand guitariste et compositeur espagnol Francisco Tarrega (1852-1909) qui est considéré comme le père de la guitare classique moderne. Il clôt son programme avec des signatures japonaises de Yukihiro Yokoh et un morceau, de Siyo Tomiyama, en hommage aux victimes du séisme qui a secoué, en mars dernier, le Japon. C'est ensuite Toshiri Usui qui occupe la scène, pour s'attaquer à du Scriabin, enchaîner avec des notes plus contemporaines à travers une composition du Japonais Ryuichi Sakamoto (Bridge) pour finir en beauté avec du Brahms. De quoi nous faire rêver en quelques notes, le temps d'un morceau... Entre-temps, c'est une musique d'un tout autre genre qui se joue ailleurs, sous nos cieux et qui ne semble pas atteindre, ce soir-là, les murs de la cathédrale Saint-Louis.