Elyzad s'est donné une vocation à laquelle elle ne déroge guère, servir la littérature maghrébine dans toute sa diversité, sa richesse et ses contradictions. Aussi, est-ce avec constance, curiosité et opiniâtreté qu'elle fidélise ses auteurs, tout en étant en quête de nouveaux talents. Rentrée au féminin C'est avec deux de ses auteurs fétiches que se fait la rentrée de cette maison d'édition, décidément pas comme les autres, et dont les livres, soignés, au papier raffiné, ne sont pas sans rappeler ceux des mythiques Actes Sud. Jeux de rubans, de Emna Belhaj Yahia, est tout chaud encore, venant de sortir de l'imprimerie. Une histoire ô combien actuelle d'une génération, celle des quinquagénaires, militants pour toutes les libertés, qui ne comprennent plus leur pays actuel. Frida, l'héroïne, divorcée, vivant en toute liberté avec Zeidoun, son compagnon, est la fille d'une femme à qui Bourguiba a ôté le voile. Son fils, quant à lui, épouse une jeune femme voilée. Le livre, qui dormait dans un tiroir depuis un an, se révèle d'une brûlante actualité, mais n'apporte aucune réponse à ce conflit de générations. Watan, le second ouvrage, encore sous presse, est l'œuvre d'un autre auteur fétiche des éditions Elyzad, Azza Filali, dont les lecteurs attendent toujours avec impatience les nouveaux livres. Il s'agit d'un très beau texte, véritable radiographie d'une société tunisienne, dont la maturité de l'écriture est à couper le souffle. Nous sommes au sein d'une société maffieuse que nous connaissons bien. Michket, l'heroïne, est avocate au sein d'un cabinet où la magouille règne. Nous évoluons dans un univers de nulle part, sur une côte perdue, propice aux trafics. A travers cette face sombre de notre société, Azza Filali dégage, avec la subtilité qui est la sienne, l'âme tunisienne dans toute sa complexité, ni blanche ni noire, mais qui offre à chacun sa chance. Pour parachever cette belle cuvée, il y a en préparation le dernier Ali Bécheur, mais on ne nous en dit pas plus. Par ailleurs, confortant sa vocation d'éditeur maghrébin, Elyzad présente un auteur mauritanien, Beyrouk, dont le livre s'intitule Le griot et l'émir, et ce, après avoir déjà édité un écrivain libyen. Opération livre de poche Sortant de son parti pris littéraire pur et dur, cette maison se lance tout de même dans deux expériences nouvelles pour elle : une réédition du livre sur Bourguiba de Sophie Bessis et Souheir Belhassen, revu, corrigé et préfacé, ainsi qu'un Beau Livre, signé par le regretté Mohamed Yacoub, sur «Les Mosaïques romaines de Tunisie». Mais le grand pari que se donnent les éditions pour l'an 2012 portera sur le développement du livre de poche. «C'est une collection qui permet un meilleur accès au livre, et qui marche bien en Tunisie et en France, où la littérature tunisienne bénéficie actuellement d'un véritable coup de projecteur», explique Elizabeth Daldoul, responsable de cette maison d'édition. Aussi, a-t-on entrepris de faire paraître, dans cette collection, des auteurs «maison», comme Ali Bécheur ou Djillali Ben Cheikh, mais d'autres aussi, dont on a racheté les droits comme Fayçal Bey, Hélé Béji ou Leïla Sebbar. Du travail sur la planche… à imprimer.