«En France, avec 10.000 morts par an suite à des erreurs médicales et 350.000 à 400.000 effets indésirables graves, des centaines de familles continuent à pleurer leurs proches et amis et la médecine continue à opérer avec un permis de tuer tacite, reconductible chaque année et délivré avec les plus grands honneurs à une poignée de novices de la profession de la santé pour en faire usage au quotidien». Ainsi commence le livre Bouches muettes et corps bavards de Moncef Zghidi, journaliste et aide-soignant. Un début qui fait croire que l'auteur a trempé sa plume dans le vitriol pour attaquer le corps médical. Mais il s'agit simplement d'un père dont la plume regorge de douleur. La douleur d'avoir perdu un fils cher suite et à cause d'une erreur médicale. Cela s'est passé au mois d'avril 2009. Karim Zghidi, le fils de l'auteur, suite à un accident de scooter, est transféré par le Samu à l'hôpital de Hautepierre de Strasbourg. A l'arrivée, Karim était encore vivant sur son brancard, il consolait même sa mère en lui disant : «T'inquiète pas, ça va aller, maman». Mais voici que le staff des blouses blanches (la plupart par manque de professionnalisme) s'emmêle les pinceaux et perd un temps précieux pendant lequel une hémorragie interne consumait les organes pleins de Karim. Aucune attention ne fut accordée à un polytraumatisé dont le sang coulait déjà. 22h20, le médecin spécialisé en chirurgie enfantine sort de la salle de scanner : «Nous avons eu trop de difficultés à le réanimer, toutes les tentatives ont échoué, son cœur ne répond plus». Inconsolable… L'enfant est mort alors qu'il était vivant, écrit Moncef Zghidi, avant de poursuivre : «Je soupçonnais l'équipe d'avoir effectué des essais scientifiques sur mon fils, surtout lorsque je sus plus tard qu'elle avait volontairement suspendu le massage cardiaque, passé mon fils sous scanner pour reprendre le massage par la suite‑! Quelle médecine admettrait-elle une semblable démarche de soins‑?» L'autopsie révélera un «décès suite à une hémorragie interne massive consécutive à l'éclatement de la rate au niveau de la bile». Bouches muettes et corps bavards est un pamphlet dur mais pur et bien argumenté contre un système médical où un malade peut se considérer comme un futur mort vu l'incompétence ou le laxisme de certains services hospitaliers, même si ceux-ci affichent des ténors et des seniors… Un livre qui tire la sonnette d'alarme sur un thème considéré encore comme tabou : les erreurs médicales et les méandres judiciaires faits pour égarer les victimes. C'est à ces victimes que s'adresse Moncef Zghidi en sous-titrant son livre «Pour consoler les victimes des erreurs médicales». Un livre qui informe sur l'état des lieux mais qui tient le lecteur en haleine de «ces quelques minutes qui avaient suffi à l'équipe médicale qui l'avait pris en charge pour le tuer» à la mise à nu d'un système qui agit parfois avec un profond déni de la dignité humaine.