Par M.A. BOUHADIBA* Aristote avait consulté 158 Constitutions des poleis grecques et les avait classées en vraies Constitutions ou en Constitutions perverties selon les gens qui les avaient écrites. En Europe, aujourd'hui, les meilleures Constitutions, celles qui donnent le plus de droits au citoyen ne sont pas originaires de pays traditionnellement connus pour leur niveau démocratique. Ainsi la Constitution française est une des plus restrictives, de même que celles des pays scandinaves qui ne sont pas mieux logées. Le champion toutes catégories, le modèle de libertés et de justice c'est la Croatie ,suivie de près par la Slovénie, la Moldavie, Chypre et d'un peu plus loin par l'Espagne. En Tunisie, nous entrons dans la phase de rédaction de la Constitution, une Constitution, qui ancrera la démocratie dans notre pays et nous garantira la liberté et la dignité. Une Constitution c'est l'expression ultime du droit et le droit, c'est la civilisation. Sur le papier, toutes les Constitutions sont bonnes et pour être optimiste, on peut s'attendre à ce que la Constitution tunisienne le soit aussi très certainement. Mais une Constitution n'est pas uniquement faite de ce qui est écrit dans ses articles, elle est aussi faite malheureusement de ce qui n'est pas écrit dans son texte et qui peut paraître comme une injustice flagrante. Le Tunisien a fait une révolution pour la liberté et contre la corruption. Maintenant que la révolution est terminée, il espère en tirer des avantages matériels et c'est tout naturel. Un peuple a des droits, des ambitions mais aussi des besoins qu'il ne faut pas nier. La Constitution doit garantir non seulement les libertés mais aussi les besoins de base du citoyen. Le droit au travail doit être inscrit dans la Constitution car c'est la dignité de l'individu et son intégration dans la société. Plusieurs pays l'ont déjà fait, c'est possible. De même, il faut inscrire le droit au logement, aux soins et à l'éducation qui constituent le minimum nécessaire à une vie décente. Beaucoup de pays n'ont pas ces droits inscrits dans leur Constitution mais certains l'ont fait, nous devons être ambitieux et prendre le meilleur de ce qui existe sans arrière-pensées mesquines ou craintes budgétaires, car les solutions existent et d'autres, avant nous, l'ont prouvé Un individu protégé est un citoyen responsable, lui assurer ce basique minimum n'est pas une faveur ; c'est un droit qui n'empêchera pas par ailleurs des choses plus élaborées comme la défense de la liberté de correspondance, la protection des données personnelles, le droit à la créativité, le droit à l'honneur ou à la protection spéciale des femmes. Seul ce minimum universel pourra assurer la solidarité et l'unité du peuple tunisien, et le protéger. Dieu nous préserve d'une autre révolution.