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Qui a confisqué la Révolution ?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 11 - 2011


Par Habib DLALA
Sitôt l'euphorie des élections passée, sitôt la déception des modernistes installée, la victoire des islamistes étant confirmée, les réactions n'ont pas tardé à jaillir et à fuser. N'est-ce pas que la démocratie est aussi à ce prix ? Reste à faire un bilan objectif de ce premier épisode électoral, sans triomphalisme ni autoflagellation.
Reniant les approximations des sondages d'opinion sévèrement critiqués, les parties prenantes, des « grands partis » dissimulant mal leurs ambitions présidentielles aux indépendants constitutionnalistes, sympathiques donneurs de leçons animés de bonne foi ou simplement opportunistes, surenchérissaient, en souvenir de leurs frustrations antérieures ou de leur gloire passée, sur leur poids et audience respectifs. Face à la toile islamiste, l'enjeu stratégique a cédé au jeu de rivalités. La polémique sur l'identité et le sacré tout autant que celle engagée sur le droit constitutionnel comparatif et le financement des partis ont fini par mettre en sourdine les préoccupations vitales de ceux qui sont censés remplir les urnes. A l'approche de l'heure de vérité, la date fatidique du 23 octobre, un vent de panique a soufflé sur les partis dont les QG sont peuplés certes de bons patriotes et hommes de qualité, mais encore politiquement inexpérimentés, et pour certains, mauvais joueurs. Certains de leurs dirigeants avaient du mal à cacher leur désarroi sur les plateaux de télévision. Du fait de cette panique, on était loin de mesurer l'impact des stratégies électorales adoptées sur le nouveau paysage politique de la Tunisie.
Aujourd'hui, les résultats définitifs sont proclamés. Ils permettent d'établir un constat en trois points :
Premier point : la compétition a profité au parti du mouvement Ennahdha qui a obtenu 89 des 217 sièges de la Constituante, soit 41% du nombre de votants.
Désarçonné par une révolution qu'il n'a ni initiée ni accompagnée dans ses phases les plus cruciales, ce parti est arrivé en tête du scrutin grâce à un réseau discret d'activistes longtemps « martyrisés » par le régime déchu et disséminés dans le corps social urbain de toutes les régions du pays. C'est ce réseau qui a permis d'établir le maillage territorial, assorti de cellules locales en nombre suffisant, ayant servi à rapprocher les vecteurs locaux de la propagande politique et électorale islamiste de la population et à orchestrer la mobilisation de nouveaux captifs sympathisants. La sécurisation des électeurs en ce qui a trait à l'identité et au sacré et l'assurance donnée en ce qui concerne l'égalité en droit de tous les Tunisiens ont beaucoup aidé à la réalisation de bons scores électoraux sur toute l'étendue du territoire.
Pourtant, la cartographie des sièges révèle une forte implantation du parti Ennahdha dans toutes les régions littorales urbanisées, à l'exception de la zone touristique de Hammamet-Nabeul. Dans le Sahel de Sousse-Monastir, ce parti est sérieusement concurrencé par Al Moubadara.
Deuxième point : les meilleurs scores réalisés par les autres partis varient de 2 à 14% des sièges pour le Congrès pour la République, Ettakattol, le Parti démocratique progressiste, le Pôle démocratique moderniste et Afek Tounes, dont la déception a été (sauf pour le dernier) incommensurable. Avec 9 à 14% du scrutin, seuls les deux premiers ont obtenu ce qu'il faut pour se sortir d'embarras. Sur un autre plan, les régions intérieures déprimées, notamment celles de la première insurrection, n'ont pas vu ou ne se sont pas tellement vues dans les plus importants partis politiques, y compris les partis de gauche (!). Quant aux listes présentées par les autres partis ou celles formées d'indépendants, éparpillées et sans assise populaire aucune, elles ont été, avec un seul siège dans le meilleur des cas, complètement anéanties par la machine électorale. De ce fait, et sur l'ensemble des suffrages exprimés, plus d'un million de voix éparpillées ont été perdues par les formations politiques les plus médiatisées qui n'ont réuni au total que 65 sièges.
Par ailleurs, les «intrus» d'Al Aridha Echaabia, indépendants télédirigés par une pirouette «islamo-rcédiste», ont réussi à rafler sur leur passage, au nez et à la barbe de tous leurs concurrents, 27 bons sièges grâce à peine à 170.000 voix !
Troisième point : ceux qui ont décidé de se soustraire aux élections, parce qu'ils ne connaissent pas ou ne se reconnaissent pas dans les listes indépendantes éparpillées et dans la pléthore de partis sans envergure qui se sont jetés dans la compétition, représentent 51% du total des Tunisiens en âge de voter.
Partant de ce bref constat, il faut reconnaître que le parti favori de la course n'a pas obtenu la majorité absolue. En épuisant tout son réservoir d'électeurs, adhérents à ses thèses ou sympathisants, il ne représente que le cinquième des Tunisiens en âge de voter. Dès lors, la démesure dans les propos et l'empressement dans l'exercice du pouvoir, fût-il provisoire, sont déplacés. Les incidents de discours et les déclarations marquées de lapsus révélateurs de fixations suspectes dérangent le citoyen. L'audience pour le moins peu affirmée dont « le vainqueur » jouit dans les circonscriptions électorales du Centre-Ouest devrait l'inviter à plus de retenue quant à la mise en œuvre unilatérale de son projet et de ses ambitions.
Lorsqu'on se tourne vers les autres formations politiques, il est aisé de rendre compte de la médiocrité de leurs prestations électorales. Que les partis soient pléthoriques et d'ascendance courte, cela ne surprend guère car les autorisations n'ont pas été délivrées sur des bases restrictives. Par contre, ce qui surprend, c'est le choix délibéré de l'éparpillement politique excessif et dans les faits, celui de la dispersion électorale des voies. De plus, les partis politiques, tout autant que les listes indépendantes relevant de la mouvance moderniste libérale ou progressiste, se sont confinés dans un carcan partisan étriqué, petit bourgeois, élitiste, frisant souvent le narcissisme, en tout cas coupé de la réalité des couches moyennes à faibles atrocement précarisées et paupérisées, seules capables de faire exploser les urnes. Face à un adversaire politique appuyé sur un réseau ramifié d'électeurs enrégimentés et disciplinés, ces acteurs, au discours redondant, ont fait avorter les rares tentatives de rassemblement autour d'un projet commun de société médiane, ouverte et tolérante. La rupture avec le corps social déclencheur et accélérateur de l'insurrection et l'éparpillement politique déroutant qu'ils ont préféré ont contraint la moitié de la population en âge de voter à s'abstenir totalement, pour ne pas donner leurs voix aux islamistes.
N'ayant pas trouvé la voie vers une mobilisation populaire adéquate, la mouvance moderniste a plané par son charabia juridico-politique sur les foules, sans les atteindre. Chemin faisant, elle n'a pas su polariser les anciennes troupes du RCD affranchies de la nomenklatura et des sbires du dictateur, celles autorisées à voter et cherchant à se recaser.
Enfin, l'Union générale des travailleurs tunisiens, seule force nationale progressiste organisée, qui n'a pas grand-chose à se reprocher, a, me semble-t-il, délibérément brillé par son absence. Mais, le fait est qu'elle s'est montrée plus intéressée à certaines élections sectorielles qu'à la rédaction du texte fondateur de la deuxième république !
Aujourd'hui, le parti vainqueur cherche à composer un gouvernement de coalition avec le CPR et Ettakattoul. Arrivant à deux sièges d'écart par rapport au CPR, Al Aridha, aujourd'hui à l'état de déconfiture, n'est pas pour l'heure conviée au partage. Les règlements de comptes ne s'arrêteront pas là.
A vrai dire, les consultations ont débuté dès l'annonce des résultats préliminaires du scrutin et bien avant la tenue de la première assemblée constituante dont la toute première charge sera de choisir son président, d'adopter un règlement intérieur, de décider de l'organisation des pouvoirs et de choisir le président de la République qui désignera le chef du gouvernement provisoire, lequel formera son gouvernement.
En réalité, la perche de la coalition est politiquement plus utile à celui qui la tend qu'à celui qui est proposé pour la saisir. Les islamistes y sont contraints parce qu'ils sont confrontés pour la première fois à la réalité du pouvoir et parce que la nouvelle Constitution ne s'établira pas sans diversité politique au sein de la Constituante et le nouveau gouvernement provisoire ne se formera pas sans majorité absolue ni alliances. Ils y sont forcés aussi parce que l'héritage des réformateurs tunisiens, vieux de cent cinquante ans, n'est pas aussi éphémère qu'on le croit. Ils y sont également amenés parce qu'ils seront jugés, en prévision des rendez-vous électoraux prochains, sur leur capacité de répondre aux attentes sociales impatientes exprimées par de larges couches de la société qui ne demandent, rien de plus rien de moins, que plus d'emploi, plus de sécurité et moins d'inflation. Ils y sont enfin obligés parce qu'ils ne pourront pas, seuls, promouvoir une image apaisée et rassurante de la Tunisie nouvelle à l'étranger sans le carnet d'adresses du leader du CPR et surtout celui du chef de Ettakattoul. On ne peut que déplorer l'arrogance de ceux qui, prétextant une représentativité populaire, somme toute réduite ou très réduite, se livrent à un partage des fonctions suprêmes en dehors de l'enceinte de la Constituante. L'implication active de ces deux personnalités au niveau le plus élevé de la nouvelle hiérarchie est d'autant plus nécessaire que nos partenaires européens traditionnels sont aujourd'hui à la fois soucieux des dérives que connaîtront les révolutions arabes, tout particulièrement dans notre voisinage proche et préoccupées par la propagation de la crise de la dette souveraine dans la zone Euro qui les contraint à des plans d'austérité à répétition compromettant inéluctablement leur croissance.
Il est bien entendu que le CPR et Ettakattoul sont conviés à une coalition au prix d'une compromission politique assurée, d'un affaiblissement conséquent de l'opposition et d'un partage forcé de risque prévisible dans un contexte national et international difficile. En cas de naufrage socioéconomique, les islamistes n'admettront pas de couler sans leurs deux principaux rivaux.
Enfin, le glissement du parti du mouvement Ennahdha au centre déterminé par la mise en équation de la démocratie et de l'islamisme posera le problème crucial de l'internalisation et de la maîtrise de tout le spectre islamiste, du plus modéré au plus radical, et de ménager les figures emblématiques qui les représentent et les Etats qui les soutiennent ou les défendent.
Il se peut que les bavures et les dérapages discursifs des chefs soient destinés à résorber la fébrilité des tendances islamistes les plus réfractaires. Mais, le recours stupéfiant à la rhétorique du divin et la référence au salaf, notamment en ce qui a trait au système politique, nous laissent perplexe. Tout porte à croire que la confiscation cultuelle de la Révolution de la dignité et de la liberté, obtenue par des notabilités religieuses et des notabilités entrepreneuriales acquises à titre compensatoire d'une « gloire » différée est culturellement et politiquement suspecte. Trop divisées pour pouvoir accaparer les objectifs politiques de la Révolution, les forces modernistes petites bourgeoises, libérales et progressistes, qui ont parrainé majoritairement le montage du processus de transition démocratique et du protocole électoral de la Constituante, ont été littéralement flouées.
Reste à gérer l'incompétence, face à l'urgence et la complexité du social.
Reste aussi à définir et bien penser les fondamentaux constitutionnels qui instaureront la Deuxième république et le droit de tous les Tunisiens à la citoyenneté.


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