Le palmier-dattier a été appelé par les anciens phoenix dacty fera, ce qui veut dire «palmier de Phénicie, porteur de dattes». Revendiquant, à juste titre, un pan non négligeable de l'héritage phénicien, nous pouvons nous prévaloir d'être des producteurs de dattes parmi les plus fines et cela depuis l'Antiquité. Cette suprématie n'a que trop duré : notre variété la plus prestigieuse a migré vers les USA; elle s'est américanisée puis «relabellisée» : de deglett ennour (doigt de lumière), elle est passée à deglet noor, portant un label américain reconnu. Nous ne savons pas si notre pays a contesté cette labellisation, mais les pays proches continuent à nous considérer comme la terre d'origine, avec l'Algérie voisine, de ce fruit mondialement apprécié. Les autres variétés, en manque de prestige, mais pas de saveur, continuent à vivoter tant bien que mal, étant entretenues par des cultivateurs passionnés, bien que leur valeur marchande soit de loin inférieure à celle de la deglett ennour. Nous allons en citer quelques-unes, celles que nous pouvons trouver sur les lieux de production ou dans certains grands marchés pour leur rendre hommage car elles font de la résistance, une véritable résistance face aux aléas de tous genres. Nous parlons ici des dattes molles ou demi-molles, pas des dattes dures que nous nommons communément b'lah. Les premières qui annoncent la saison, à la fin du mois d'août, sont les ammari et la lâgou; cette dernières est du genre r't'ob, elle est mince et effilée, mais il faut attendre la saison prochaine pour la retrouver sur les étals. Puis, ça s'enchaîne et ça continue jusqu'à janvier. Les oasiens ont pris l'habitude de débarrasser les régimes de la degla des dattes un peu plus mûres que les autres ou celles qui risquent d'alourdir le poids des régimes, pour les écouler à un prix fort abordable sous la dénomination de déglat ch'bâba (degla mignone). Une autre variante de la degla, plus grosse et plus charnue, a élu domicile dans l'oasis de M'néchi, à Tozeur. Les producteurs lui ont attribué le nom de deglet-el bey, vraisemblablement pour sa taille digne de plaire à un monarque. La goundi fait partie du r't'ob; elle est petite et mince. Contrairement à ce qui se dit pour le poisson, par exemple, la khalt (mélange) n'est pas un assortiment de dattes, mais une variété bien distincte; elle est grosse et tout en rondeur. La tronja est volumineuse ; elle a bien mérité son surnom de bîdh h'mâm (littéralement œuf de pigeon); plutôt ronde et claire, elle plaît par son aspect quelque peu différent. Certainement à cause de sa couleur, la hamra (rouge) est plutôt rougeâtre; de par sa forme, elle ressemble beaucoup à la dégla ch'baba. La horra, (la vraie), est molle et sèche ch'bâba; de taille respectable et de ton clair, elle se distingue des variétés vraiment sèches par sa mollesse au toucher. Comme pour beaucoup d'autres, elle est jéridienne. La kintîchi ou kintîcha est une datte sèche et se mange comme friandise. Ses amateurs en mettent plein les poches et la grignotent sur le chemin de l'oasis ou en passe-temps dans les moments de repos. Une variante de la kinticha est la kinta. Elle est moins dure que ses cousines. Enfin, la boufaggouss est énorme. Elle ressemble de par sa taille à un petit concombre, toute proportion gardée. Toutes ces variétés sont douces et délicieuses. Nous les avons présentées parce qu'elles existent encore, bien que certaines soient en voie d'extinction. Cherchons-les, consommons-les afin qu'elles continuent à vivre et à prospérer. Malheureusement beaucoup de leurs semblables ont déjà disparu, peut-être à jamais. Elles ont laissé place à des variétés plus productives et dont les cours sont plus élevés. Offrir des dattes à ses convives et à ses amies peut constituer un acte citoyen. Au-delà du plaisir que procurent ces fruits rustiques et rares, ce geste contribuera à maintenir la diversité biologique dans nos oasis et sauvera notre patrimoine phytogénétique.