«Ange inconsolable», «Ange sans mémoire», «Ange essayant de faire voler une femme», «Ange à la grenade amère», «Ange marchant sur la terre comme sur un fil», «Ange timide», «Ange pressé», «Ange songeur», «Ange boudant », «Ange engueulant un angelot», « Ange au masque féminin», «Ange à la nouvelle chaussure verte»… En quinze tableaux touchant de sensibilité, d'humour et de poésie exposés jusqu'au 27 avril à la librairie Fahrenheit à Carthage, Nacer Khémir, raconte les anges: leur vie, leurs œuvres, leurs états d'âme. La tendresse de son propos est appuyée par la douceur de la couleur qui imprègne ses tableaux (technique mixte, acrylique et peinture à l'huile), des camaïeux rose, bleu, jaune, rappelant l'effet vaporeux et aérien des pastels. Normal, depuis qu'on les connaît, les anges n'ont-ils pas toujours évolué dans les horizons célestes ? Ce fascinant artiste touche-à-tout n'arrête pas de parcourir le monde pour présenter des master class dans le domaine du septième art, pour tourner, pour assister également à des festivals de cinéma, de la marionnette ou du conte, pour exposer ses sculptures, ses dessins, ses calligraphies, ses gravures. A-t-il choisi le personnage de l'ange pour établir des passerelles entre les civilisations, la plupart possédant leurs propres répertoires d'anges? Sa réponse fuse directe : «Les anges ne mentent pas !». Sa source d'inspiration n'a rien à voir avec les églises quelles que soient leurs couleurs. Elle puise plutôt dans le fonds inépuisable des hasards des rencontres. Quand on sait bien regarder les hommes et les femmes, nous souffle-t-il, on se rend compte que les anges sont parmi nous : «J'ai horreur des sociétés qui se mentent à l'infini. Les anges incarnent le reflet de la vérité des êtres. Cette partie divine qu'ils gardent quelquefois malgré eux. Souvent les individus les plus noirs portent quelque chose d'angélique». On ne le sait peut-être pas: la première expression artistique de Nacer Khémir, l'auteur des longs métrages «Les baliseurs du désert», «Le collier perdu de la colombe» et de « Bab'Aziz», n'est pas le cinéma mais le dessin et la peinture. Enfant, il a passé douze années de sa vie dans un internat. Ses crayons et ses couleurs l'ont aidé à casser les murs de l'enfermement, à partir dans le pays merveilleux et toujours ouvert du rêve… Toutefois jamais il ne lui arrive de transposer son travail de conteur sur son travail de peintre. Lorsqu'il s'installe dans la langue arabe, il est différent du Nacer Khémir maniant avec dextérité la langue de Molière. Conteur des Mille et une Nuits, il est tout à fait autre que l'artiste racontant les contes de sa mère. Il explique et confie : «‑Chaque matière, chaque langue a son architecture, son labyrinthe et son imaginaire particuliers. Mon plaisir consiste à m'y embarquer comme pour un voyage. Je suis plus nomade par cette dimension que par mes déplacements à travers le monde. Et puis un nomade qui ne se perd pas un peu n'est pas un vrai nomade ! ».