Alors que Gabès enregistre à ce jour l'arrêt de production du Groupe chimique et ses conséquences néfastes et comme ce fut le cas à Kasserine, le torchon a brûlé hier dans les zones minières de Gafsa et les désordres violents ont dépassé tout entendement, nuisant grandement à la paix sociale et au climat de sérénité et de stabilité nécessaires à une réelle reprise économique en vue de la résolution progressive de la question du chômage. Ces actions d'une extrême violence, que ne peut justifier aucune cause ou prétexte, évoquent sans conteste un climat souterrain de mécontentement intense qu'attiseraient des forces occultes ou des mécanismes sociaux mal gérés et mal canalisés. Pourtant, personne ne serait en mesure de croire que l'on puisse résoudre comme par une baguette magique le chômage qui sévit dans les régions de l'intérieur. Des régions qui, toutes, attendent et espèrent légitimement un changement de traitement radical leur ouvrant les vannes de l'investissement productif, de la croissance conséquente et de l'emploi digne et stable. La révolution de la liberté et de la dignité, qui a chassé le régime despotique et mafieux, compte en tête de ses revendications et de son programme, le renflouement économique et social de toutes les régions laissées pour compte de l'intérieur du pays. Mais il est essentiel que l'on sache y ménager un climat favorable au travail, à la production et à l'investissement. Alors que le processus de mise en place des institutions et mécanismes de souveraineté populaire, associé à l'Assemblée nationale constituante élue le 23 octobre dernier et dont la séance inaugurale s'est tenue mardi 22 novembre au Palais du Bardo, s'accélère et bénéficie de l'aval de toutes les forces politiques, sociales et associatives du pays, les mouvements de contestation sociale et régionale les plus divers se multiplient dans plusieurs zones du pays, laissant prévaloir un climat d'instabilité et de doute quant à l'avenir réel de l'ensemble de la transition démocratique du pays. Et s'il est un fait certain — souligné d'ailleurs aussi bien par l'organisation patronale que par les promoteurs agricoles — que la situation de l'économie laisse à désirer et nécessite une sérieuse reprise en main, hypothéquant les espoirs de relance de la croissance, de création d'entreprises et de multiplication des opportunités d'emploi, rien dans les attitudes de la population ne laisse espérer que la patience et la modération puissent prendre le dessus. Après quelques mois d'apaisement et d'une stabilité retrouvée, c'est comme si le succès des élections démocratiques s'est transformé en un catalyseur de la revendication sociale et du mécontentement multiforme dans plusieurs régions et à l'échelle nationale. Ce alors que les sans-emploi multiplient leurs actions et durcissent leurs positions, et que l'ampleur des dépassements dans l'enseignement supérieur et les lycées prend des proportions inquiétantes. Nous sommes en présence d'un tableau menaçant qui tourne le dos à tout bon sens et à toute raison. Au sortir d'une révolution contestant un développement à deux vitesses ayant défavorisé des régions entières et laissé sans emploi des centaines de milliers de jeunes, le pays peine à reprendre de la vitesse et à relancer cette croissance si essentielle à la prospérité. Or, le désir de mieux répartir les fruits de la richesse ne peut se justifier en l'absence de stabilité, de production et de paix sociale. Trois conditions incontournables de la prospérité économique et de la création d'emplois. Ne faut-il pas songer, dans la plus grande urgence, à un engagement solidaire de toutes les forces vives du pays à solliciter le calme, le dialogue raisonnable et la patience? Pour que le nouveau gouvernement qui se met en place puisse promouvoir, dans la sérénité, les politiques qui s'imposent. Il est aujourd'hui indispensable de voir s'organiser et se mettre en place, dans chaque région du pays, une convergence consensuelle groupant toutes les forces politiques, syndicales et associatives, appelée à encadrer l'opinion et à organiser le dialogue et le débat en vue de remettre en route l'économie et d'aider les pouvoirs publics à engager les réformes et préserver la paix civile, la stabilité et la sécurité dans chaque région. Quelque puissent être la situation et les décisions ou dérapages possibles. Afin aussi de désamorcer les conflits ou les manœuvres de coulisses tramées par les forces souterraines qui se placeraient derrière ces soubresauts mystérieux et excessifs qui ressemblent tant à des sursauts contre-révolutionnaires désespérés. Quand bien même les revendications et le ras-le-bol seraient parfaitement légitimes.