Comment nos jeunes peuvent-ils se reconnaître dans un environnement où foisonnent des courants culturels, esthétiques, mondains, sociaux, etc. s'ils n'ont pas leur propre référence personnelle ? Paradoxalement, le Tunisien d'antan était plus ancré dans ses origines et ses repères traditionnels et culturels que celui de nos jours. Un adolescent, par exemple, n'est pas tout à fait imprégné des valeurs qui font le Tunisien. Nos parents et grands-parents avaient leurs particularités et leurs spécificités qui faisaient qu'on pouvait les classer sans problème dans leur sphère socioculturelle tunisienne. Et cela, bien sûr, grâce à leur langage, leur comportement en collectivité, leur respect de l'autre et des personnes âgées, leur attachement aux sources et leur capacité à s'en inspirer. Mais, on constate aussi que c'est à travers ce retour incessant vers les fondements qui font notre spécificité, que nous perpétuons notre force et celle de notre personnalité. Les générations nouvelles semblent un peu perdues. C'est, d'ailleurs, ce que l'on dit partout dans le monde et pas seulement chez nous. Toutefois, il est nécessaire de souligner que le jeune Tunisien, actuellement, est en dérive. Dès son jeune âge, il est livré à diverses influences, les unes plus perverses que les autres. Nos juniors, à titre d'exemple, regardent des dessins animés diffusés à longueur de journée par des chaînes satellitaires arabes. Ces DA ne sont même pas produits par ces chaînes, mais ce sont des productions américaines ou asiatiques. Tout simplement, elles sont doublées dans un arabe qui laisse beaucoup à désirer (et là, les linguistes savent que même en matière de terminologie les Arabes ne sont pas d'accord). Mais à travers cette habitude, nos enfants ne se reconnaissent ni dans ces cartoons ni dans le média qui les diffuse. La langue arabe d'ailleurs n'est même pas la langue qu'ils étudient à l'école. Les termes qu'ils rencontrent tout au long des émissions et des DA sonnent faux dans leurs oreilles en raison, souvent, de l'accent de ceux qui les prononcent. Bref, nos jeunes n'ont rien à voir avec ce que leur proposent ces télévisions lointaines. Il n'y a rien à avoir avec ce qu'ils cherchent. Aucun rapport avec leur identité ou leurs préférences, traditions, habitudes... Dépaysement total ! On le sait, toutes les télévisions du monde consacrent une grande part de leur programmation à ce public très spécial qui n'est autre que le public enfantin. Dernièrement, en Tunisie, on a pensé à créer une nouvelle chaîne publique. Mais, malheureusement, on n'a pas pensé aux juniors. Car, tout simplement, cette chaîne T.V sera réservée au sport. Comme si le sport n'avait pas assez de chaînes. On ne peut pas dire que l'idée soit mauvaise. Le sport et, plus particulièrement le sport tunisien, a besoin de cette impulsion. Toutefois, nos enfants et nos jeunes ont encore plus besoin qu'on leur accorde plus d'intérêt à travers les médias spécialisés et, en l'occurrence, à travers la petite lucarne. Pourquoi, alors, ne pas lancer une chaîne publique qui s'adresse uniquement aux jeunes et aux enfants et qui traite d'autres sujets que le sport ? Il y va de la formation de leurs personnalités et de leur identité. Ce sera, à n'en pas douter, un espace culturel de plus et un moyen de promouvoir la réflexion sur notre culture et notre histoire. Car, aujourd'hui plus que jamais, jeunes et moins jeunes ont une grande soif de connaître leur histoire et de se réconcilier avec leur passé et leurs traditions. Seules des productions tunisiennes destinées à ces spectateurs sont capables d'atteindre ces objectifs. D.A, films, émissions d'animation, émissions culturelles, etc. pourront meubler les heures de diffusion. D'un autre côté, il existe une grande marge de manœuvre qui consiste à exploiter le grand nombre d'archives dont dispose la télévision et donner la possibilité jamais offerte à nos jeunes de mieux réapprendre et appréhender leur histoire. C'est, en même temps, une occasion de dépoussiérer de précieux documents audiovisuels écartés à dessein de la circulation. Leur rediffusion sera d'un grand apport. Et, au moment même où on apprend à se connaître, on se fait connaître en dehors de nos frontières. Donc, la création d'une chaîne spécialisée pour la jeunesse ne devrait pas rester un rêve.