Par Sofiane BEN FARHAT Les Grecs ne sont pas au bout de leurs peines. Les affres de la crise profonde qui secoue leur pays se doublent d'un lancinant sentiment d'humiliation. Accablée par une dette record, la Grèce a demandé vendredi à l'UE et au FMI de lui prêter d'urgence 45 milliards d'euros. Mais cela ne semble guère être la panacée tant espérée. Et les Grecs en sont conscients. Tristement conscients. En effet, le gouvernement socialiste de Georges Papandréou a été sommé d'adopter de nouvelles mesures d'austérité. Autrement, point d'aide de l'UE ou du FMI. Tel est le verdict du collège d'experts européens et du FMI réunis à ce propos depuis mercredi dernier. Ils sont en train de concevoir et négocier ce plan d'austérité avec le gouvernement grec. A les entendre, il pourrait être mis en branle début mai. Il faut savoir que le gouvernement grec a déjà subi la chape de plomb des exigences européennes en la matière. En vue d'abaisser de 4% son déficit il a dû prendre un train de mesures loin d'être populaires: augmentation des taxes et de la TVA, réduction des salaires publics, gel des retraites, etc. Saigné à blanc, le citoyen grec n'y peut guère. Mais l'intervention escomptée du FMI semble avoir une odeur de souffre auprès du commun des Grecs. Ce dernier cultive volontiers des positionnements anti-américains qui semblent relever de la tradition nationale. L'immixtion du FMI est dès lors ressentie comme une ingérence à proprement parler humiliante. Georges Papandréou en convient. Etre sous la "tutelle" du FMI n'est pas "agréable", a-t-il concédé hier. Toutefois, il faut accepter ce qui s'apparente bien à ses yeux à un mal nécessaire. Les experts ne partiront pas "avec des jets de pierre", précise le chef du gouvernement mais seulement quand la Grèce aura "remis de l'ordre" dans son économie. La mise au point s'imposait au regard de l'actualité explosive. Peu de temps après l'annonce du recours au FMI, des manifestants sont descendus dans la rue à Athènes aux cris de "FMI, go home". De leur côté, les syndicats et les partis de gauche ont prévenu contre quelque traitement de choc qui remettrait en cause les acquis et droits sociaux. Ils prévoient même des manifestations à ce propos dans deux jours. Et puis les Grecs ont d'autres tourments et démons. En Europe même, on envisage d'expulser leur pays de l'Union européenne. Pour le pays de Socrate, Aristote et Platon, cela relève de la remise en cause fondamentale, identitaire. Et dire que la civilisation grecque a été le principal vecteur de la naissance de l'Europe dans son ensemble. Le sage, le philosophe et l'artiste grecs meublent toujours l'imaginaire européen et hantent l'esprit des créateurs, artistes et intellectuels du Vieux continent. Mais les considérations politiciennes et strictement financières n'en ont cure. En Allemagne, des voix se sont élevées pas plus tard qu'hier pour réclamer la sortie de la Grèce de la zone euro. La Grèce "devrait envisager sérieusement de quitter la zone euro", a déclaré Hans-Peter Friedrich, un des hauts responsables de la CSU, frange bavaroise du parti conservateur de la Chancelière Angela Merkel (CDU). Ce sujet "ne doit pas être un tabou", a-t-il surenchéri. La presse allemande fait état de véritables manœuvres politiques visant à expulser la Grèce de la zone euro. Ainsi, le parti libéral FDP, membre de la coalition au pouvoir, s'est-il joint au chœur des éradicateurs. Il compte entériner ce week-end au cours de son congrès annuel une motion réclamant une exclusion de la zone euro des pays en difficulté en lieu et place de l'aide européenne. L'Allemagne, il est vrai, sera le plus gros contributeur au plan d'aide de la Grèce. Mais les Grecs croient fermement qu'aider n'est guère synonyme d'humilier.