De notre envoyé spécial à Durban Chokri BEN NESSIR Situé dans l'enceinte du Centre international des congrès à Durban, le pavillon Afrique, qui sert de tribune au continent africain pour faire entendre sa voix et qui abrite depuis deux semaines tables rondes et autres événements, en marge de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, a célébré avant-hier la Journée de l'Afrique. Et ce, en invitant à la réflexion sur l'élaboration d'un agenda de développement en Afrique, doté d'économies résistantes aux changements climatiques et sobres en carbone. Fruit d'une collaboration étroite entre la Banque africaine de développement, la Commission de l'union africaine, la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique et le gouvernement sud-africain, le pavillon africain offre aussi au visiteur l'occasion de découvrir quelques-unes des initiatives et actions lancées en Afrique autour du changement climatique et du développement par une grande variété d'acteurs. Bien que l'esprit qui a dicté sa conception obéisse à la logique du thème de la conférence, à savoir les changements climatiques, le stand africain a fait preuve de beaucoup d'originalité et de savoir-faire. Spacieux, agréable et fonctionnel, l'exploitation judicieuse de l'espace a permis la fluidité de la circulation des visiteurs venus en nombre important. Fort d'une reconstitution subtile d'une forêt typique où il n'y a rien d'artificiel, où tout est naturel, ce stand qui couvre 500 m2 a restitué l'image de la forêt africaine telle qu'elle est. Des arbres, de la brousse, des feuilles qui tombent, des lianes qui s'entrelacent, mais aussi des animaux, présents par le son mais qu'on retrouve aussi nichés dans la végétation inextricable de cette jungle. L'objectif est, bien sûr, de braquer le halo des projecteurs sur la situation dramatique qui prévaut dans les forêts du bassin du Congo. En effet, les forêts et les bois occupent à peu près 650 millions d'hectares, soit 21,8% des terres du continent africain. Cela représente 16,8% du couvert végétal. Cependant, plusieurs de ces forêts sont sévèrement fragmentées à cause de l'expansion des activités humaines et de la pression exercée par les populations sur le bois, ainsi que par la conversion des forêts en terres agricoles. Sur un autre plan, en Afrique centrale, le Lac Tchad reste le dernier verrou qui protège le bassin forestier du Congo qui, avec l'Amazonie, permet à la Planète de séquestrer les gaz à effet de serre. D'où la priorité à accorder à l'Afrique en matière d'atténuation des effets néfastes des changements climatiques sur le continent et la nécessaire adaptation économique. S'inscrivant dans cet esprit, la Journée de l'Afrique a comporté deux grands panels. Le premier dédié au «développement d'abord» et le second aux «finances et économies des changements climatiques». Le premier intervenant, le Dr Jean Ping, président de la Commission de l'Union africaine, a souligné que « grâce aux efforts soutenus et coordonnés des négociateurs africains pour obtenir des résultats probants, l'Afrique a donné le ton et parle d'une seule voix. Désormais, elle est prise au sérieux et participe de façon dynamique aux débats ». Cédant la parole au Premier ministre éthiopien, Meles Zinawi, ce dernier a considéré que le pavillon africain fait partie des idées novatrices pour participer à l'atténuation des effets des changements climatiques. Toutefois, M. Zinawi pense que si dans d'autres pays on évoque le développement durable ou le développement vert parmi les meilleures solutions à leur croissance future, pour les Africains, c'est l'unique voie, la seule solution. Il a, dans ce sens, rappelé qu'il est inutile de recourir aux technologies classiques dépassées et polluantes, quand on peut migrer directement vers celles qui sont propres et écologiques. Il n'empêche, ces initiatives, qui seront menées pays par pays, nécessitent, a-t-il indiqué, des plans d'action et des stratégies coordonnées sur le plan régional et continental. Dans le même contexte, M.Zinawi a identifié trois projets prioritaires pour l'Afrique, à savoir la protection des forêts du bassin du Congo, l'édification de la Muraille Verte qui sera une barrière contre l'avancée du Sahara de Djibouti à Dakar et, enfin, le sauvetage du Lac Tchad qui est en train de disparaître. Pour sa part, le Lord Nicholas Stern, du Granham Institute, qui a présenté une communication sur l'économie des changements climatiques, a révélé que l'Afrique n'émet que 3 milliards de tonnes de carbone, alors que le reste du monde en émet cinquante. C'est pour cela qu'il considère que l'atténuation des gaz à effet de serre ne peut se faire que dans le cadre d'une économie mondiale. Certes, cela nécessite une révolution au niveau des pratiques et commande des projets. «On ne doit pas aborder la question de l'adaptation comme une contrainte», a-t-il souligné. Abordant l'épineuse et récurrente question du financement, Stern a affirmé que nous avons besoin de «politiques qui couvrent tous les domaines et qui peuvent aller au-delà du prix du carbone». Les travaux de la Journée de l'Afrique ont permis aux participants de discuter des sujets à même de baliser la voie à un agenda de développement en phase avec la vision d'économies africaines résistantes aux changements climatiques et faibles émettrices de carbone. Le financement pour l'adaptation et l'atténuation des effets du changement climatique, le développement de l'agriculture, de l'énergie propre, de la croissance verte, la reforestation, la lutte contre les émissions de gaz, les forêts du bassin du Congo, l'eau et le changement climatique et la question du Lac Tchad, ont alimenté un débat pertinent, ouvert et fertile. Il est à noter la présence parmi les orateurs de haut niveau du président de la Banque africaine de développement, Dr Donald Kaberuka, du président de la Commission de l'Union africaine, Dr Jean Ping, du Premier ministre éthiopien Meles Zenawi, Abdulie Janneh, SG adjoint des Nations unies.