La Tunisie est-elle capable de réussir sa transition ? A-t-elle besoin d'un modèle préétabli, les spécialistes de la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd) sont-ils venus donner les leçons qu'il faut aux Tunisiens et leur tracer la voie à suivre ? Les Tunisiens sont-ils en mesure d'imaginer leur propre modèle de migration d'un régime totalitaire vers une démocratie pluraliste et qui a le mérite d'être consensuelle en cette période truffée de défis à relever par la Tunisie post-révolutionnaire ? Ces interrogations et d'autres ont été au cœur d'un séminaire organisé, hier, par la Berd en collaboration avec l'Utica sur le thème : «Favoriser la croissance et l'investissement pendant la transition». Et les intervenants au nom de la Berd, de la Croatie de s'employer à souligner qu'ils ne sont pas venus «en donneurs de leçons ou en porteurs de sagesse» et qu'ils sont convaincus «que la Tunisie dispose des atouts nécessaires pour réussir le plus important tournant de son histoire, à condition que les réformes requises soient engagées à temps et conduites sur la base de normes scientifiques et rigoureuses». Ainsi, M. Ivan Miklos, vice-Premier ministre de la Slovaquie, a-t-il donné un aperçu sur les conditions dans lesquelles son pays à réussi à réaliser «la meilleure croissance économique en Europe de l'Est grâce précisément à la justesse des réformes engagées pendant la période de transition». Créer sa propre approche de transition Economiste à la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd), Erik Berglof est de ceux qui pensent que chaque pays «se doit d'imaginer sa propre transition en prenant en compte ses spécificités et ses réalités aux plans interne et externe. «La Tunisie, qui a déjà montré qu'elle s'est engagée sur la voie de la réussite en organisant des élections libres, démocratiques et transparentes, dispose de tous les moyens pour éviter les problèmes auxquels l'Europe de l'Est s'est trouvée confrontée lors de son passage d'une économie dirigée à une économie de marché». Pour Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica, «l'entreprise est au cœur du mouvement de transition démocratique et elle est pleinement engagée dans sa mission de citoyenneté, parce qu'intimement convaincue que la transition est une démarche globale où le politique, le social et l'économique s'interfèrent et se conjuguent pour asseoir les bases d'un environnement propice à la libération des énergies, à la délivrance des initiatives et à la valorisation du travail dans son sens le plus noble». Et la présidente des patrons d'ajouter : «La vision de l'entreprise est claire et loin de poser des conditions ou des préalables, nous estimons que la sécurité, l'apaisement du climat social et la garantie du fonctionnement des services publics sont les priorités les plus pressantes de la classe politique dirigeante». «Un vaste chantier de réformes, souligne-t-elle encore, attend la Tunisie et il pourra s'étendre aux axes majeurs du modèle économique que la Tunisie ambitionne d'édifier». Idées, analyses et orientations que partage, dans une large mesure, Wafa Sayadi, présidente du Centre des jeunes dirigeants d'entreprises (CJD), qui considère que les Tunisiens ont un défi majeur qu'ils ont le devoir de relever ensemble, dans un climat de dialogue, de concertation et de consensus: créer leur propre modèle de transition démocratique et de développement économique. «Et les jeunes sont appelés à jouer un rôle fondamental dans cette gigantesque et exaltante entreprise, car, il ne faut jamais l'oublier, la révolution du 14 janvier 2011 a été l'œuvre des jeunes et la concrétisation de ses objectifs doit être également l'œuvre de cette même jeunesse qui n'a de leçons à recevoir de personne ou de modèles importés à suivre», a-t-elle martelé. «Le futur de notre transition dépendra de la sauvegarde des emplois existants, de la création d'autres postes et de la répartition équitable des richesses engendrées par la croissance», ajoute-t-elle. «Je suis intimement convaincue que la révolution a été le chef-d'œuvre de notre jeunesse patriotique et créatrice. Faisons confiance à notre jeunesse et donnons-lui les moyens d'étonner le monde. De leur côté, nos jeunes sont appelés à s'imposer sur la scène économique par leur imagination, leur créativité et leur aptitude à accompagner les innovations qui marquent quotidiennement la vie économique et politique dans le monde», a-t-elle conclu son intervention fort appréciée par l'assistance. La continuité sera assurée Fort de son expérience étendue à plus de 50 ans en tant qu'acteur agissant au sein du paysage politique national et usant de réparties alliant l'humour aux rappels historiques utiles, plus que jamais, en cette période de confusion et de tumulte, Béji Caïd Essebsi, Premier ministre du gouvernement de gestion des affaires courantes, a notamment souligné : «La continuité sera assurée dans la mesure où le prochain gouvernement est conscient des problèmes posés et que son objectif principal est de résoudre le nombre des chômeurs qui est passé de 500.000 à 700.000». «La Tunisie doit rester un pays ouvert à l'extérieur et les engagements pris par le gouvernement de transition avec le G-8, les pays du Golfe arabe et les USA en vue du soutien à la stratégie arrêtée pour le quinquennat 2012-2016 doivent être respectés», a-t-il précisé. Et Béji Caïd Essebsi de rappeler une idée qu'il a déjà développée à plusieurs reprises : «Il n'y aura pas de printemps arabe si l'expérience tunisienne ne réussit pas». Il n'a pas manqué de faire part de sa conviction intime selon laquelle «aujourd'hui que l'excuse du provisoire n'a plus droit de cité, le prochain gouvernement créera l'environnement favorable à l'investissement parce qu'il n'y a pas d'autre solution». Il est à préciser que les travaux du séminaire se sont poursuivis sous forme de panels ayant trait à «la promotion de la croissance et de l'emploi par le développement des petites et moyennes entreprises, à l'investissement dans la sécurité alimentaire», à «la préparation de l'avenir par une gestion durable de l'énergie», à «l'amélioration de la compétitivité par l'innovation», etc.