Par Habib Chaghal* L'affaire du niqab, qui a défrayé la chronique ces derniers jours à la suite des tentatives des salafistes de permettre aux étudiantes vêtues de niqab pour les unes et de la burqa pour les autres de passer les examens à l'université de La Manouba, a relancé la controverse au sujet de l'interprétation de certains versets du Coran concernant la tenue vestimentaire des femmes musulmanes. Pourtant, s'il est unanimement admis que la parole de Dieu transcende l'espace et le temps, pour cette question et pour d'autres, les théologiens de l'islam sont incapables de proposer à la communauté des solutions qui puissent tenir compte de l'évolution des sociétés tout en préservant les injonctions et les recommandations de la parole d'Allah. Et ce n'est pas la proposition d'un membre du parti Ennahdha, émise sur une chaîne de télévision locale dans laquelle il cite le cas du Yemen où «les femmes majoritairement voilées ne se sentent pas dérangées par la minorité des femmes non voilées», qui constitue un exemple pour la société tunisienne. S'il est vrai qu'il n'est pas donné à tout musulman d'interpréter certains versets complexes du Coran, il n'est pas interdit, en revanche, de faire connaître des versets dont la lecture est simple et dont les théologiens, compte tenu d'un environnement hostile à la libération de la femme, évitent de parler. Ainsi, à propos du niqab, tous ceux qui ont éffectué le pèlerinage ou la Omra savent que, non seulement il y a mixité dans la mosquée de La Mecque mais aussi et surtout que la femme y est nécessairement non voilée : il n'y a pas un verset explicite à ce sujet dans le Coran, mais ce sont les conditions de l'unique Pèlerinage du Prophète avec ses épouses (sunna) qui ont perpétué la coutume de la mixité et du visage découvert des croyantes. Donc pas de niqab à La Mecque. On pourrait rétorquer que le lieu est exceptionnel, donc on ne devrait pas en tirer une conclusion pour le voile dans d'autres lieux et en d'autres situations, mais ce n'est pas ce que dit le Coran qui, dans le verset 30 de la sourate 24 (la lumiére, «An-Nur»), invite les croyants à baisser leurs regards en présence des femmes : pourquoi Allah demanderait-t-il aux hommes de baisser les yeux si la femme est porteuse d'un niqab ? Dans le verset suivant, Allah invite les femmes à baisser (aussi) les yeux en présence des hommes... Le parallèle ne suppose-t-il pas l'absence du niqab ? Pourrait-on en conclure que le niqab n'est pas recommandé par le Coran ? Si on se réfère à un autre verset dans la même sourate, où les femmes d'un certain âge sont autorisées à sortir sans «rabattre leur voile sur leur poitrine», il est permis de se poser la question. Rappelons que ce verset 60 de la même sourate dit : «Et quant aux femmes atteintes par la ménopause qui n'espèrent plus le mariage, nul reproche à elles d'enlever leurs vêtements de (sortie) sans exhiber leurs atours...». Pourrait-on en conclure que le niqab n'est pas un vêtement islamique ? La réponse est affirmative si on se réfère au Coran. Il n'empêche qu'il demeure un vêtement propre à certaines sociétés musulmanes par tradition, ou tout simplement par la volonté des hommes, car nos sociétés musulmanes ont été misogynes dans le passé, par leur héritage antéislamique, et elles le demeurent encore dans certaines régions. NB : la traduction est celle du Coran édité par l'imprimerie du Roi Fahd.