• Le dernier cru de Yesmine Karray est conforme aux espoirs placés en elle. Force est de reconnaître la valeur intrinsèque de l'œuvre La valse des beignets est le titre du troisième roman de la benjamine de nos écrivaines, Yesmine Karray, à débouler dans nos vitrines. Après «Mishmir et la porte du cercle» (mai 2008) et La Cartha'Chinoise (juin 2009), elle récidive en janvier 2012 avec ce récit inspiré de la valse, cette danse tournante à trois temps, immortalisée par les Strauss, une famille de compositeurs viennois ainsi que par une préparation culinaire à base de pâtes épaisses, des crêpes sucrées ou salées selon les goûts. Admirez l'amalgame des thèmes qui, en fait, nous introduit immédiatement dans le vif du sujet, à savoir la pathologie de la démence ou de la folie. Dans cette satire de la bureaucratie (un autre thème visité par la romancière en herbe) envisagée dans sa puissance abusive et routinière, Yesmine a peint la grisaille quotidienne d'une vie médiocre en un récit à la fois émouvant, ironique et comique par les détails mais infiniment triste par l'impression d'ensemble. Essayant de tirer un sens de la vie, cette blague monumentale, comme le souligne si bien l'auteur, a affublé Dhafer, son héros, de la profession de croque-mort ou d'employé des pompes funèbres. Dhafer a décidé sur un coup de tête de devenir fossoyeur, rien que pour le plaisir de contempler tous les jours que Dieu fait la beauté et la spiritualité de la mort. Existe-t-il une chose plus divertissante et plus amusante que de voir des gens en pleurs affligés par la perte irréparable d'un être cher? C'est à croire que le lecteur tient entre les mains Le Journal d'un fou de Gogol. C'est à se demander pour quelle raison Yesmine a choisi de parler d'un sujet pareil. L'analyse qu'elle a en tiré relève d'un grand talent. Yesmine Karray digest A l'âge des fleurs, elle aurait dû avoir d'autres préoccupations mieux en rapport et en harmonie avec ses inquiétudes. Toujours est-il qu'on trouve beaucoup de plaisir à suivre les évolutions de ce récit déconcertant à plus d'un titre et qui, tout compte fait, est fort bien élaboré et construit. Sa lecture est à conseiller. Elle nous réserve bien des surprises. Elle est née en 1995 à Monte-Carlo, dans la principauté de Monaco, d'un père chirurgien et d'une mère géologue. En avril 2010, elle a fait la promotion de La Cartha'Chinoise, son deuxième roman, paru en juin 2009 à Barcelone et dans plusieurs autres villes de Catalogne, à l'occasion de la sortie de la version catalane de son premier roman. S'en est suivie une autre traduction en castillan, langue officielle en Espagne, par la même maison d'édition, Abadia Editors. Roman Santagol en est le traducteur. ———————— La valse des beignets, de Yesmine Karray, Déméter Editions, janvier 2012. La maquette est de Riadh Fakhfakh.