La Cartha' chinoise, deuxième écrit de la plus jeune auteure sous nos cieux, Yesmine Karray, l'«enfant prodige», qui préfère qu'on l'appelle juste «Yesmine», raconte l'histoire de Yin, jeune chinoise de Pékin sur les traces de son père disparu, et autrefois «carthagophile». La parution de ce roman, qui traite longuement du récit carthaginois à travers les yeux d'une Chinoise, a coïncidé presque heure pour heure avec l'ouverture de l'exposition d'Art chinois à Carthage. C'est comme si toutes les énergies supra, réelles, que Yesmine affectionne si particulièrement depuis son tout premier roman Mishmir et la porte du cercle, s'étaient réunies pour faire honneur et rendre hommage à leur jeune dulcinée. Hasard phénoménal ou signe d'une certaine destinée ? Ce qui semble certain c'est que ce roman a bien raison d'exister. Et nous n'avons pas besoin d'être habités par quelques croyances mystiques pour le confirmer. Il suffit juste d'être face au texte de cet écrivain pour se rendre compte de la force tranquille qui établit demeure en ce ton romanesque, voire parfois dramatique, et qui fait la trame du roman. D'ailleurs, au fur et à mesure de la progression du texte et de son intrigue, le lecteur se trouve bien des fois «médusé» par autant d'assurance provenant d' «une jeune ado» d'à peine 14 ans. Yesmine qui choisit une narration prenant ses racines dans un récit habité par l'oubli, à la manière d'une fouille archéologique, se fond dans le passé pour le faire ressurgir au présent. C'est d'ailleurs ce point qui nous paraît le plus captivant : comment une très jeune fille peut-elle avoir ce recul nécessaire par rapport à son vécu, donc à l'existence même, pour installer ce va-et- vient mémorial comme fil conducteur ? Pour cela, son éditeur, tout au long des rencontres organisées pour ce roman, ne perd pas l'occasion de lire quelques passages de La Cartha' chinoise, au fur et à mesure de la discussion, comme interrogeant son auteur à travers ses propres mots, mais aussi pour éloigner certaines âmes suspicieuses quant à la véracité de la plume juvénile qui fait l'originalité du manuscrit. Témoignant par là même que Yesmine, telle une bonne élève qui se plonge ardemment dans ses cahiers pour rendre un exercice de travail valeureux, et comme n'importe quel être humain qui, par souci d'honnêteté intellectuelle, s'empresse de faire les recherches appropriées avant de proposer aux autres son point de vue, la pimpante demoiselle a effectué de nombreuses lectures afin de mettre en place ses écrits. Chose qu'elle ne désire pas occulter, puisque de prime abord, en ouverture de La Cartha' chinoise, nous avons la liste des ouvrages qu'elle a pu longuement examiner, avant de se lancer dans cet ambitieux projet que représente, à travers le Tunis d'aujourd'hui, cette évocation de Carthage à sa troisième guerre punique.