Nous avons reçu un courrier d'un jeune propriétaire et éleveur, M. Mehdi Bahri, concernant le Grand Prix du Maghreb qui s'est tenu à la fin décembre au Maroc. La domination totale des chevaux marocains (5 victoires dans les 5 courses) a été durement ressentie par les propriétaires tunisiens, dont les espoirs se sont envolés en fumée... Dans sa correspondance (ci-joint), M. Mehdi Bahri, petit-fils du regretté Moncef Baccouche, analyse les raisons de cette lourde défaite et fait des propositions intéressantes pour réussir la prochaine édition qui se déroulera chez nous... Il convient tout d'abord de rendre hommage à l'effort remarquable de nos amis marocains, en particulier des dirigeants de la Sorec, pour l'amélioration certaine qui a été apportée à l'évènement «Grand Prix du Maghreb» dans son édition 2011. La Tunisie, qui accueillera l'an prochain ses pays frères du Maghreb, se doit de continuer sur la même voie, en identifiant les niches de progression et les imprévus qui ont constitué des difficultés pour les participants et les organisateurs. Certes, cette édition fut un succès incontestable et la barre est désormais placée très haut... mais nous sommes aussi conscients du chemin qui reste à faire pour acquérir les automatismes et les compétences des pionniers européens, américains et asiatiques, en matière d'organisation de journées internationales de courses. Inutile donc de revenir sur les innombrables mérites et succès de cette journée, en revanche voici, selon nous, les axes sur lesquels nous devons capitaliser, progresser pour corriger le tir. Communication événementielle La retransmission en direct du Grand Prix du Maghreb sur la chaîne satellitaire marocaine Medi 1 TV a permis à un grand nombre se spectateurs du Maroc, d'Algérie, de Tunisie et de Lybie de suivre cette prestigieuse réunion de courses. C'est une valeur ajoutée extraordinaire pour notre sport, lorsqu'on sait que le Prix de l'Arc de Triomphe ne passe pas sur une chaîne nationale, mais seulement sur la chaîne spécialisée Equidia. Cette couverture rend aux courses leur aspect populaire, qui avait permis dans les années 70 en Tunisie d'élever nos chevaux au statut de célébrités nationales. Il est primordial, dès à présent, de sensibiliser les chaînes de télévision tunisiennes pour cet évènement et «Nessma TV», la chaîne à vocation maghrébine, nous semble être la plus adaptée à couvrir l'évènement de manière régulière dans les quatre pays participants. C'est l'appel à des entreprises spécialisées dans l'événementiel et la communication qui a aussi permis la couverture médiatique et publicitaire de l'évènement au Maroc, et en la matière, les Tunisiens connaissent très bien leur métier. Considérant l'effort important en matière d'allocations que constitue le Grand Prix du Maghreb, la Société des Courses devrait, selon nous, et dès à présent, se mettre en contact avec les entreprises d'évènementiels tunisiennes, préparer un cahier des charges et lancer un appel d'offres en bonne et due forme, aux alentours du mois de juin. Amateurisme A entendre les professionnels, il est clair que c'est l'aspect sportif qui a été le plus négligé de cet évènement. En effet, entraîneurs, lads, jockeys, tous sont globalement mécontents des conditions dans lesquels ils ont pu défendre leurs chances (logistiques, transports, transferts, déplacements, conditions d'hébergement des chevaux et des hommes...). C'est surtout l'absence de vis-à-vis technique qui serait à l'origine de la frustration de notre délégation. Plusieurs s'accordent à dire qu'ils étaient livrés à eux-mêmes, sans un vis-à-vis clair désigné, capable de résoudre leurs problèmes, tout du moins les faire parvenir aux homologues marocains qui, eux, auraient été à même d'y répondre facilement. La direction de la Sorec a regretté l'absence de ce vis-à-vis unique et les problèmes engendrés par la multiplication des demandes, souvent contradictoires, des membres de la délégation. Bref, les responsables de la commission d'organisation auraient dû désigner un responsable pour superviser toutes les opérations de logistique et d'intendance et assurer le lien entre la délégation et nos hôtes. Cette personne aurait pu même effectuer un déplacement au Maroc quelques jours auparavant pour préparer l'accueil de la délégation tunisienne et s'assurer de toutes les modalités de réception, de déplacement et d'hébergement des professionnels et des chevaux. La domination totale des chevaux marocains a été acceptée avec «fair-play». Elle est à juste titre l'illustration d'un travail important effectué depuis plusieurs années par la Sorec et les propriétaires marocains. Mais notre élevage, en particulier de pur-sang arabes, vaut beaucoup mieux et nos chevaux sont capables de meilleures performances. Il faudrait donc se ressaisir de cette lourde défaite et établir un programme d'action pour défendre la réputation séculaire de notre élevage. A cet effet, il serait dorénavant inacceptable de nous déplacer sans une vraie stratégie sportive, et sans de véritables chances de victoires. La participation tunisienne doit être envisagée sous forme d'un «Team Tunisie» avec un staff technique pour élaborer une stratégie de course pour les différentes épreuves. Une victoire tunisienne (ou à défaut une belle performance) rejaillirait sur l'ensemble de notre élevage, avec une plus-value pour tous nos chevaux ! Nous n'avions strictement aucune idée des chevaux que nous devions affronter, leurs qualités, leurs aptitudes, leurs points faibles... A titre d'exemple, on aurait pu envisager la participation d'un cheval de jeu, si nous avions vu la manière de courir de la gagnante du Grand Prix de l'UMA par exemple. Il serait encore plus catastrophique que nous soyons en 2012, aussi radicalement, battus sur notre propre sol. Tout doit être mis en œuvre pour que nos chevaux puissent se présenter dans les meilleures conditions. Notre représentant le plus honorable, «Tyn», n'était pas qualifié si le deuxième et le troisième de l'épreuve qualificative n'avaient pas fait le choix de décliner leur participation. Dans la course dédiée aux femelles, deux tunisiennes ont fait le jeu de la jument marocaine, en se livrant à une lutte sans merci sur les 1000 premiers mètres. Notre amateurisme a causé notre faillite sportive et j'en veux pour preuve la jument Zahret Al Badr, «maiden» en Tunisie et défendant désormais des couleurs libyennes, qui n'a été battue que d'une tête par la lauréate marocaine. Bref, nous attendons de la Société des Courses et de l'Association des Propriétaires qu'elles donnent le signal aux professionnels, pour que cet «affront» soit lavé en décembre prochain à Kassar Saïd. Partant du postulat que le sport de haut niveau se joue sur des détails et que nos chevaux sont des athlètes (et nos jockeys aussi), l'aspect financier devient parfaitement crucial lorsque la concurrence est aussi rude et que nous devons nous confronter à une économie du cheval aussi dynamique que celle du Maroc, de la Sorec et d'investisseurs privés (dont certains sont jeunes et déterminés !). Il est urgent que les courses prennent une autre ampleur en Tunisie, que l'argent du cheval revienne principalement au cheval et que les forces vives du secteur soient radicalement libérées par des décisions ou des volontés politiques, si nous ne voulons pas être définitivement dépassés. Mais cette situation en trompe l'œil n'est plus viable et chaque année, nos raisons d'espérer ne font que s'amenuiser, jusqu'à ce que nous soyons définitivement relégués en «troisième division» ! Améliorations Au-delà des nombreux motifs de satisfactions que nous avons pu relever au cours de cet évènement et si nous nous en tenons au programme tel qu'il s'est déroulé, nous considérons avoir eu beaucoup de temps libre. Nous aurions aimé en profiter pour découvrir davantage ce beau pays qu'est le Maroc et en particulier des installations liées au cheval, dont on dit le plus grand bien, et prendre contact avec des propriétaires et des professionnels marocains. Les nombreuses femmes qui avaient tenu à accompagner leurs maris, n'ont pas eu le plaisir de faire la connaissance de leurs consœurs marocaines, comme c'était de coutume dans les Grand Prix du Maghreb des années soixante-dix.... Les mondanités, même considérées par certains esprits réfractaires comme futiles et superflues, font partie intégrante du cérémonial et des traditions des courses dans le monde entier (de Paris à Hong Kong et de Dubaï à Buenos Aires !). L'ambiance festive et joyeuse qui régnait dans les années 70 semble révolue et c'est bien dommage.... A nous d'insuffler de nouveau cet esprit de fête...En matière d'hospitalité, de convivialité et de bonne organisation, nous savons y faire... A nous donc d'éblouir nos frères maghrébins !