La rencontre est inattendue, des revenants qui exposent ensemble, des peintres connus avec d'autres moins connus, ceux du bon vieux temps avec des nouveaux venus. Un hasard? Probablement, parce qu'aucun n'a de parenté de style et de démarche avec son voisin. Avouons qu'il est assez gênant de regarder, de déchiffrer des tableaux d'artistes différents les uns des autres dans un espace limité. Comment apprécier l'émotion que dégage telle toile, alors qu'elle est collée à une autre de facture entièrement dissemblable. Une vue d'ensemble est possible. La galerie Bel Art a réuni six peintres et un sculpteur pour une quinzaine de jours (jusqu'au 6 février). Il s'agit de Ali Zneïdi, vieux briscard, Abdemajid Bekri qui prépare une exposition réunissant cinquante ans de travail (ici, ce sont des œuvres mineures ou, du moins, de jeunesse), Habib Bouhaoual qui semble quitter le dessin de presse pour s'attaquer à une forme de peinture figurative à thème académique, Abelmajid Ben Messaoud, coloriste de bon ton, Nadia Ben Ayed qui pose couche sur couche , avec des coulis de couleurs brutes «driping» pour obtenir la matière souhaitée, Mohsen Jelliti qui expose quatre sculptures en fer, et Mohamed Zouari qui mélange profils de femmes et d'oiseaux sur un fond de verre. Cinq tableaux de Bouhaoual, trois huiles et deux acryliques sur papier. Les sujets sont sans surprise, un paysage sous des halos et une lumière blafarde, Halfaouine, une caravane aux lumières claires, une caravane nimbée de touches claires, une cavalcade de la même eau...Ali Zneïdi expose cinq tableaux, il est habité par les envolées de la révolution, à laquelle il dédie Hymne (huile sur toile), étonnant hymne à dominante grise, la confusion dans la tête, l'absence de clarté et d'horizon à l'image de la révolution? Il rend hommage aux tisserands de Gafsa à qui il emprunte des motifs, de tapis notamment, une lettre aux villages sahariens, etc. Il balance entre figuration et abstraction, cela donne un ensemble cadré, harmonieux. Cinq tableaux de Abdemajid Ben Massaoud, de belle facture, une maîtrise de l'espace, une lumière diffuse, discrète, La pause montre une femme qui pose à gauche du tableau, dans l'ombre, alors que la lumière vient du côté droit, on apprécie. Les titres des œuvres jouent le romantique un brin désuet, La musicienne, Les mouvements de la liberté, ou Cadence, l'ensemble est cohérent, il s'en dégage une certaine délicatesse dans le rendu. Neïla Ben Ayed travaille la matière (une mouvement âgé déjà, le matièrisme), elle dépose une couche de couleurs sur une autre, jusqu'à satiété, elle fait couler ensuite des couleurs, ça dégage une puissance de travail, jusqu'à l'usure, un tableau, presque un mur, un beau mur d'artiste qui invite à plusieurs lectures. Abdelmajid Bekri a pris son parti, un choix curieux, des encres sur papier de ses années de jeunesse (les années 60) dans quel but, pour quelles raisons ? Les titres là, mélancoliques des lourds passages de jeunesse: Souvenir nostalgie (encres et techniques mixtes), Souffrance (encre), Regard ( encres et techniques mixtes), il y a même un poème reproduit, qui exhale un air, des élans d'adolescent, des envolées sentimentales... La sculpture se fait plus rare dans les galeries; aussi, nous avons plaisir de découvrir quatre œuvres en fer et soudure, une tête ronde d'où naissent des tentacules (sorte de méduse) et un torse en vidé, des portraits défigurés, des membres en lambeaux, intitulés L'être et son ombre I et II et Mémoire I et II. Trois figurations de Mohamed Zouari, un mélange de matières, verre et dessin découpés, les lignes des dessins sont élégantes, des profils de visages de femmes sur des figures géométriques en coin, des colombes ou colombines en vol, joli, et puis...