Dépourvue de ressources naturelles, la Tunisie a, dès le lendemain de l'Indépendance, misé sur l'éducation et le capital humain. Le gouvernement de Bourguiba a, en effet, consacré un important budget à la politique de l'éducation nationale afin de permettre aux enfants d'accéder gratuitement à l'enseignement pour former les élites de demain qui mettront leurs compétences au service de l'économie nationale et du développement du pays. Pari réussi. Les jeunes générations formées dans les établissements éducatifs du pays sous la férule des meilleurs instituteurs et professeurs vont devenir les médecins, les ingénieurs, les économistes qui contribuent à reconstruire la Tunisie sur de nouvelles bases sociales et économiques. L'ancien gouvernement du président déchu Ben Ali a également compris que l'importance accordée à l'éducation et à la formation des jeunes compétences constituait le reflet du degré de développement atteint par un pays. Mais la volonté d'ouvrir la voie des études supérieures et approfondies à tout le monde en négligeant en parallèle de développer l'enseignement professionnel dans les collèges et les établissements secondaires va, dès le début, constituer un très mauvais choix, entraînant la massification des établissements d'enseignement supérieur qui s'est traduit par l'accès d'un très grand nombre de bacheliers aux établissements d'enseignement supérieur. Ils sont, en effet, en moyenne entre soixante et quatre-vingt mille bacheliers à accéder, chaque année, à l'université, choisissant l'une des innombrables filières existantes. Les nouvelles , qui vont être créées, vont, alors, répondre davantage au besoin d' absorber le nombre croissant de bacheliers qui intègrent chaque année les établissements universitaires qu'à ceux du marché de l'emploi. En fin de compte, l'inadéquation entre la carte universitaire qui présente une multitude d'offres de formation, la plupart axées sur une approche théorique et fondamentaliste, et les besoins du tissu économique va se traduire par le chômage d'un très grand nombre de diplômés de l'enseignement supérieur dans certaines filières, qui n'arrivent pas à trouver un emploi car les compétences acquises ne correspondent pas aux besoins du tissu économique. «Le système d'enseignement supérieur est devenu un système anachronique dans un environnement qui privilégie les profils technologiques opérationnels», note, à ce propos, un responsable du ministère de l'Enseignement supérieur. Action en amont Au début des années 2000, afin de s'aligner aux standards internationaux et de s'adapter aux mutations que connaît l'économie mondiale, le système LMD pratiqué dans plusieurs pays européens a bien été mis en place, proposant une formation professionnalisante. Mais alors qu'il requiert une mobilisation conséquente de ressources humaines, matérielles et financières, aucun sou n'a été déboursé pour garantir sa réussite. Aujourd'hui, aucune étude n'a été faite pour savoir si les étudiants de la première promotion du système LMD ont pu trouver un travail ou réussir à monter un projet. Où sont-ils et que font-ils ? C'est, semble-t-il, en amont que le ministère de l'Enseignement supérieur cherche aujourd'hui à rectifier le tir. Une commission tripartite vient d'être constituée, regroupant des représentants du ministère, des professeurs universitaires ainsi que des représentants des structures pédagogiques et du syndicat, pour mettre en place une feuille de route de la réforme du système de l'enseignement universitaire qui concerne le système LMD, la carte universitaire, la gestion des ressources logistiques et humaines et la recherche scientifique. Des commissions devront être constituées au sein de tous les établissements universitaires afin qu'un rapport soit établi sur les points forts et les faiblesses de la formation proposée dans le but d'en améliorer la qualité et de mieux l'adapter aux besoins du marché de l'emploi. Il faudra déjà renforcer l'enseignement pratique en associant davantage les professionnels et les hommes d'entreprise à l'élaboration des programmes de formation de l'établissement. Ces commissions devront également mentionner dans leur rapport les besoins de l'université en ressources humaines et logistiques. En novembre prochain, ces rapports seront soumis à l'approbation des conseils des universités et, en décembre 2012, la commission nationale de la réforme de l'enseignement universitaire établira son propre rapport qui sera débattu au cours du congrès national et des congrès régionaux qui seront organisés courant 2013 et qui regrouperont étudiants, professeurs universitaires, doyens, recteurs ainsi que représentants des syndicats pour débattre du contenu. En mars 2013, la feuille de route sera soumise au conseil des universités puis mise en application au cours de la saison universitaire 2013-2014.