Depuis les années 2000, le système de l'enseignement universitaire a fait l'objet de réformes afin de former des compétences qui s'adaptent au marché de l'emploi. Mais le choix de la multiplicité des niveaux et des diplômes est considéré comme erreur, dans la mesure où il va se traduire par l'arrivée sur le marché de compétences de différents niveaux qui s'adaptent au même profil d'emploi aggravant le problème du chômage. Désirant embaucher, les entrepreneurs se retrouvent, en effet, face à plusieurs niveaux (bac+2, bac+4, bac+6) qui présentent les compétences nécessaires pour remplir la même mission. Par ailleurs, certains établissements universitaires forment les mêmes types de compétences, à l'instar de l'ISET qui donne accès à un diplôme d'études supérieures technologiques (DEST), alors que d'autres établissements proposent des filières similaires couronnées par un diplôme bac+2 de technicien supérieur en technologie. «Il y a eu la création d'une multitude de niveaux. On a constaté une pagaille au niveau des diplômes, responsable de l'illisibilité et de la disparité de la carte des diplômes universitaires. On en est arrivé au point où on ne savait plus à quoi servaient certains diplômes», relève M.Mlaouah Ammar, directeur à la direction générale des réformes universitaires (DGRV). Mauvaise articulation entre le système d'éducation nationale et celui de l'enseignement universitaire L'inadéquation de la multiplicité des diplômes de l'enseignement supérieur aux besoins du marché n'est pas seule responsable de l'augmentation du nombre de chômeurs sur le marché de l'emploi. La massification des établissements universitaires qui injectent chaque année un nombre considérable de diplômés de l'enseignement supérieur sur le marché du travail est, entre autres, la conséquence d'une mauvaise articulation entre le système d'éducation nationale et celui de l'enseignement universitaire. En effet, le peu d'engouement pour les filières courtes au secondaire ainsi que pour les centres de formation professionnelle et le taux élevé de réussite au baccalauréat se sont traduits par l'intégration d'un très grand nombre de bacheliers dans les établissements d'enseignement supérieur. « A la base, il n'y a pas d'université pour une élite donnée. Elle est ouverte à tout le monde. Chaque année, environ 80 mille bacheliers intègrent les établissements d'enseignement supérieur. 30 à 40% ont été orientés arbitrairement vers les grandes facultés comme la faculté de sciences, alors que leur niveau ne leur permet pas de poursuivre des études dans ces établissements. Ce sont des bacheliers qui devront obtenir un diplôme et être injectés sur le marché de l'emploi. Alors que le tissu économique constitué essentiellement de PME ne peut pas tous les absorber», observe, pour sa part,un autre responsable de la DGRV. Par ailleurs, l'enseignement supérieur, basé essentiellement sur une formation théorique préparant les étudiants à l'enseignement dans les établissements primaires et secondaires, s'est très mal adapté à un environnement économique en perpétuelle mutation qui privilégie les profils technologiques et opérationnels. Système LMD: réelle solution au problème du chômage? A partir de 2004, le système d'enseignement universitaire a été révisé à la lumière des standards internationaux en matière d'enseignement universitaire, ainsi que sur la base des besoins du marché de l'emploi. Le système LMD pratiqué dans plusieurs pays et mis en place en Tunisie dans le but de favoriser la mobilité de l'étudiant à l'échelle nationale et internationale et de lui assurer une formation qui, outre le fait qu'elle se caractérise par sa souplesse, facilite son insertion professionnelle. Ce nouveau système prévoit que deux tiers s'orientent vers des licences appliquées et un tiers vers les licences fondamentales, outre le fait que les professionnels sont appelés à s'impliquer dans le choix des parcours de formation et l'élaboration des programmes. En théorie. Mais en pratique, alors qu'il nécessite la mobilisation de ressources humaines, matérielles et fiancières conséquentes, le système a été instauré sans qu'aucun sou n'ait été déboursé. Les professionnels peu impliqués dans le choix des parcours et des programmes Par ailleurs, alors que la réussite du système est tributaire d'une étroite collaboration entre les milieux universitaires et professionnels, hommes d'affaires, entrepreneurs et professionnels continuent à bouder le milieu universitaire, « on ne peut pas faire de formation appliquée sans l'implication des professionnels, note le directeur des réformes universitaires. Il ne s'agit pas de la seule faiblesse de ce système. Certaines licences ne s'adaptent pas aux besoins du marché de l'emploi, outre le fait que les établissements universitaires et les instituts tablent sur des stages, alors que le tissu économique n'a pas la capacité d'absorber toutes les demandes ». Le ministère a décidé de procéder à l'évaluation de tout le système. Une commission nationale d'évaluation du système de l'enseignement supérieur, composée de compétences universitaires, de représentants de l'enseignement supérieur ainsi que du syndicat, a été mise en place afin de se pencher sur les lacunes du système. Par ailleurs, des commissions ont été formées au niveau des instituts et des établissements d'enseignement supérieur pour relever les défaillances du système LMD, afin de proposer des axes d'amélioration. Chaque établissement universitaire devra, ainsi, dresser un bilan de ses insuffisances qui seront étudiées par la commission de l'université dont elle relève, ainsi que par la commission nationale qui mettra en place un plan d'action national prévoyant les ressources nécessaires pour redonner un nouveau souffle à un système en agonie.