La restructuration de l'économie tunisienne est une question qui se pose de façon conjointe avec celle relative à la réforme du système financier. En effet, une économie plus performante est un objectif qui passe obligatoirement par un système financier sain, efficace et transparent. Cet objectif sera atteint quand le système financier saura adopter les bons choix et les bonnes pratiques en matière de gouvernance. C'est autour de ce thème qu'un colloque international a été organisé hier à Tunis. Ont pris part à la rencontre des spécialistes du secteur bancaire et financier tunisien et international notamment MM. Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Laurent Gonnet de la Banque mondiale, Dhafer Saidane, expert et professeur à l'Université Charles de Gaulle, Lille 3, Jaâfar Khattech, P.-d.g de la BNA, Amor Tahari, consultant international et ancien directeur adjoint au FMI, Ahmed El Karam, directeur général d'Amen Bank, Moëz El Joudi, expert et consultant en gouvernance... Le choix de ce thème se justifie, notamment, par le contexte particulier de la Tunisie aujourd'hui, à savoir celui de la transition démocratique qui offre, selon les organisateurs, une opportunité de réflexion sur les exigences de la gouvernance auxquelles les banques et les institutions financières sont appelées à se conformer. L'ampleur des pratiques malsaines telles la corruption, le clientélisme, le trafic d'influence qui ont prévalu au cours des vingt dernières années, ont fortement marqué l'économie tunisienne et particulièrement le système financier. On relève, par ailleurs, que le renforcement de la régulation financière et les exigences de transparence de Bâle n'ont pas eu, en Tunisie, les échos qu'ils méritaient. «Un trafic d'influence très répandu, des comités d'audit peu opérationnels et des conseils d'administration en carence de crédibilité» sont autant de facteurs qui ont généré des résultats hypothétiques : au niveau sectoriel, c'est un taux de créances non performantes à deux chiffres et des indicateurs de performance bancaire largement en dessous des standards internationaux ainsi qu'une vraie défiance des investisseurs vis-à-vis des projets productifs, au niveau macroéconomique, qui ont freiné l'initiative privée et alimenté l'exclusion sociale. En posant nombre d'interrogations relatives, entre autres, à la relation de la gouvernance avec l'environnement financier, la performance financière, la gestion des ressources humaines, la politique de crédit, la politique monétique... Les travaux du colloques tentent d'évaluer la pratique de la bonne gouvernance dans le système financier tunisien et d'établir la matrice permettant de repérer les actions à entreprendre afin de consolider l'assise de la gouvernance bancaire et financière dans la Tunisie démocratique. M. Mustapha Kamel Nabli a souligné dans une intervention qu'il a donnée à l'occasion, que la Tunisie avait un potentiel plus élevé que sa croissance moyenne enregistrée (4,5%), n'était la mauvaise gouvernance du système financier. Il a, en outre, précisé que la faiblesse des mécanismes de responsabilisation au niveau des banques et l'intervention de la sphère politique dans l'octroi des crédits et la gestion des banques sont des facteurs qui ont favorisé la vulnérabilité du secteur bancaire. Il a cité, dans ce même ordre d'idées, le constat fait sur la gouvernance des banques et qui révèle une confusion au sein de ces institutions entre les organes de décision et de contrôle. Le gouverneur a, par ailleurs, annoncé que la BCT a publié une circulaire sur la bonne gouvernance dans le but d'asseoir une gestion saine et prudente qui assure la pérennité des établissements de crédit. Cette circulaire comporte des réformes qui seront engagées en 2012 et qui visent, notamment, la séparation entre la fonction de la direction et celle du contrôle au sein des banques. «Le succès de la politique monétaire de la BCT dépend d'un certain nombre de principes fondamentaux, à savoir sa capacité à assurer la stabilité des prix, à rendre la politique monétaire plus prévisible et à coordonner les politiques monétaires et budgétaires du pays», a-t-il enfin déclaré.