• On ne peut pas développer une marque quand on importe illégalement les produits de prêt-à-porter • «Jusqu'aux années 80, de grandes entreprises publiques dans la filature, le tissage, la teinture, le finissage... ont assuré l'approvisionnement du secteur » Propriétaire de plusieurs marques de prêt-à-porter, homme et femme, ainsi qu'un nouveau concept de commercialisation de déstockage, «out let», M. Belhassan Ghrab nous a présenté son point de vue sur l'évolution du secteur du textile tunisien, le niveau des investissements dans les filières rattachées, ainsi que les moteurs et freins au développement des marques nationales. Il y aura toujours de la demande. Mais le problème est inhérent au comportement du client-donneur d'ordre. D'après le professionnel, « le client se déplace toujours». D'où l'évolution cyclique du secteur . Il passe par de bonnes périodes d'engouement pour la destination tunisienne et parfois de moins bonnes phases. Ces tendances sont tributaires, d'une part, du climat des affaires du pays, à savoir les conditions économiques, sociales, mais aussi sécuritaires. Et d'autre part, les donneurs d'ordre sont à l'affût de tous les avantages dans toutes les régions du monde. Ce qui fait qu'à chaque fois, une destination particulière soit plus prisée que les autres. Pour garder l'attrait de la destination nationale, on est appelé à fournir les meilleurs éléments de réponses à la question permanente d'un client : Où acheter ? A savoir, une meilleure réactivité, une maîtrise des coûts, une qualité irréprochable et des avantages fiscaux et financiers. « On compte aujourd'hui moins de marques tunisiennes que pendant les années 90», remarque M.Belhassan. Et d'ajouter : « Certains magasins qui achetaient nos produits ont opté pour des produits importés». Bon nombre de ces commerçants n'offrent que des produits asiatiques. En effet, l'importation du prêt-à-porter a constitué une affaire juteuse pour les trafiquants. Déjà, le marché parallèle bat son plein pour ces articles. Ainsi, la marque tunisienne a été tuée par les pratiques et les manœuvres frauduleuses encouragées par l'ancien régime. On ne peut pas développer une marque quand on importe illégalement les produits de prêt-à-porter. Le producteur national, qui paye ses impôts et ses taxes, ses employés et qui contribue au développement de la société, se trouve concurrencé par des opérateurs qui échappent à toute réglementation douanière, fiscale ou même sanitaire. « En Tunisie, le marché local, avant la révolution, était tout simplement biaisé», commente-t-il. Et d'ajouter «Maintenant, la situation est en train de s'améliorer ». Mais, malheureusement, le tissu industriel national a disparu entre-temps. Le marché est dominé par deux types de commerçants. Le premier concerne les magasins franchisés. Et le deuxième, le plus répandu, est représenté par des magasins qui offrent des produits turcs ou chinois. Donc, il n'y a pas une véritable création de mode ou le développement d'une marque nationale. Pis, même si le propriétaire d'un magasin cherche des produits tunisiens, sa recherche ne sera probablement pas fructueuse. Même les producteurs auront du mal à trouver les fournisseurs de tissu et des accessoires, puisque ces fournisseurs travaillent exclusivement pour l'export. « Ainsi, aujourd'hui, on est un grand fournisseur textile pour l'Europe mais, malheureusement, on n'est pas capable de vendre sur le marché local à cause du blocage des années précédentes », résume-t-il. Toutefois, en se basant sur le développement de ses marques à l'international, notamment l'Algérie, le Maroc, la Libye, il souligne que les marques tunisiennes ont de réelles chances de se développer via les franchises. Ce développement est conditionné par « un travail de fond pour améliorer le sourcing au marché national ». Le défaut d'investissement dans les métiers rattachés « Jusqu'aux années 80, de grandes entreprises étatiques, la filature, le tissage, la teinture, le finissage... ont fait l'affaire», rappelle le professionnel. Puis, le matériel utilisé est devenu obsolète. D'où la disparition de la majorité de ces unités. Et ces investissements n'ont pas été remplacés. Le peu d'entreprises qui sont restées sont en train de se remettre à niveau. Cependant, ces activités nécessitent des équipements sophistiqués et très chers pour pouvoir développer un tissu fini de qualité aux normes internationales Dans les années 70, il y avait des plateformes en Europe qui développent des collections, des fiches techniques et des échantillons. Puis, ils sous-traitent la production en Tunisie. Aujourd'hui, les règles du jeu sont en train de changer. Compétitivité oblige, ces plateformes cherchent à délocaliser tout leur savoir-faire. Désormais, les clients ont de plus en plus besoin d'une collection complète, avec toutes les activités de patronage, à la fiche technique en passant par la gradation. Donc, dans ce nouveau contexte, le secteur est de nature à fournir une importante valeur ajoutée. Les structures des clients sont devenues tellement restreintes qu'elles ne couvrent que la partie commerciale. Mieux encore, plusieurs plateformes, ont délocalisé toutes leurs activités en Tunisie.