«Le théâtre de la ville» est le nom choisi par l'homme de théâtre tunisien, Moncef Souissi, pour son nouvel espace «Le théâtre national privé», sis au centre culturel de la ville de Tunis. Derrière cet espace, trois sociétés de production : Souissi Founoun, Le Souffleur Libre et Saharat Productions. Moncef Souissi y collabore avec son compagnon de toujours, Mohamed Kouka. Plus qu'un espace, c'est une compagnie théâtrale. Les deux amis l'ont expliqué lors d'une conférence de presse tenue mardi au Théâtre de la ville, qui aura désormais sa programmation annuelle annoncée à l'avance, avec une billetterie et des abonnements. «L'espace est ouvert à tous les théâtraux pour répéter et représenter leurs œuvres, mais il est fermé à la mauvaise qualité», a déclaré Moncef Souissi qui déplore l'état dans lequel se trouve le secteur en Tunisie. «170 sociétés sont éparpillées avec une production qui n'attire pas le public», a-t-il encore expliqué. Il faut selon lui instaurer une culture théâtrale dans les traditions de cet art noble. D'où l'importance pour l'artiste de disposer d'un espace, sans lequel il ne peut créer. Dans ce sens, Moncef Souissi a rappelé que la résistance des hommes et femmes de théâtre leur a permis de conserver leurs espaces: Ezzeddine Gannoun à El Hamra, Raja Ben Ammar à Mad'Art, Fadhel Jaïbi au Mondial et Taoufik Jebali à El Teatro. Le deuxième souci du Théâtre national privé est de former de bons acteurs et techniciens, une formation axée sur la pratique qui émanera d'une école formation intégrée à cet espace. Quant à l'appellation du théâtre, où «national» et «privé» se suivent portant à confusion, Moncef Souissi explique qu'il s'agit d'un espace privé avec une vocation morale nationale. Lui et Mohamed Kouka pensent que le vrai Théâtre national n'est pas en train de jouer son rôle et qu'ils entendent jouer ce rôle avec leur espace, tout en ayant la liberté d'être privés. «Puisque c'est mon espace, je ne serai pas à la merci d'un administratif ou d'un politicien», a affirmé Moncef Souissi, faisant référence à la démission de ses fonctions de directeur du Théâtre national, en décembre 1987. Mais ce qui compte, c'est le moment présent et l'avenir, accueillis à bras ouverts par le théâtre de la ville, dont les responsables semblent déterminés à faire bouger les choses. Mohamed Kouka est intimement convaincu que le théâtre peut jouer son rôle dans l'amélioration des goûts du public et dans l'ouverture des esprits. Les œuvres parrainées par le Théâtre national privé veulent y contribuer. On en annonce déjà trois: Turghut, Assod, adaptation libre du texte de Mahmoud Messadi et Shakespeare ech jebou lina, une mise en scène de Mohamed Kouka. La distribution de ces œuvres a été également pensée et des tournées, à prix symboliques, sont prévues dans toute la Tunisie et surtout dans les régions où les habitants n'ont pas accès à la culture. Ce dernier projet sera réalisé en collaboration avec le mouvement citoyen Kolna Tounes, dont la présidente Emna Mnif était présente lors de la conférence de presse, pour soutenir le Théâtre national privé et insister sur la vocation sociale et culturelle de l'action de Kolna Tounes. De retour aux œuvres de ce théâtre et de Moncef Souissi, Turghut, ou Darghouth Raïes sera présentée le 10 mars au Théâtre municipal. Le texte est signé Dr Soltane Ben Mohamed Kassemi, gouverneur d'Al Charika aux Emirats Arabes Unis, qui a financièrement et moralement soutenu le Théâtre national privé. Cette pièce qui compte une pléiade de comédiens tunisiens dont Faycel Bezzine, Yosra Trabelsi, et Taieb Oueslati raconte, comme son nom l'indique, comment Darghouth a pu, au XVIe siècle, reprendre les terres d'Afrique du Nord des mains des Espagnols. Cette pièce, qui est d'ores et déjà programmée pour la clôture du festival du théâtre d'Al Charika, ira à la rencontre du public tunisien, d'abord.