Le pays a célébré hier la fête de l'Indépendance. Il était, plutôt, donné au pays une nouvelle occasion de réellement célébrer l'Indépendance. Mais au fait, quelle fête le peuple tunisien devait-il hier célébrer? Celle de l'Indépendance ? Celle de s'être libéré du joug d'un lointain colonisateur, pour retomber, un demi-siècle plus tard, sous le joug d'un simple exécutant d'un certain agenda politique néo-impérialiste, en l'occurrence, un micro-Etat embryonnaire, aussi volatile que les flux financiers? Ou bien celle encore d'une promesse d'un mieux-être collectif, d'une liberté et d'une dignité tunisienne comme le laissait espérer et entrevoir la révolution du 14 janvier 2011 ? Les oubliés de l'Indépendance et de la révolution, ce ne sont plus aujourd'hui une certaine élite, une classe, mais toutes les classes sociales. Quand un conseiller économique du Président de la République (même provisoire) ose qualifier de «bidon» le projet de loi de finances complémentaire pour 2012, c'est qu'il y a profondément un malaise et dissonance aux plus hauts sommets d'un Etat tricéphale. Mais, aussi réel qu'il soit, ce malaise ne signifierait rien aussi longtemps qu'il restera imperméable au véritable et réel malaise qu'est aujourd'hui le vécu quotidien de toutes les composantes de la société tunisienne. Quand le pouvoir d'achat s'effrite, quand pour des milliers de sans-emploi, il n'est plus d'autres voies de salut que les voies suicidaires du fanatisme et de l'extrémisme, que restera-t-il pour une nation pour se relever ? La bataille économique, incontestablement. Bataille pour l'investissement, pour l'emploi, pour la croissance et pour tout ce qui est propre à stimuler réellement l'initiative et la création de richesses. A tous ces niveaux et de ces questions fondamentales et vitales, la classe politique tunisienne, toutes tendances confondues ou presque, semble aujourd'hui fort éloignée, préférant les joutes et les petits calculs politiciens. Il y a exactement 56 ans, un certain leader national disait que la véritable bataille pour l'indépendance et pour la dignité est une bataille économique. «La Grande bataille», disait-il. Eh bien, c'est sans vergogne qu'une certaine classe et élite politique cherche aujourd'hui à s'inscrire dans cette lignée, à récupérer cet héritage idéologique sans pour autant chercher à rester au moins fidèle à l'esprit et à la lettre des ressorts de cette «Grande bataille». En face, par son tâtonnement, son indécision et un déficit manifeste d'une vision claire pour l'avenir, le gouvernement provisoire rend la situation encore plus confuse. Il serait, cependant, injuste de l'accabler davantage. Il est face à l'épreuve du pouvoir et se doit de rendre un peu plus supportable la vie des gouvernés. Confrontée à l'amère réalité, la question de l'Indépendance devient somme toute...secondaire.