On pourrait donner à l'exposition de Khaled Turki le titre «Sans titre», lui-même ne lui en ayant pas donné un. D'ailleurs, les œuvres non plus ne portent pas d'intitulés. Le libre choix est donc laissé au public pour imaginer un nom à chacun de ces tableaux exposés jusqu'à la fin du mois de mars à la galerie Astrolabe au Bardo, dont les cimaises sont joliment décorées par une poignée d'autres œuvres grand format. 35 ans que l'artiste consacre à la peinture tout son temps. Originaire de Mahdia, il possède ce souffle ample qui caractérise les gens de la mer. Il n'avait pas besoin de passer par une école pour apprendre les ficelles des arts plastiques. Tout seul, au gré du hasard et des rencontres qui l'inspiraient, il s'est construit petit à petit une expérience. Après un long passage par la figuration, il évolue vers l'abstraction en s'orientant de plus en plus vers la peinture des signes, créant ainsi son propre langage pictural. C'est cette démarche qu'il met en valeur dans l'exposition. «Ces signes sont une langue de l'art d'une grande beauté donnant une histoire et une géographie agitées», estime Mohamed Yacoubi, galeriste et compagnon de route du peintre. A 68 ans, Khaled Turki ne manque pas d'audace et de dynamisme. Son geste reste souple parce qu'il s'est libéré de toutes les contraintes. Dans l'ensemble, l'iconographie tourne autour des idées de naissance, de transformation et de mouvement. La mort aussi a sa place dans sa production. «La maturité de l'artiste donne une souveraine liberté, une nécessité pure où l'on jouit d'un moment de grâce entre la mort et la vie», note encore Yacoubi. Pour ses compositions, Turki adopte une technique mixte : acrylique, sable et autres matériaux dont il garde le secret. Les signes représentés, qui évoquent les hiéroglyphes, sont disposés sur une matière rugueuse et des couleurs riches et contrastées tantôt chaudes, tantôt froides. Les combinaisons des signes se dégagent d'un fond qui pourrait être la mer pour le bleu et l'ocre pour la terre ou le sable. En bon coloriste, il associe les tons de telle sorte qu'une harmonie s'installe pour l'ensemble. Ainsi, les œuvres ressemblent à des pièces archéologiques, tant leur valeur est ancrée dans une identité et une appartenance qui versent dans une «voie mystique», que Khaled Turki tend à explorer pour parvenir à une plénitude convoitée par tout créateur. Il faut savoir distance garder pour apprécier à leur juste valeur les tableaux de ce peintre dont l'humilité apparaît à travers les traces d'un passé, toujours ressuscité, qui traversent les âges.