Si l'avis du psychologue laisse entrevoir une note positive de l'éloignement géographique des conjoints, le disloquement de bon nombre de familles pose, selon M. Maher Trimech, sociologue, un sérieux problème. Il l'est non seulement pour ce qu'il engendre comme altération à l'harmonie familiale, mais aussi pour le flou qu'il sème au sein d'un système au service des générations futures et de la famille qu'est le système éducatif. Le sociologue s'interroge sur l'éthique de tout un système favorable, avec préméditation, au drame familial. Il faut dire qu'en Tunisie, l'option pour une carrière dans l'enseignement implique souvent des sacrifices forcés, difficiles à assumer. Pour initier les générations au savoir, il est, dans bien des cas, nécessaire de se priver de la chaleur familiale. La distance géographique à laquelle recourt le ministère de l'Education ayant pour motif d'effacer le régionalisme et de décentraliser au mieux les compétences se fait au détriment du foyer de l'enseignant lui-même. «Les impacts sociologiques de l'éloignement géographique des conjoints et des enfants par rapport à l'un des parents sont évidemment négatifs. La distance affective, le disloquement de la vie conjugale, le déséquilibre affectif dont souffrent les enfants constituent un réel drame familial. Ce qui suscite vraiment l'interrogation c'est l'approche insensée d'un système éducatif qui induit au drame familial et qui tient, contre toute attente, à perpétuer un problème pluridimensionnel aux conséquences fâcheuses. L'éloignement des conjoints est un problème qui perdure depuis des décennies. Pourtant, les solutions sont aussi évidentes que possibles», s'exclame M. Trimech. Le sociologue s'interroge sur les enjeux politiques et syndicaux qui ont besoin d'une telle approche pour servir les intérêts des uns et gonfler un pouvoir informel. Il met le doigt sur des techniques informelles et opérationnelles qui régissent les mutations des enseignements : des techniques fondées sur la corruption comme les pots-de-vin et le copinage. «Le ministère de l'Education et le syndicat sont les deux institutions responsables de la perpétuité du problème. Pour preuve: au lieu d'obéir à des critères tangibles fondés sur l'aspect humain et social, le traitement des dossiers de mutation dévoile des failles et des dépassements illogiques», renchérit M. Trimech.