L'a-t-on assez réclamée, cette foire d'art contemporain qui placerait la Tunisie dans le calendrier international des grands rassemblements culturels et artistiques qui sont, aujourd'hui, une nouvelle forme de tourisme ? D'autres pays, dont les traditions artistiques sont quelquefois moins anciennes et moins ancrées que chez nous, les ont organisées, lancées et réussies. Dubaï, avec la remarquable batterie de moyens mis en œuvre, a réussi un rendez-vous arty, désormais incontournable. Abou Dhabi a suivi. Egalement Beyrouth qui, après une première tentative qui a tourné court, a repris l'expérience en l'élargissant au Moyen-Orient. Marrakech, plus près de nous, a fait un succès d'une deuxième édition d'une foire, encore modeste, mais déjà prometteuse. En Tunisie, le panorama artistique est large, dynamique et fécond. La tradition picturale est ancienne, les écoles solidement ancrées, les galeries multiples et actives, les collectionneurs avertis. Bien sûr, il nous manque le musée d'art contemporain qui permettrait de légitimer la cote des artistes, mais on nous le promet depuis si longtemps qu'il finira bien par arriver. Alors, voir s'organiser une foire d'art contemporain est un facteur d'espoir, et nous promet des lendemains qui chantent. Celle-ci n'est pas née ex-nihilo. Et cette future Art Fair Tunis, le Printemp est une émanation, et un développement ambitieux du Printemps des Arts de la Marsa, événement né de l'initiative d'un mécène, et qui, se développant peu à peu, créait l'événement chaque printemps sur la côte. Meryem Bouderbala, à qui on a confié le commissariat de cette foire, a réussi à fédérer toutes les galeries et tous les espaces environnants. Et si l'on continue de montrer l'art contemporain tunisien à la Abdellyia, tradition désormais intangible, on investira également Dar el Founoun, l'espace Sadika, Bchira Center, le musée de Sidi Bou-Saïd, les galeries environnantes, une maison beylicale qui appartient à un galeriste, le palais Essâada, et bien d'autres lieux. Alors, bien entendu, ce sera une foire artistique et commerciale, mais Meryem Bouderbala, qui fait tout ce qu'elle entreprend avec passion, conçoit l'événement d'abord comme un acte de résistance. «Il s'agit, dans le contexte actuel, d'occuper le terrain de la culture, de permettre son accès à tous, de contribuer à la constitution d'un front culturel démocratique puissant qui montre à chacun le potentiel créatif de la Tunisie . Tout se joue maintenant, d'où l'urgence d'être réactif. Il s'agit d'occuper le terrain, quitte à brûler les étapes», dit-elle. Pour cette première édition de Art Fair Tunis, le Printemps, Meryem Bouderbala souhaite que ce projet fédérateur résonne comme un manifeste de soutien à la démocratie pour la Tunisie. Et ceux qui l'ont déjà assurée de leur soutien — le Haut conseil de l'Institut du Monde arabe, le ministère de la Culture français, le Palais de Tokyo — l'ont bien compris ainsi, lui offrant label et parrainage, mais aussi se proposant comme relais pour impliquer artistes, galeristes et scénographes de l'autre rive. De grandes galeries, marocaines, algériennes et françaises, s'intéressent à l'événement, des artistes de ces pays ont promis d'y participer Foire commerciale, donc, bien sûr, mais aussi acte citoyen, et toutes les galeries environnantes l'ont bien saisi ainsi. Toutes organiseront des expositions en « off », créant un circuit artistique, et un parcours découverte tout autour de la Abdellyia. «Aujourd'hui, l'art peut enrichir le pays, affirmer son pouvoir créatif, et prouver que la liberté d'expression artistique de chacun est le garant de la liberté de tous. Une autre sorte de révolution est possible en Tunisie, source de richesses effectives et intellectuelles, en donnant toute sa valeur attractive à son patrimoine culturel matériel et immatériel, aux métiers d'art, et à la création sous toutes ses formes», précise Meryem Bouderbala. On applaudit des deux mains à ce beau projet, et on demande à la commissaire de la foire et à ses partenaires, Le printemps des Arts, et Panorama, de ne pas perdre de vue le but de la manifestation : organiser une foire d'art contemporain crédible, qui drainera journalistes, critiques d'art, galeries tunisiennes et étrangères, curators internationaux, collectionneurs, fonds, musées, et acheteurs, évidemment.