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La cocotte est à point...
L'entretien du lundi : Halim Karabibène (cinéaste et plasticien)
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 03 - 2012

Il est né à Bizerte en 1962. Toutefois, et selon ses propres mots, c'est dans les représentations des contes et des mythologies dans sa peinture qu'il a trouvé sa vraie demeure et son vrai pays. Architecte de formation, Halim Karabibène, notre invité de ce lundi, se définit comme artiste visuel. Il a exposé autant en Tunisie qu'à l'étranger, prenant part à différentes foires internationales d'art contemporain à Abu Dhabi, Dubaï, Marrakech, Miami, Paris... Depuis une année, il a déserté son atelier à Bizerte pour se consacrer à la photo et à la vidéo. Certains ont dû le croiser, une cocotte sur la tête, lors du précédant Printemps des arts, car Karabibène revêt , de temps en temps, sa tenue de lutte pour la création d'un musée d'art moderne et contemporain à Tunis et part avec sa «dérisoire» armée de cocottes minute et son comité à la conquête de l'autre. Entretien.
A quel point ton expérience cinématographique transparaît-elle dans ta peinture?
Cela ne s'arrête pas à cela; il y a d'abord l'architecture qui ramène une certaine rigueur, le cinéma ajoute ce rapport avec l'espace et cela se reflète à travers le souci de composition dans ma peinture, car même si elle est foisonnante, elle révèle une forme de scénographie. Il y a aussi l'aspect séquentiel et narratif qui fait que ma peinture se présente comme un conte hybride dans une scénographie imaginaire.
Halim le plasticien a pris le dessus sur Halim le cinéaste. Pourquoi?
Je ne me considère pas en tant que cinéaste mais en tant qu'artiste visuel qui s'exprime à travers plusieurs médiums. D'ailleurs, on a présenté une vidéo à moi en novembre dernier, à la biennale africaine de la photographie de Bamako.
Et en Tunisie, quand pourra-t-on voir tes vidéos?
En Tunisie, il faut d'abord commencer par organiser de vraies manifestations autour de l'art visuel.
Tu as toujours défendu l'idée d'un musée d'art moderne et contemporain à Tunis. A défaut de ce musée (pour le moment), tu as été jusqu'à en créer un sur facebook. En quoi ce musée est-il indispensable et comment as-tu défendu ce projet ?
Il est impensable de parler d'art moderne et contemporain en Tunisie, sans qu'on puisse voir cet art, dont toute une partie est stockée dans les caves de Ksar Saïd. C'est ce constat qui a fait germé en moi l'idée d'un travail sur le musée, ou plutôt sur son inexistence. Le lancement de ce travail s'est fait lors d'une exposition-hommage à Faouzi Chtioui en 2007. J'ai participé avec une œuvre qui se présentait comme une lettre fictive écrite dans le futur, datée de 1969 et dans laquelle je m'adressais à Chtioui pour lui parler de notre musée. C'était une manière de dénoncer, dans la dérision, l'inexistence du musée qui voue l'artiste tunisien à deux morts, l'une physique, l'autre artistique. La lettre était accompagnée d'un collage/carte postale du musée avec une architecture post-post moderne formée, entre autres, d'une cocotte-minute sous pression. Une sorte de proposition architecturale désespérée du musée qui est devenue par la suite son logo. La deuxième apparition de la cocotte s'est faite lors d'une exposition hommage à Gorgi. J'y avais alors présenté une affiche qui annonçait une exposition rétrospective des œuvres de ce dernier au musée fictif avec la phrase «mieux vaut tard que jamais». Il y a eu, par la suite, toutes sortes d'interventions publiques et virtuelles dans une forme de sensibilisation ironique à propos de l'absence d'un musée d'art moderne et contemporain en Tunisie.
En quelle année as-tu lancé le Comité populaire pour la protection du Musée national d'art moderne et contemporain (Mnamc) de Tunis? Parle-nous de ses 99 soldats...
Avec le 14 janvier et son souffle d'espoir, j'ai réactualisé la date pour 2011 et j'ai annoncé, le 19 janvier, dans un événement sur facebook, la création du Comité populaire pour la protection du Musée national d'art moderne et contemporain, inspiré par les comités de protection des quartiers. Depuis, la cocotte est devenue l'emblème de la lutte pour l'existence du Mnamc. J'ai posé, en numéro 1 du comité, un soldat couvert d'un tablier de peinture barbouillé, une cocotte sur la tête, tenant d'une main le couvercle comme bouclier et de l'autre une pelle comme arme. Par la suite, j'ai fait poser, avec la cocotte et le tablier de peintre comme uniforme commun, 99 artistes, galéristes, étudiants en art, collectionneurs, personnalités de la société civile... en leur laissant le choix de leurs «armes». Le chiffre 99 évolue à chaque nouveau ralliement...
En parlant de musée, en dehors de ta fameuse cocotte-minute, emblème du musée, qui a fait du chemin depuis sa création et qui ne cesse de bouillir, comment imagines-tu concrètement le musée d'art moderne et contemporain de Tunis et que penses-tu du projet de la Cité de la culture?
Le projet de la Cité de la culture annonçait une deuxième tranche dans les plans dont aucun ministère, ni avant ni maintenant, n'en a parlé et qui correspond à un important bâtiment alloué au musée. Ce fut le cas, entre autres, avec le précédent ministre de la Culture, Azedine Beschaouech, qui a malheureusement continué dans la même ligne. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le rencontrer lors du dernier Printemps des arts. J'avais alors réalisé une performance, en tenue de combat du comité, et il m'avait alors affirmé que personne ne lui avait parlé de la deuxième tranche du projet.
Il faut d'abord noter que dès le départ, il y eu cette intention de «caser» le musée. On a ainsi parlé d'un musée de civilisations (un parcours virtuel retraçant l'histoire de la Tunisie), puis d'une galerie nationale, ensuite d'un musée d'art vivant et ce n'est qu'après le 14 janvier, qu'on a parlé d'un musée d'art moderne et contemporain. Mais il y a toujours cette intention de «caser» le musée dans un espace non conçu pour lui. Je crois que nous méritons beaucoup mieux que cela. On doit soit continuer la deuxième tranche du projet de la Cité de la culture, soit créer un nouveau projet dans un nouvel espace, en lançant un concours national d'architecture. Il ne faut plus nous sortir l'argument du manque de moyens; le plus important dans tout cela c'est qu'il y ait un vrai projet culturel digne de la révolution. Qu'importe que cela prenne du temps, nous ne voulons surtout pas de provisoire qui risque de s'éterniser. Sinon le musée, je l'imagine comme un lieu ouvert et bouillonnant d'activités comme une cocotte minute, un lieu de vie et non un cimetière pour œuvres d'art...
Qu'en est-il de ce projet actuellement? Crois-tu qu'on va, enfin, avoir ce musée?
Tout ce que je sais actuellement, c'est qu'avec le nouveau ministre, il y a l'intention de redémarrer le chantier de la Cité de la culture que les autorités espèrent achever dans une année...
Qu'en est-il de l'art contemporain tunisien?
Sans institutions culturelles qui le prennent en charge et qui le diffusent, l'art contemporain en Tunisie deviendra dérisoire. Cela ne concerne pas uniquement le ministère de la Culture, il faut qu'il y ait également des institutions indépendantes qui le mettent en valeur. Avec le problème de diffusion, et en dehors de l'oeuvre-objet exportable et vendable, les autres formes de pratiques artistiques contemporaines demeurent fragiles, car sans structures et sans retour financier. Depuis le 14 janvier 2011, de nouveaux médiums se sont imposés, grâce à Internet, à l'instar de la photo et de la vidéo. Personnellement, j'ai du mal, actuellement, à m'en détacher et à rejoindre mon atelier. Il y a eu comme une sorte de remise en cause dans mon travail, beaucoup d'explorations extérieures et très peu de peinture.
Récemment, tu as fait exploser la cocotte, lors de l'exposition «dégagement-la Tunisie un an après» à l'Institut du monde arabe (IMA). Parle-nous de ce rendez-vous autour de l'art contemporain tunisien post-14 janvier? Comment le public et la critique française l'ont-il reçu? Et quelle a été ta contribution?
Cette exposition est, jusqu'à maintenant, la plus intéressante sur le thème de la révolution, dans le sens où elle a ramené de nouvelles lectures artistiques, avec de nouveaux médiums et angles de vue et, surtout, assez de distance pour ne pas tomber dans les discours directs. Il faut dire qu'il y eu une forte demande autour de ce thème, donc beaucoup d'improvisations, ou ce qu'on peut appeler des expositions de circonstance.
J'y ai exposé une installation intitulée «l'Art-mée protège le musée», présentant la Cocotte-minute entourée de figurines et de jouets en plastique, avec une reconstitution d'une série de photos du comité populaire de la protection du Mnamc. L'exposition a été très bien accueillie par la critique française qui lui a manifesté beaucoup d'intérêt. Cela n'a pas été le cas en Tunisie, ce qui n'est pas du tout normal pour une exposition de cette envergure et qui a accueilli plus de mille visiteurs, lors du vernissage..
Certains reprochent à ces expositions de faire dans l'exportation folklorique de la révolution? D'autres (y compris des médias français) ont émis des réserves quant à l'intérêt subit pour notre art, longtemps ignoré (dans l'ensemble), à l'étranger (même sous nos cieux il faut le dire). Ils parlent de tentative de rachat de conduite par rapport, surtout, aux relations entretenues avec le régime Ben Ali et les déclarations de certains lors de l'insurrection? On nous a rapporté que lors du vernissage, certains n'ont pas hésité à le faire remarquer publiquement au ministre français de la Culture Frédéric Mitterrand...
Je ne dirai pas qu'ils se sont rachetés, mais plutôt qu'on s'est imposé (sourire). Ils se sont intéressés à nos angles de vue et non à ceux vus par les autres. L'intérêt subit pour l'art contemporain tunisien, actuellement, est tout à fait normal, puisqu'il devient de plus en plus visible. D'autre part, comment aurait-on pu s'y intéresser avant, alors que même sous nos cieux, il n'était pas visible?!
«Créer, c'est résister» (Deleuze)?
L'artiste est quelqu'un de libre dans son art et dans sa vie. L'art authentique est révolutionnaire et la révolution peut être un médium pour l'artiste.
L'artiste peut donc provoquer une révolution?
Je ne sais pas s'il peut la provoquer, mais je sais qu'il est provocateur et qu'il y a des luttes sur tous les fronts.
Y a-t-il un véritable art émergent qui ne fait pas uniquement dans les réactions à chaud et qui n'essaie pas de prendre le train de la révolution en marche?
C'est normal qu'il y ait des réactions à chaud mais, en même temps, il faut qu'il y ait plus de distance pour que cela dure. Tout cela doit bien mijoter, un bon bout de temps, dans la cocotte (rires)...
Qu'en est-il de l'art urbain en Tunisie?
Partout dans le monde, il y a toujours eu des tentatives pour institutionnaliser l'art de la rue. Les formes les plus radicales ont choisi de s'auto-organiser pour échapper à ce genre de récupération. Pour ce qui est de ces formes d'art en Tunisie, il faut qu'elles continuent d'exister. D'ailleurs, en parlant de cela, je te rappelle la réaction du ministère de la Culture face aux tags de la Kasbah, qui a préféré les effacer, en agressant ainsi la mémoire immédiate de tout un peuple. Cela en dit long...
Que penses-tu du nouveau ministre de la Culture?
L'essentiel est qu'il s'entoure des bonnes personnes, en l'occurrence des gens du métier, car c'est à eux également que revient cette responsabilité. Je ne pense pas que ce soit le cas actuellement. Il faut aussi, et surtout, qu'il y ait de vrais projets culturels.
Que vont devenir ta cocotte-minute et ses vaillants soldats maintenant? Et quels sont tes projets futurs?
J'ai besoin d'un retour à la peinture après ce détour par la photo et la vidéo. La cocotte continue à mijoter et à bouillir... Je vais finir un jour par l'ouvrir, on verra alors ce qui va en sortir... Sinon, actuellement, je suis en période de réflexion.


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