Déstabilisé par les changements, le secteur des médias et de la communication en Tunisie tente de s'adapter et d'innover de multiples manières pour rénover les modalités de sa contribution au débat politique et social et aux changements profonds et rapides que vivent les Tunisiens après la révolution. On mentionne la place inédite donnée à la participation de Tunisiens «ordinaires» ou de porte-parole de la société civile et des partis politiques à des débats politiques virulents, la multiplication des tribunes dans la presse écrite et électronique mais aussi sur les ondes radiophoniques et les écrans de chaînes TV publiques et privées. Aussi, faut-il faire allusion à l'émergence même timide de la pratique des sondages et la naissance d'un journalisme d'investigation dont le rôle consiste à présenter une information fiable qui rompe avec le sensationnel pour aller au fond des choses loin des surenchères politiciennes. Avec ses exploits et ses ratages, l'information demeure, pour une large frange de Tunisiens, comme pour la plupart des hommes politiques, en deçà des attentes d'une Tunisie post-révolutionnaire sous prétexte qu'elle n'a pas su être sur la ligne de front et à l'écoute d'une société en ébullition. C'est dans ce contexte que s'inscrit la conférence nationale organisée hier à Tunis par le Centre de communication et de démocratie, portant sur la réforme du secteur des médias, en présence de Rafik Abedessalem, ministre des Affaires étrangères, Ouadhah Khanfar, ex-directeur général d'EL Jazeera et en présence des représentants de la presse nationale audiovisuelle et écrite. Engager une réforme profonde Le débat était focalisé sur la nécessité d'engager une réforme profonde du secteur de l'information et de la communication, dont la réalisation doit être confiée à toutes les parties concernées (universitaires, chercheurs, société civile....) et non seulement au Syndicat national des journalistes. «Le projet de réforme du secteur de l'information est un sujet très important en cette période de transition démocratique et politique, dont le traitement nécessite des efforts académiques et de recherche considérables et une révision profonde. Il est opportun de rappeler que d'autres révisions ont touché en un laps de temps (moins d'une année) plusieurs institutions sociales, économiques et politiques, dont l'organisation d'élections libres et démocratiques de la Constituante traduisant la volonté populaire et reflétant une image très valorisante dans le monde entier sur la Tunisie post-révolution», précise M. Abdessalem. Malgré les réalisations, notamment politiques, accomplies en cette période de transition, «le secteur de l'information et de la communication n'a pas su être au diapason des évènements politiques et sociaux. Cette tendance ne cesse de s'affirmer dans tous les médias alors que le vrai besoin aujourd'hui est l'instauration d'une relation objective à la réalité, à l'introduction de pratiques d'information fondamentalement professionnelle basée sur la déontologie et le respect de la règle de l'impartialité», à la confrontation des idées constructives, quoique la presse se voie souvent contrainte de coopérer avec les partis politiques et les autres centres du pouvoir économique. Des années de pressions «La Tunisie a besoin d'un discours d'information objectif, transparent, qui montre la réalité. Les professionnels du secteur sont appelés à revoir et repenser les critères professionnels et à contribuer sérieusement au remodelage du discours d'information», ajoute le ministre. A l'évidence, le secteur des médias se voit offrir une chance de restaurer sa crédibilité, même avec les lacunes existantes, à prouver qu'il pourrait réaliser sa mue où la liberté d'expression est le maître-mot, où le professionnalisme sera de mise, au moment où certains professionnels désabusés confirment avoir un mépris envers les partis politiques qui portent encore atteinte à la dignité du journaliste. Journalistes dont la crédibilité est profondément écornée par des années de pressions et de connivence avec le pouvoir. Les professionnels du secteur sont appelés à jouer un rôle crucial, rôle d'autant plus important, aujourd'hui, pour la Tunisie qui n'est encore qu'aux prémices de la démocratie, avec les dangers et les risques qui guettent le processus de développement du secteur. De son côté, Ouadhah Khanfar, ex-directeur général de la chaîne de TV El Jazeera, a dû préciser que «le secteur de la communication dans le monde arabe observe une grande mutation depuis la création des réseaux sociaux (Facebook, Youtube, Twitter...). D'où le fondement de nouveaux concepts et de nouvelles démarches favorisant le développement du secteur. Aujourd'hui, la scène médiatique s'épanouit avec le développement des reportages sur terrain et de l'information interactive, le foisonnement des reporters et des correspondants de guerre qui ont prouvé leur professionnalisme et leur compétence. Aujourd'hui, la communication traditionnelle et nouvelle se complètent permettant au journaliste d'appréhender les priorités, les équilibres stratégiques et d'apporter sa contribution au développement du secteur en perpétuelle mouvance».