L'approche par compétences (APC) sera-t-elle maintenue dans l'enseignement de base ou remplacée par une nouvelle approche pédagogique lors de la prochaine réforme du système éducatif ? Une première évaluation avait eu lieu en 2008, afin de savoir si cette approche avait contribué à faciliter l'acquisition des connaissances par les élèves. Financée par l'AFD, la BAD, le CIEP, le MAEE et l'OIF, cette enquête, qui a ciblé plus de vingt-sept classes sur tout le territoire, s'est basée sur une série d'entretiens avec des responsables administratifs, des enseignants et des parents afin de savoir si toutes les parties concernées, dont notamment les enseignants, ont bien assimilé cette approche et ont su l'appliquer convenablement dans leurs classes. C'est à partir de 1995 que l'APC a commencé à être expérimentée dans les établissements d'enseignement de base. Les responsables recherchaient, à l'époque, une approche qui pouvait permettre d'améliorer les performances des élèves du primaire jugées faibles et en deçà du niveau requis. L'APC a été jugée l'approche la plus appropriée pour faciliter l'acquisition des connaissances, décloisonner les savoirs, éveiller l'esprit critique de l'enfant et l'outiller afin de le préparer à s'adapter aux situations de la vie réelle dans un environnement en perpétuelle mouvance. L'une des principales caractéristiques de cette approche est d'instaurer une situation dans laquelle l'enseignant ne se contente plus d'émettre une série de connaissances que l'élève assimile passivement mais d'interagir avec ce dernier en le faisant participer progressivement à la construction du cours. Au début, l'APC a été expérimentée sur 10% des établissements primaires avant d'être généralisée à tous les établissements. Au cours du processus qui a duré cinq ans, des évaluations ont eu lieu pour déterminer si cette approche a bien été assimilée par les enseignants et les élèves. Bien que les bons résultats obtenus aux épreuves nationales aient prouvé que cette approche a permis d'améliorer les performances des élèves, plusieurs reproches ont été adressés aux artisans de l'APC qui n'ont pas su accorder l'importance nécessaire à la formation des enseignants. En effet, le remplacement de l'approche par objectifs appliquée pendant de nombreuses années par l'approche par compétences nécessite une formation approfondie des enseignants afin qu'ils puissent maîtriser convenablement sa philosophie et son application, et en faire, ainsi, profiter les élèves. Or les séances de formation lapidaires et éparpillées dans le temps qui ont été organisées au profit des enseignants n'ont pas duré le temps qu'il faut pour leur permettre d'assimiler et de saisir tous les aspects et enjeux liés à cette approche complexe. Vient s'ajouter à cela le fait que cette formation, après son implémentation, n'a pas, non plus, été accompagnée d'un suivi au niveau de l'établissement pour s'assurer que l'enseignant est bien en train d'appliquer les principes tels qu'on les lui a appris. Sur le plan pédagogique, si les textes ont tenté tant bien que mal de transposer le plus fidèlement possible les principes de l'APC, son application sur le terrain, notamment dans les établissements primaires se trouvant dans les régions, a rencontré beaucoup d'obstacles… Cette approche s'est tout d'abord heurtée au frein de la mentalité. Il est, en effet, difficile pour les autorités locales (directions régionales de l'enseignement...) ainsi que pour les enseignants d'intégrer et d'accepter aussi facilement une approche connue pour son aspect moderniste alors qu'ils appliquaient, jusqu'ici, une méthodologie d'enseignement classique dans les établissements primaires. Par ailleurs, il faut également s'interroger sur l'applicabilité de l'approche par rapport au contexte dans lequel elle a été transposée. En effet, une simple évaluation de l'application de l'APC dans des établissements primaires aux budgets limités nous permet d'observer que les conditions de mise en œuvre (effectif, supports pédagogiques, dispositif de soutien professionnel....) ne correspondent pas aux exigences théoriques et à la complexité de l'approche par compétences. Ce qui a eu pour conséquence le fait que les performances des élèves soient restées intimement liées à la réussite de l'application de l'APC, qui ne s'est pas faite sans écueils dans la plupart des établissements, creusant des disparités entre les régions. Elles se sont notamment reflétées à travers les résultats des élèves, variant d'un établissement à l'autre. Dix ans se sont écoulés depuis l'implémentation de l'APC qui a montré ses forces et ses faiblesses. Le passage automatique des élèves quel que soit leur niveau n'a pas toujours donné de bons résultats. Aujourd'hui, en raison d'une mauvaise application de l'approche par compétences dans certains établissements d'enseignement de base, des élèves de la sixième année primaire, chez qui l'esprit critique est quasiment inexistant, ne savent ni lire ni écrire correctement et sont incapables d'adapter les connaissances apprises en cours à des situations de la vie réelle. Cela a été prouvé par les très mauvais résultats obtenus par la Tunisie dans des concours internationaux. Par ailleurs, l'absence de continuité entre l'approche pédagogique adoptée au primaire et celle pratiquée dans les établissements d'enseignement secondaire (approche par objectifs) pourrait entraîner, dans les années à venir, une déstabilisation des élèves, source d'échec scolaire pour certains. Ce qui nous amène à nous poser la question suivante : si le ministère prévoit dans la prochaine réforme de maintenir l'approche par compétences dans l'enseignement de base, apportera-t-il des modifications et les adaptera-t-il aux spécificités locales liées à notre système éducatif, pour pouvoir améliorer les performances des élèves ? Seul l'avenir nous le dira.