Dans les dédales de la «Médina», le club culturel Tahar Haddad a accueilli, comme chaque mercredi, les passionnés du livre. Devenu lieu de pèlerinage littéraire, le club du mercredi a encore célébré le culte des «belles-lettres» en présentant une nouvelle parution et en débattant des questions littéraires à l'ordre du jour. La semaine dernière, nous avons revu Emna Louzir, la poétesse. Toujours souriante, Emna nous a présenté son nouveau-né Sabra,un recueil de poèmes à l'expression arabe et traduit en italien par le poète italien Guissepe Goffredo, une traduction qui ne manquera pas d'élargir son lectorat et de présenter la poésie libre ,propre à décloisonner les frontières des langues. Sabra affiche une prédilection pour l'écriture brève. Emna Louzir en fait une entreprise pour raconter ses expériences qu'elle ne semble pas être près de mettre aux oubliettes. La langue versifiée de Sabra marie le rythme et la musicalité aux images, non moins prééminentes dans le recueil. Chaque mot acquiert une épaisseur et résonne aux tréfonds du lecteur, ému par une poétesse qui exhibe son monde intérieur. Les paroles denses et lapidaires restituent l'impact des rencontres faites tout au long du chemin sur notre poétesse. Ainsi, «ceux qui habitent les trottoirs et les cas d'errance» auxquels elle dédie le livre 1 meublent l'univers poétique du recueil de Emna Louzir. Sabra qui prête son nom à l'œuvre est certainement la femme qui a le plus marqué notre poétesse. Sabra est une femme de la rue. Sabra «marche dans la nuit. La nuit marche sur Sabra». Sabra, une femme que nous croisons tous les jours sans vraiment la voir. A partir de là, nous abordons une particularité de la création littéraire qui répercute l'expérience individuelle en la hissant au statut de l'humain. Un aspect que Guiseppe Goffredo n'a pas hésité à souligner. Emna Louzir nous parle également de Rovenna, la fille de «l'après -guerre» rencontrée en Albanie. La petite Albanaise qui représente le passé noir de tout un pays porte toujours les séquelles de la guerre. Quand Rovenna sourit, «le désespoir danse sur ses lèvres».A ce titre, la rencontre d'un seul être nous renvoie à la réalité et évoque tant d'émotions chez la poétesse. Sabra est fait de rencontres fortuites et fugaces que l'écriture poétique éternise dans la mémoire. Le thème des retrouvailles est aussi prééminent que le récit de l'attente épousant les interrogations qui fusent dans les poèmes de Emna Louzir. À ce niveau, une question nous vient à l'esprit: l'attente, ne serait-elle pas une forme de quête où l'être est tiraillé par les questionnements et aspire à un ailleurs. La quête revêt souvent un souffle spirituel. L'amour revêt une dimension spirituelle perceptible par le biais de l'adoration presque divine : «Je t'ai cherché dans les livres sacrés et dans les récits des prophètes». La rencontre autour de Sabra nous a fait découvrir une poétesse prometteuse, Moncef Chebbi nous parle d'une œuvre incitant à la réflexion sur le paysage littéraire en Tunisie. Elle a ouvert le débat sur un certain nombre de problématiques liées à la création poétique. Les invités ont repensé les traits constitutifs de la poésie libre qui se distingue de l'écriture classique. D'autre part, les membres du club ont réfléchi sur la question de la fidélité de la traduction à la poésie. A travers des exemples appartenant à la littérature. De quoi élargir les horizons de la création littéraire en Tunisie.