Le coup d'envoi de la 7e édition de Doc à Tunis a été donné mercredi dernier, drainant un très nombreux public au Théâtre de la ville de Tunis. L'expérience fort réussie de cet évènement continue à donner de «la voix» aux regards; ceux dirigés, cette année, vers une Tunisie post-révolutionnaire et en pleine effervescence sociopolitique et idéologique, voire existentielle, tentant caméras et plumes à se mobiliser pour le renvoi et l'analyse de la réalité de ce nouveau vécu, inespéré pour les jeunes et les moins jeunes générations, il y a à peine un an et quelques mois. La femme était à l'honneur à l'ouverture de cette nouvelle session, avec la projection du film Militantes de la réalisatrice tunisienne Sonia Chamkhi. Ce documentaire suit pas à pas le processus d'un défi qu'un nombre de femmes exceptionnelles ont relevé, en se portant candidates aux élections de l'Assemblée constituante du 23 octobre 2011. Huit portraits de femmes de différentes tendances ont défilé devant la caméra, apportant des témoignages et des propos bouleversants sur leurs expériences, sur ce qu'elles ont enduré à l'époque de Ben Ali, sur leurs convictions, leur peur, leurs souffrances et leur détermination à lutter pour une Tunisie démocratique, pour la dignité de la femme et pour l'égalité des sexes. Ces intervenantes étaient Radhia Nassraoui du Parti ouvrier communiste tunisien, Saïda Garrach du Mouvement des nationalistes démocrates, Najla Bouriel du Parti de la démocratie progressiste, Bochra Belhaj Hamida d'Ettakattol, Khadija Ben Hassine et Jinène Limam d'El Qotb et Souad Abderrahim d'Ennahdha. Il y avait également des femmes qui ont pris part aux travaux préparatoires des élections et qui ont insisté sur la nécessité de la participation des femmes tunisiennes au pouvoir politique, dont Sihem Ben Sedrine (présidente du Centre national pour les libertés en Tunisie et de Radio Kalima), Latifa Lakhdhar (vice-présidente de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution), Monia El Abed (chargée des affaires juridiques et des relations publiques au sein de l'Instance supérieure indépendante pour les élections), Faïza Skandrani (présidente de l'Association Egalité et Parité), Besma Soudani (présidente de la Ligue des femmes électrices et observatrice dans les bureaux de vote) et Raoudha Karafi (membre du bureau exécutif de l'Association des magistrats tunisiens). A travers ce documentaire, la réalisatrice a également rendu hommage aux militantes pionnières, telles que Radhia Haddad, Asma Belkhodja Rebaï, Rachida Ennaïfer et Dr Tawhida Becheikh, première bachelière tunisienne et première médecin musulmane, en Tunisie et dans le monde arabe. Sonia Chamkhi a suivi les étapes de ces premières élections et rapporté le climat général de cette période exceptionnelle dans l'histoire de la Tunisie post-révolutionnaire : distribution des prospectus, discussions des candidates avec les gens de la rue, dans les cafés, devant les stations de métro, dans les quartiers pauvres, dans les usines, dans les petits villages, etc. jusqu'à l'annonce des résultats. Chacune a milité sur son front pour une cause ou une autre, qu'elle considère essentielle pour l'avenir du pays et pour protéger les acquis de la femme tunisienne, dont la plupart datent de l'époque du président Habib Bourguiba. Car dans le processus du féminisme d'Etat qu'utilisait le régime de Ben Ali, la question des droits de la femme servait juste de promotion d'une image politique, ici et ailleurs. Ces militantes, qui, malheureusement, n'ont pas eu la chance de gagner aux élections, ne se sont pas laissé gagner par le désespoir. Elles déclarent être déterminées à mener leur combat jusqu'au bout, et sans relâche, pour défendre la dignité de la femme et pour faire entendre leur «discours» qui a eu du mal à passer durant les premières élections, faute de moyens et de disponibilité d'esprits réceptifs parmi la majorité des Tunisiens. Le chemin vers la démocratie est encore long, parsemé d'embûches et de difficultés et la femme tunisienne doit faire ses preuves dans sa lutte pour la dignité et l'égalité. Bonne nouvelle, les femmes militantes sont toujours là, pour répondre «oui» à la Tunisie.