Il savait qu'un jour viendra où l'on dira, « c'était un grand artiste ». Ce n'est pas parce qu'il se prenait pour le nombril du monde, mais parce que c'est comme ça depuis la nuit des temps : l'artiste doit parfois mourir pour que son oeuvre soit enfin reconnue. D'ailleurs, Hamadi Lajimi aimait chanter «fanan el ghalba ». Ce poème, en arabe dialectal, écrit par feu Douagi et qu'il a lui-même composé, disait à propos de l'artiste désespéré: «Il a vécu toute sa vie espérant un raisin, lorsqu'il est mort, on lui en a offert une grappe ». Sauf que Hamadi, parti à jamais un certain mois de juin 1995, n'espérait rien du tout. Après des études au Conservatoire de musique, il a tout de suite fait son choix : chanter autrement. Un choix qu'il avait apparemment assumé. D'ailleurs, à l'époque, il n'était pas seul. Tout le monde artistique faisait preuve d'une grande créativité. Aux années 70-80, tout se construisait autour d'un art alternatif. Et Lajimi faisait partie de ceux qui ont fait l'âge d'or de la chanson dite « engagée». Mais où sont passées ses chansons douces et amères qui disaient haut ce que d'autres pensaient tout bas à une époque où le dictateur devenait presque fou et où l'avenir du pays était on ne peut plus flou ? Hamadi répétait quotidiennement sa musique. Il aimait transcender ses propres compositions, en organisant des « duels » d'instruments. Les cordes de son luth et celles du violon du virtuose Wannas Khligène résonnent encore dans les longs couloirs de la cave de la maison de la culture Ibn-Rachiq. Ainsi il donnait plus de sens à «Kalimat», un poème de M'naouar S'madah. Et «Nouga nouga», cette chanson portrait d'un vendeur de douceurs ambulant? Où sont passées toutes ses chansons ? Qui en a les enregistrements ? L'on oublie des titres, car la censure a tout emporté, même les souvenirs... C'est justement pour ne plus rien oublier et pour offrir une plateforme aux jeunes artistes d'aujourd'hui que les amis de Hamadi Lajimi ont créé ce festival, celui de la musique alternative, qui a lieu du 3 au 5 de ce mois à la MC Ibn-Rachiq. Au programme de cette édition Zéro, il y a des concerts, des ateliers et des témoignages. Jeudi dernier, on a rendu hommage à Habib Belaïd, le cèlèbre animateur à RTCI (Radio Tunis, chaîne Internationale) qui, tout au long de sa carrière, s'est donné pour principale mission de faire découvrir à ses auditeurs, la chanson alternative. Ce dernier a par la suite cédé le micro à Hachemi Ben Frej qui a promu ce genre de musique et de chanson par l'édition et surtout pour avoir importé, et pour la première fois, du Cheikh Imam, le modèle de tous en matière de chansons engagées. Puis, c'était au tour de Mohamed Masmouli de parler de son passage en tant que directeur de la MC Ibn-Rachiq, et de sa rencontre avec Hamadi Lajimi. La manifestation se déroule en présence d'un bon nombre de spectateurs, jeunes et moins jeunes. Voici le programme d'aujourd'hui, samedi 5 mai : De 10h00 à 15h30 : Ateliers A partir de 16h00 : Concerts de musique avec : Loubna Nômane, groupe «Massar», Jamel Guella, club des Funs de Cheikh Imam et le groupe « Imazighan ».