Comment organiser le paysage médiatique dans des pays en phase de transition comme le nôtre ? Je crois que pour toutes les sociétés en transition c'est extrêmement important d'avoir une presse libre qui peut servir la nation et le peuple dans un débat interne indispensable pour trouver cet équilibre et trouver l'identité nationale qui change avec les bouleversements sociaux. Le rôle de la presse est essentiel en tant que facilitateur de ce débat national populaire, en tant que lieu d'échange de vues et en tant que place de formation de ce consensus national. C'est pour cela que c'est très important d'assurer cette liberté de presse pendant la transition. Il y a la question de l'éthique journalistique qui est plus facilement transgressée dans les situations de transition. Comment peut-elle être gérée par la profession elle-même ? Moi je dirai que la presse ou n'importe quel média doit être tout d'abord hautement professionnel, presque ce professionnalisme des médias est garant de l'attitude éthique vis-à-vis de la profession et vis-à-vis du comportement journalistique. Professionnalisme et éthique vont ensemble. C'est pour cela que c'est important pour les journalistes d'être informés et d'être formés en continu, de ne pas penser tout savoir et de ne pas se prendre pour les maîtres du monde. Les conditions changent, la technologie change, et aujourd'hui avec le boum de l'internet et l'accès à l'information qui n'existait pas auparavant, les méthodes journalistiques également ont changé, donc il ne faut pas prendre à la légère tout ce qu'on peut prendre sur Internet, il faut appliquer les principes professionnels pour vérifier l'information. Ce qui est l'abc pour chaque journaliste. C'est pourquoi, j'insiste sur le fait que le professionnalisme du journaliste doit être maintenu à un niveau très élevé. Il y a l'apparition de la presse de caniveau et les dérives qui vont avec, les chantages, les règlements de comptes personnels et politiques. Comment se protéger contre cela ? Par le professionnalisme journalistique, c'est le seul moyen de combattre ce genre de journaux. Il faut travailler sur la formation des journalistes, sur la formation des éditeurs, mettre en lumière les schémas d'appartenance de chaque station de radio, de chaque journal. Le public doit savoir qui est propriétaire, qui est derrière, c'est le lecteur qui va déterminer s'il souhaite acheter ce journal ou pas. Les gouvernants ont tendance à dire, surtout dans les pays en transition, que les médias doivent donner une bonne image du pays, pour lui faire de la publicité. Est-ce qu'on doit le faire au détriment de la vérité qui existe sur le terrain ? Le message doit être très équilibré, parce qu'il y a un proverbe que j'aime bien, le mensonge a les pieds très courts, on ne peut pas aller très loin en usant de mensonges, c'est pour cela qu'il faut dire toute la vérité sur la situation dans le pays mais il ne faut pas non plus tomber dans un autre piège, celui de dire que tout est mauvais. Ce n'est certainement pas le cas, moi j'ai eu la chance de voir la Tunisie en 2005 pendant le sommet mondial des sociétés de l'information. Aujourd'hui la Tunisie est complètement différente, il y a des avancées il faut le dire, l'admettre et féliciter le peuple tunisien pour ces avancées. Maintenant oui il y a des problèmes, chaque pays a ses problèmes, il faut donner une image du pays tel qu'il est avec la beauté, avec les problèmes, et avec les solutions. Le journaliste aussi participe dans ces débats, le journaliste n'est pas seulement quelqu'un qui dit que tout va mal. C'est aussi quelqu'un qui peut proposer des solutions et animer ces débats internes. En quoi est-ce un mal de voir les médias publics contrôlés par le gouvernement ? Les médias publics s'ils sont contrôlés par le gouvernement deviennent un média gouvernemental. La différence est très simple, les médias publics servent l'intérêt public, de toutes les sociétés, ils reflètent l'opinion publique qui existe dans les sociétés, pas seulement celle du gouvernement. C'est la grande différence. * (Sous-directeur général pour la communication et l'information de l'Unesco, M. Jânis Kârklins est la cheville ouvrière de cette rencontre en Tunisie)