De notre envoyé spécial à Alger Mongi GHARBI Le rideau est tombé hier soir à vingt heures sur l'élection des représentants du peuple algérien au sein de l'Assemblée nationale populaire (APN). Conformément aux prévisions de la plupart des acteurs et observateurs intéressés par les élections algériennes du 10 mai, le taux de participation ne dépasserait pas la barre des 45%. Celui-ci était estimé à 5,11% officiellement contre un peu plus de 15% vers quatorze heures. A l'occasion des dernières législatives de 2007, 37% des électeurs se sont rendus aux urnes. Certes, ce taux de participation est jugé acceptable par la plupart des protagonistes engagés dans la compétition et certains s'attendaient même au pire. Visiblement, Ankar Tahir, ingénieur de son état, la quarantaine, n'est pas de cet avis. Il explique en effet que ce taux global appelle des nuances : «En soi, ce taux, s'il venait à être confirmé, ne me parle pas. Il faudra que les organisateurs nous disent exactement combien de jeunes par exemple se sont rendus aux urnes », rétorque cet adepte convaincu de l'abstentionnisme. «J'ai choisi de ne pas prendre part à ce scrutin parce que j'ai l'impression qu'il ne contribuera à aucun changement. Beaucoup de candidats sont entrés dans la course électorale quelques semaines seulement avant le démarrage de la campagne. Certains parmi eux sont d'illustres inconnus. D'autres considérations les amènent vers le champ politique», assène encore Tahir. Rencontrée dans une boutique de téléphonie mobile, Myriam, étudiante, s'est acquittée de son devoir électoral aux premières heures de la journée. « Ceux qui disent que les élections passent mais que les problèmes restent ne mesurent pas assez la conséquence de leur raisonnement. Chacun est tenu d'agir en citoyen et s'impliquer dans le changement. Les absents ont toujours tort. » Il est onze heures. Le quartier général du Mouvement pour la société et la paix (MSP), au cœur du quartier huppé d'El Mouradia, ressemble à une ruche d'abeilles où se mêlent militants, journalistes et cadres du parti. L'enjeu est de taille pour cette formation d'obédience islamiste affiliée aux «ikhouanes » et allié électoral avec deux autres mouvements Ennahda (La Renaissance) et Al Islah (La Réforme). La coalition tripartite baptisée Alliance de l'Algérie verte voit grand et table sur une bonne place au podium. Aboudjerra Soltani, principal animateur de cette Troïka islamiste, n'est pas mécontent du déroulé des élections : «Certes, le niveau de participation sera timide. L'essentiel pour nous c'est la probité du scrutin que nous souhaitons très proche des standards internationaux ». « Nous sommes convaincus d'être dans le tiercé gagnant et nous avons d'ores et déjà entamé les concertations pour la formation du futur gouvernement », débite Soltani dont la formation est représentée dans le gouvernement actuel. A son futur agenda exécutif, l'homme égrène cinq priorités: la révision de la Constitution dans le sens d'un régime à dominante parlementaire, le développement et la croissance économique, la promotion des ressources humaines et du capital immatériel de son pays, la distribution équitable des richesses et une diplomatie active mais plus pragmatique. A la question de savoir si ces élections n'arrivent pas à point nommé pour se prémunir contre une éventuelle onde de choc du Printemps arabe, il s'empresse de répondre : «Notre printemps se fera dans l'urne ! Nous devons réconcilier le citoyen avec les élections. » Un peu plus loin, les militants du Front des forces socialistes (FFS) de Ait Ahmed, une figure emblématique de l'histoire de libération de l'Algérie, reçoivent un groupe de journalistes en provenance de plusieurs pays. Le premier secrétaire général du mouvement doit donner incessamment une conférence de presse. Une vive discussion s'engage alors dans la salle de réunion entre les militants, les cadres du parti et leurs hôtes. Kridi Hakim, candidat à Alger, s'emballe dès que quelqu'un évoque le lien organique entre le FFS et la cause kabyle ou berbère : «C'est faux, dément-il non sans véhémence. Notre parti s'est représenté dans 42 wilayas sur 48. Et Si Ahmed est une figure nationale et non locale. En fait, nous sommes présents partout, même en Kabylie. » Interrogé sur les raisons qui ont poussé le FFS à prendre part au scrutin de 2012 alors qu'il avait boycotté celui de 2007, le candidat égrène une réponse toute faite : «Notre participation est tactique. Nous voulons prendre au mot le pouvoir qui promet des élections transparentes et démocratiques. On verra ! » Au bout d'une bonne heure de palabre, on annonce aux journalistes que le point de presse est annulé et qu'il fallait se contenter d'un communiqué au ton plutôt critique. Le FFS y «dénonce la désorganisation inacceptable observée au niveau de nombreux centres et bureaux de vote». En outre, il signale « d'importantes entraves à l'exercice du droit de vote de nombreux citoyens et citoyennes à travers le territoire national», citant des cas de dépassements dans diverses régions.