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Chronique d'une défaite annoncée
Lettre ouverte aux démocrates de mon pays
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 05 - 2012


Par Emna MNIF*
Où en est-on, plus de six mois après des élections de l'Assemblée nationale constituante, plus de quatre mois après la formation du gouvernement et après l'adoption du budget complémentaire de l'Etat avec plus d'un mois de retard ?
Nous ne saurions énumérer les lacunes, les failles, les erreurs, les dépassements et les dérives, ni les raisons de la grogne populaire au bord de l'explosion dans certaines régions. Nous ne saurions relater toutes les restrictions et les atteintes aux libertés, ni tous les actes de violence impunis pour certains, implicitement encouragés pour d'autres, ou encore tus, révélant tantôt la complicité, tantôt l'impuissance du pouvoir qui veille aux destinées du pays et de son peuple. Nous ne saurions détailler toutes les tentatives de mainmise sur les rouages de l'Etat et de déstructuration de ses institutions... Pour qui en doute encore, il y a péril en la demeure.
Où sont les forces démocratiques progressistes qui avaient clamé haut et fort que leur échec lors des élections du 23 octobre n'était imputable qu'à la dispersion des voix, qui se sont appuyées sur toutes les opérations arithmétiques pour démontrer qu'elles représentaient la vraie majorité et qui ont promis l'union pour le salut de notre Tunisie ? Absentes et désunies...
Il est plus que temps que nous assumions tous nos responsabilités vis-à-vis de notre peuple et de tous ceux qui ont payé le prix de notre libération. J'interpelle les démocrates de mon pays en tant que citoyenne, juste une femme tunisienne qui regarde avec circonspection et inquiétude l'avenir d'un peuple et d'une patrie auxquels son attachement est inconditionnel. Une femme qui, avant le 14 janvier, sans avoir jamais cherché la gloire d'une résistance clamée, s'est inscrite dans une opposition de tous les jours, sans se dévoyer ni accepter les compromis assortis de compromission. Une femme qui s'est engagée sans compter dans l'effort d'édification de la Tunisie de la deuxième République et que les démocrates autoproclamés ont déçue. Une femme mue par l'ambition de vivre dans une Tunisie apaisée, juste, équitable, capable d'accueillir tous ses enfants... Bref, une Tunisie République des citoyens et non pas République des croyants, car les croyants sont tous citoyens, et que les citoyens enrichissent la République par leur diversité et leurs différences.
Je suis aujourd'hui la voix de Turkia, qui, du fin fond d'un village près de Jerissa n'a qu'un mètre carré pour se réfugier des infiltrations d'eau qui inondent son taudis et dont le mari handicapé se donne l'illusion de se réchauffer les mains devant un kanoun éteint. La voix de Mongi qui, originaire de Omlaarayes, a interrompu ses études supérieures pour nourrir sa famille lorsqu'il a cru avoir été admis au concours de la CPG et dont le nom a été supprimé de la seconde liste. La voix de Mabrouka qui, à Douar El Gouasmia à Thala, espère manger à sa faim et s'éclairer à l'électricité pendant que sa cheminée artisanale crache la fumée dans la seule pièce qui abrite sa tribu de sourds-muets. La voix de Hadda qui se bat contre son cancer, frappée en plus d'une hémiplégie, qui peine à nourrir sa famille après que son fils ait perdu son atelier de menuiserie, brûlé après le 14 janvier, et qui accompagne sa fille à la faculté des Lettres de La Manouba juste pour la faire bénéficier du transport gratuit au titre d'accompagnatrice d'une handicapée faute de pouvoir lui payer le transport, alors que son autre fille prépare son baccalauréat, le ventre vide, à la lumière d'une bougie faute d'avoir pu payer la facture d'électricité ; Hadda la veuve, entassée avec ses enfants dans une pièce unique où elle fait bouillir des pâtes au sel pour apaiser la faim qui les ronge dans un quartier populaire, pas loin des résidences luxueuses du golfe de Gammarth. La voix de Badreddine instruit et cultivé qui, à Tozeur, se débat contre l'indigence pour propager la culture et la tolérance. La voix de Abdelkader et de ses amis qui, de Sidi Thabet, veulent vaincre la fatalité qui paralyse la jeunesse, par l'esprit d'entrepreneuriat, le sport, l'art et la culture... La voix de ces pensionnaires d'un collège à Sejenane sans eau courante, sans sanitaires, sans bibliothèque, aux salles humides. La voix de Zohra qui, à Tataouine, a rangé son diplôme d'anglais pour suivre une formation en élevage de lapins afin de retrouver sa dignité par le travail et montrer aux jeunes de sa ville qu'il n'y a pas de fatalité, mais qui ne peut pas financer son projet... La voix de ces jeunes, par milliers, de tous les villages, du nord au sud et d'est en ouest, alignés sur les trottoirs de la seule rue qui les traverse, à compter les voitures qui passent sans s'arrêter, les yeux vides, les bras ballants, sans perspectives, sans rêves et sans espoir... La voix de ces jeunes, par milliers, animés d'une flamme créative mais aux horizons fermés et aux voies sans issue... La voix de Mahbouba, Belgacem, Ali, Sami, Latifa, Saïda et tous les autres qui se lèvent aux aurores pour être à 7h à l'hôpital, faire une queue sans fin, espérant un rendez-vous pour soulager une douleur, extraire une tumeur... vaincre la souffrance et la maladie d'un être cher, père, mère, époux, épouse, enfant ou simplement la leur, parfois dans la solitude, souvent dans le désarroi... et qui l'obtiennent aux calendes grecques.
Toutes ces voix du peuple, de notre peuple, nous appellent à leur secours. Elles ne doutent ni de leur appartenance, ni de leur identité. Elles ne craignent ni Occident ni Orient. Elles sont fières et dignes. Elles sont venues dans un élan spontané à bout d'un régime autoritaire, spoliateur et injuste pour construire leur avenir, un avenir meilleur pour elles et pour les générations futures.
Que leur ont offert les politiques en retour ? Par leur révolte, elles ont chassé l'autoritarisme aveugle. Or ils risquent de leur instaurer un totalitarisme impitoyable dont nous voyons tous les jours les prémices. Elles ont mis à terre un système sans vision et sans projet, ils se cantonnent dans la critique d'un gouvernement en faillite sans offrir une alternative crédible, sans développer une vision ni élaborer un projet porteur de promesses et d'espoirs. Et s'il y en avait, on se garde bien de les révéler.
La société civile se démène avec des moyens limités mais avec une volonté de fer, une détermination inébranlable et une générosité sans limites. Elle s'essouffle, sans vouloir se l'avouer, face à un vide politique abyssal, charriant incertitudes, doutes et querelles...
Et la classe politique ? Les démocrates ressemblent à des gladiateurs dans l'arène. Ils s'invectivent, se déchirent, s'entretuent... L'annonce d'un rassemblenment enfante des ruptures. Les partis «démocrates» de la Troïka se désagrègent, la liste des partis s'allonge et leurs promesses s'égrènent, toujours les mêmes, et pourtant sans doctrine ni programme, ni stratégie... Ils emplissent les salons et les salles de réunion, théorisent et dissertent... Où sont-ils dans les villes, villages et quartiers?... Que font-ils de l'impérieuse nécessité de proximité qui crée l'identité des militants, la conviction des sympathisants et l'adhésion des électeurs ?
Nos adversaires s'en chargent en se détournant de nos gesticulations sans conséquences.
Pendant ce temps, nous continuons à ramer dans la même galère, secoués par la houle et les lames de fond des mutations sociétales — portées par une doctrine instillée sournoisement, étrangère à notre histoire, à notre culture, à notre tempérament, en désaccord avec notre islamité — des crises sociales et économiques, du désert culturel que certains encouragent au prétexte du sacré alors que d'autres tentent de combler par l'endoctrinement extrémiste aveugle, du désœuvrement de la jeunesse frappée par la crise économique et ses corollaires chômage et pauvreté, des inégalités dans l'accès à la santé, au logement et à l'éducation, à la réduction du pouvoir d'achat qui aggrave le désarroi des plus pauvres et appauvrit la classe moyenne menacée d'extinction.
Toute la classe politique autoproclamée démocrate progressiste sera soumise à un jugement sans appel de la postérité si elle n'est pas capable de faire face aux enjeux du moment : un support doctrinal aux orientations claires et aux lignes rouges bien tracées, une vision et un projet capable de prendre à bras le-corps les vrais maux de notre pays en privilégiant les urgences et en imaginant un nouveau modèle de développement économique et social, compte tenu des limites des systèmes éprouvés jusqu'à ce jour. Et surtout élever l'intérêt suprême de la patrie au-dessus de toutes les considérations, les ambitions et les conflits et clivages.
Tous semblent oublier que nos adversaires connaissent aussi des divergences idéologiques et portent ambitions et égos. Cependant, un dessein les rassemble au-delà de toutes les dissensions. Et les ambitions sont ignorées et les égos ravalés, au moins pour un temps.
Etrangement, les démocrates, qu'un dessein rassemble et dont les orientations socioéconomiques, même si elles divergent, peuvent faire l'objet d'un consensus de circonstance pour des élections qui seront les premières de la deuxième République, sont incapables de ravaler leurs égos, de renoncer à des ambitions qu'ils peuvent différer, ont le plus grand mal à faire des concessions au nom de l'intérêt général et continuent à penser, chacun dans sa bulle, détenir vérité et puissance.
L'enjeu des enjeux est pourtant de savoir quelle République nous voulons, quelles réformes structurelles nous souhaitons, quelles solutions socioéconomiques nous préconisons pour la prochaine législature, imminente? Nous avons martelé l'impératif de limiter le mandat de l'ANC, nous avons réclamé haut et fort une date pour les prochaines élections. Maintenant c'est fait, et après ?... Plus que dix mois nous séparent, théoriquement, de la prochaine législature. La désorganisation et le flou total planent sur les identités politiques dont une partie au moins de notre peuple attend son salut et une sorte de désespérance gagne les plus patients et les plus indulgents.
Pour tout ce qui précède, une évidence apparaît : le pays a besoin, de toute urgence, d'une union sacrée des forces démocratiques pour faire face aux périls actuels et à venir, une alliance électorale de salut national qui devra réunir les leaders politiques et de la société civile, non pas pour débattre de la répartition des responsabilités et du quota de chacun, mais pour élaborer LE PROJET. Il ne s'agit nullement d'une plateforme de rassemblement autour de valeurs minimales communes. Il s'agit d'un vrai projet pour un Etat à bâtir et à gouverner.
C'est parce que l'ambition du pouvoir ne me hante pas que je m'autorise d'interpeller les démocrates de mon pays. J'en appelle à leur amour de la patrie, à leur fidélité à notre nation, aux martyrs de tous les combats et aux souffrances des victimes de la résistance et de leurs familles pour qu'enfin la raison l'emporte.
On aime ce pays, on aime ses fragrances à l'étourdissement, ses odeurs, sa brise et ses vents, sa fraîcheur humide et ses chaleurs torrides, ses côtes, ses plaines, ses vallées et ses montagnes. On aime ses coloris et ses nuances. On aime sa lumière et ses nuits étoilées. On aime son histoire et son présent, sa générosité mais aussi sa dureté ; les hommes, les femmes et les enfants qui l'habitent et font l'âme de notre ‘tunisianité'. On veut y vivre et y mourir, libres et dignes.
Depuis toujours, on a eu un rêve pour notre pays, on le porte encore... Ne faites pas en sorte que l'on soit réduit à pleurer notre rêve et notre pays perdus.
*(citoyenne militante)


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