Si Feryel Lakhdar devait être contée, elle le serait en termes de séduction et de grâce, d'imagination et de fantaisie, d'un éternel féminin toujours renouvelé. Sectaire, elle ne parle que de femmes et ne s'intéresse qu'à leur parcours, ni tout à fait le même, ni tout à fait autre. Au fil du temps —ce fil glissant sur elle sans dommages, ne laisse guère, chez elle, de traces—, elle se penche sur l'essence même de la féminité, tantôt sérieuse, tantôt ludique, explorant des voies nouvelles, sachant s'arrêter quand elles ne mènent à rien. Sa curiosité, toujours renouvelée pour le genre féminin, la conduit à toutes les expériences, et sans jamais se prendre au sérieux, elle mène sérieusement sa quête qui relève davantage de l'enquête. Qui sont les femmes de Feryel Lakhdar, celles qu'elle intronise au rang d'icones, puisqu'elles sont le seul sujet qui l'intéresse? Les femmes de ses débuts étaient des terriennes, mères en majesté, dont on découvrait les courbes généreuses avec une tendresse filiale. Puis sont venues les dames, femmes de la bonne société que l'on retrouvait dans les fêtes et cérémonies traditionnelles, celles des mariages et des thés comme elle les avait vues chez sa grand-mère à qui elle rendait un très joli hommage. Ensuite sont arrivées les lionnes de boulevard, séductrices invétérées, le décolleté plongeant et l'accroche-cœur provocant, odalisques alanguies, ou garçonnes audacieuses, belles, sensuelles, somptueuses de formes et de féminité. Enfin sont venues les passionarias, révolutionnaires qui remisent leur féminité le temps d'un combat, dont les formes se diluent dans le mouvement qui les anime, qui ne sont plus tout à fait les mêmes, et pourtant pas encore totalement autres. Toutes sont là, à la galerie de La Marsa. Toutes les femmes de Feryel, ces géantes débonnaires qui nous regardent du haut de leurs cadres, qui en sortent quelquefois, car Feryel s'essaie avec succès à la troisième dimension, et présente une jolie collection de sculptures de sobre résine blanche. Qui s'habillent de dentelle car Feryel s'amuse à expérimenter des collages de textiles. Qui se souviennent qu'il faut savoir être sobre, car Feryel décline, pour cette exposition, un bel ensemble de dessins Et qui investissent, de leurs sourires, de leurs chuchotements, de leurs minauderies, de leurs mystères, une galerie dont il faut signaler le superbe déploiement de l'espace, et dont les cimaises ont pratiquement été doublées.