«Et même les plantes. Vous les croyez méditerranéennes. Or, à l'exception de l'olivier, de la vigne et du blé —des autochtones très tôt en place— elles sont presque toutes nées loin de la mer», écrivait Braudel dans La Méditerranée (Flammarion 1985). C'est probablement à cause de cet ancrage millénaire de l'olivier sur la terre entourant mare nostrum qu'un colloque a été organisé à Sousse du 6 au 10 février 2007 par le Laboratoire de recherche «Régions et ressources patrimoniales en Tunisie» de la Faculté des lettres, des arts et des humanités de La Manouba. Quatre-vingt-dix chercheurs de divers pays et de différentes disciplines (historiens, archéologues, anthropologues, sociologues, géographes, généticiens, agronomes...) y avaient discuté de problématiques originales telles que la datation et l'évolution de l'oléiculture, la diversité génétique de l'olivier du bassin méditerranéen, échanges et fiscalité, représentations et iconographie de l'olivier... Les actes de ce colloque ont été recueillis dans un ouvrage collectif L'olivier en Méditerranée. Entre histoire et patrimoine, publié en deux volumes, récemment édités par la Faculté des lettres, des arts et des humanités de La Manouba (Centre de publication universitaire). Il sera présenté cet après-midi à partir de 17h00 à l'hôtel Africa, à Tunis. Samira Sehili, spécialiste de l'histoire ancienne et de l'archéologie romaine, qui a coordonné avec Sadok Ben Baâziz L'olivier en Méditerranée, affirme, d'après toutes les sources disponibles, de l'époque punique à la période médiévale et surtout d'après les vestiges des huileries, qui jalonnent toute la Tunisie et dont les plus anciennes, incrustées dans la roche au Cap Bon, remontent à la protohistoire (évènement qui précède l'histoire et antérieur à l'apparition de l'écriture), que cet arbre a depuis les origines fait partie de la flore locale. Sauvage et rustique au départ, il a été domestiqué au fil du temps. Les Phéniciens ont probablement développé les procédés de l'oléiculture. Les Romains, eux, grâce à des avantages juridiques et fiscaux, ont étendu la culture de cet arbre, que protégeait le dieu Mercure, à tout le pays. Les Romains en faisant des rameaux d'oliviers, symbole de prospérité et de fortune, un thème récurrent de la mosaïque, ont également beaucoup fait évoluer les techniques de l'oléiculture. Le troisième siècle signe le boom oléicole en Tunisie. Toutes les catégories de l'huile tunisienne (alimentaire, médicinale, à usage d'éclairage), l'or couleur soleil de l'époque, s'exportait à travers de grosses jarres en terre vers l'Italie, l'Espagne et d'autres contrées encore. Avec l'islamisation du pays, l'olivier a quelque peu perdu de son omniprésence, il est cependant resté l'arbre nourricier des populations rurales et urbaines. Et l'olfaction a longtemps gardé les mêmes procédés de broyage, de pressage et de décantation que ceux utilisés par les Phéniciens et les Romains. Même si une chronologisation de l'olivier et une datation précise des huileries tunisiennes font malheureusement défaut dans l'ouvrage, un travail à élaborer en partenariat avec l'Institut national du patrimoine pour arriver à un degré de précision historique nécessaire à l'avancée de la recherche sur ce thème, L'Olivier en Méditerranée se présente comme une synthèse de l'état de la recherche sur cet arbre. Un arbre qui, selon l'expression de Abdelhamid Larguèche, directeur du Laboratoire Régions et ressources patrimoniales en Tunisie, «plonge ses racines au profond de la terre et au fond des âmes, il crée le lieu et sa culture». L'olivier en Méditerranée. Entre histoire et patrimoine. Ouvrage collectif en deux volumes coordonné par Samira Sehili et Sadok Ben Baâziz. Centre de publication universitaire, 2012. Prix : 45 DT.