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La langue tunisienne d'hier et d'aujourd'hui (2e partie)
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 07 - 2011


Par Rafik BEN HASSINE *
La civilisation punique reste globalement mal connue du grand public. Elle appartient à la protohistoire, c'est-à-dire que les sources littéraires propres sont rares ou proviennent d'autres peuples en situation de concurrence culturelle (les grecs, puis les latins, puis les byzantins. Les sources arabes ne mentionnent déjà plus les puniques). Nous pourrions résumer l'épopée punique à travers l'histoire de trois villes : Ougarit, Tyr et Carthage.
Ougarit, en Syrie, représente la genèse d'une civilisation de la mer. C'est la création de l'alphabet. Ougarit ne nous laissera que des stèles, des épitaphes, quelques textes administratifs ou des allusions par des auteurs de langue étrangère.
Tyr, ce fut la première navigation d'est en ouest, le secret de l'étoile polaire, les terres inconnues et les rencontres. Tyr est la mère patrie des colonies occidentales de la Méditerranée: Gades (Cadix en Espagne), Utique, Leptis (Libye) et Carthage.
Carthage, s'étant politiquement affranchie de sa métropole phénicienne Tyr, a peu à peu agrandi ses territoires et étendu considérablement son emprise en Afrique, mais aussi sur de grandes îles méditerranéennes (Malte, Sicile, Sardaigne, Baléares) et jusqu'en Espagne. Elle a développé et répandu une civilisation originale et riche, la civilisation punique, dont le rayonnement a survécu longtemps à la prise et à la destruction de Carthage par les Romains en 146 av. J.-C. Divers témoignages, surtout extérieurs, confirment que les Puniques avaient élaboré une riche littérature : annales, chroniques, ouvrages de droit, d'histoire, de géographie, d'agronomie, textes religieux, poèmes mythologiques, etc. On sait, en effet, par les écrivains grecs et latins, que Carthage avait constitué d'immenses bibliothèques, dont la plupart ont disparu lors de la destruction de la cité. De toute cette littérature, les quelque 7 000 inscriptions puniques connues ne nous ont conservé que d'infimes vestiges : il s'agit avant tout d'inscriptions votives et, à un moindre degré, funéraires, mais on possède aussi de longs tarifs sacrificiels, des textes commémoratifs, etc. Cependant, des spécimens de textes proprement littéraires sont connus en transcription latine (ainsi dans le Poenulus de Plaute) et en traduction, ou adaptation, grecque et latine, comme c'est le cas du Serment d'Hannibal, transmis par Polybe (traité entre Hannibal et Philippe V de Macédoine, rédigé en punique et traduit en grec par Polybe), du célèbre Périple d'Hannon (l'intérêt de ce texte punique, rédigé en caractères latins vocalisés, un peu comme nos jeunes internautes écrivent du tunisien en caractères latins, est qu'il permet une meilleure connaissance de la langue punique) ou du Traité d'agriculture de Magon (rédigé vraisemblablement en punique, puis traduit en grec et en latin, dont une version par Pline l'ancien), non dépourvu de qualités littéraires.
L'implantation phénicienne à Carthage a aussi pour conséquence l'intégration permanente du Maghreb dans l'espace méditerranéen. Il semble que l'arrivée des phéniciens se fît dans un contexte paisible, sur un territoire où la densité de peuplement était faible. Il faut imaginer une terre où la compétition pour l'espace n'est pas encore la base du comportement culturel. Le phénicien est un étranger innovant, porteur de richesse. Plus que toléré, il a peut-être été le bienvenu. La preuve en est l'implantation durable et pacifique de petits groupes de phéniciens puis leur métissage rapide. Les échanges s'intensifient et la région reçoit des techniques parmi les plus avancées de l'époque. On a souvent évoqué le pragmatisme des phéniciens et leur porosité aux diverses influences. En l'occurrence le métissage sera de règle. A défaut d'avoir été des envahisseurs, on peut attribuer aux phéniciens sémites la qualité de cofondateurs de l'identité du Maghreb paléo-historique.
A la chute de Carthage, le cordon ombilical culturel avec les origines phéniciennes est coupé. Pourtant, le parler punique se maintient sous les dynasties berbères et sous l'empire romain. Il servira de lingua franca méditerranéenne. Au sein même du Maghreb, les bilinguismes punique/latin et punique/berbère se maintiennent, avec le punique comme moyen de communication entre les citadins et les paysans. Jusqu'au quatrième siècle au moins, nous avons la preuve d'une langue punique avec un arrière-pays qui ne comprend pas toujours le latin, dixit Saint Augustin. Augustin d'Hippone, ou Saint Augustin, né à Thagaste (actuelle Souk-Ahras) en 354 et mort en 430, a surtout vécu et écrit à Carthage, la capitale. Ecrivain, grand philosophe et théologien, il est l'un des quatre Pères de l'Eglise latine et l'un des 33 docteurs de l'Eglise. Plus d'un milliard de catholiques du monde entier le fêtent le 28 août de chaque année. Avec Ibn Khaldoun, Saint Augustin est l'un des plus grands génies de la civilisation tunisienne et maghrébine. L'archéologie corrobore maintenant les propos d'Augustin, les fameuses stèles de Gafsa datent de la même époque (400 après J.C.) : ce sont les derniers écrits natifs puniques, "Abdushaman avo sanat 30": "Abduchaman a vécu trente années." On reconnaît clairement deux mots puniques abdu (esclave, créature, comme dans Abdurrahmane) et sana (année), qui sont les mêmes qu'en arabe. La conclusion de ce paragraphe se trouve peut-être dans cette phrase du géographe arabe Al Bakri au 11e siècle‑: "Les habitants de Sirte parlent une espèce de jargon qui n´est ni arabe, ni persan, ni berbère, ni copte; personne ne peut les comprendre, excepté eux-mêmes". C'était tout simplement du punique, qu'El Bakri ne connaissait pas.
La langue punique
Le phénicien, ou punique, est une langue sémitique similaire à l'arabe et à l'hébreu.
Les langues sémitiques sont un groupe de langues parlées dès l'Antiquité au Moyen-Orient, au Proche-Orient et en Afrique du Nord. Les langues sémitiques contemporaines les plus parlées sont l'arabe (plus de 450 millions de locuteurs), l'amharique (27 millions), l'hébreu (8 millions), le tigrinya (6,75 millions), le maltais (400 000). Les langues sémitiques se caractérisent, entre autres, par la prédominance de racines trilitères (exemple en arabe, de la racine trilitère KTB (écrire), dérivent Kitab, Maktabah, Kouttab, …) et par l'usage de consonnes laryngales, gutturales et emphatiques.
Le punique s'écrit de droite à gauche, au moyen de l'alphabet phénicien. Ce dernier a donné naissance à tous les alphabets du monde, y compris l'alphabet arabe. L'alphabet phénicien, vers l'an 1000 av. J.-C. (sarcophage d'Ahiram à Byblos), comporte 22 lettres. Système phonétique, simple et démocratique, il ne note que les consonnes ; il est fondé sur le principe de l'acrophonie, qui se sert, pour noter les sons consonantiques, de la représentation simplifiée d'un objet dont le nom commençait par ce son. Ainsi, pour noter /b/, on utilise le signe symbolisant la maison, qui se dit beit, et l'on décide par convention que toutes les fois que l'on rencontrera ce signe, il ne s'agira pas de « maison », mais seulement du premier son de ce mot.
Ce système alphabétique, avec 22 signes abstraits, codifiés, permet théoriquement de noter n'importe quelle langue. Sa maîtrise requiert un apprentissage facile et rapide, qui n'a aucune commune mesure, par exemple, avec celui de l'écriture chinoise et de ses 50000 signes. On peut y voir le début d'un processus de démocratisation et un facteur de dynamisme social, en effet «on ne trouve pas dans les sociétés utilisant l'écriture alphabétique l'équivalent des scribes égyptiens ou des mandarins chinois, avec les pesanteurs et l'inertie que ces groupes ont souvent perpétuées.» (Françoise Briquel-Chatonnet). L'invention de l'alphabet est l'une des inventions majeures de l'humanité. Nous pouvons être fiers, à juste titre, de nos ancêtres phénico-puniques.
Nous donnons ici la liste des noms des lettres de l'alphabet punique, ainsi que leur signification (lorsqu'elle est connue). On remarquera que plusieurs significations sont identiques en arabe; ce qui montre une même filiation linguistique, le sémitique.
alef, bœuf/beth, maison/gimel, chameau/daleth, porte/he, battant/waw, hameçon/zayin, arme/heth, mur/teth, roue/yodh, main/kaph, paume/lamedh, bâton/mem, eau/non, serpent/samekh, poisson/ayin, œil/pe, bouche/sade, papyrus/qoph, singe/res, tête/sin, dent/taw, marque/.
Lien entre le maghribi et le punique
Notons d'abord que l'alphabet arabe est apparu 2000 ans environ après l'alphabet punique. Compte tenu de l'antériorité de la langue punique par rapport à la langue arabe, les mots communs aux deux langues, et qui se retrouvent dans le maghribi, sont donc d'origine punique (principe d'antériorité). Notre hypothèse consiste donc à appréhender le maghribi comme un descendant direct du punique. C'est la thèse soutenue par le linguiste algérien Abdou Elimam, professeur à l'Enset d'Oran. Cette approche audacieuse nous semble plausible. Nous allons en fournir quelques preuves.


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