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«La femme-orchestre»
L'entretien du lundi : Sonia Chamkhi (cinéaste)
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 06 - 2012

Ceux qui la connaissent, même de près, ont du mal à la définir ou à la cantonner dans une seule case. Journaliste, critique, auteure, enseignante universitaire, peintre sur les bords, elle est tout cela à la fois. Mais ce qui est sûr, c'est que Sonia Chamkhi est surtout une femme de cinéma, elle le dispense, l'écrit, le fabrique et le défend.
Et quand elle en parle, elle le fait avec passion.
Entretien.
Vous avez une multitude de casquettes; comment vous présenteriez-vous, aujourd'hui?
Longtemps, je ne savais pas comment le faire (rires), mais j'ai lu une présentation qui m'a plu. C'est celle écrite dans un article par le critique Naceur Sardi qui me voit comme une femme-orchestre qui semble ne jamais vouloir être cantonnée dans un seul domaine artistique. Il pense que je suis enseignante universitaire par vocation pédagogique et pour assurer un revenu constant, car l'art ne nourrit pas son homme (ni sa femme) en Tunisie, journaliste par penchant de jeunesse, peintre à mes heures perdues, critique par excitation analytique, scénariste et écrivaine par excellence et réalisatrice de films par passion... Pour lui, j'allie en quelque sorte le créatif et le discursif.
De la théorie et de l'enseignement du cinéma, vous êtes passée à la pratique. Comment s'est fait le déclic?
Je ne suis pas passée de la théorie à la pratique, puisque l'enseignement que j'ai suivi est basé sur la pratique. J'ai d'abord eu une formation pratique en design image, conclue par le diplôme national en art et communication, ensuite une formation en réalisation vidéo et en écriture de scénario, également sanctionnée par un diplôme et j'ai, par ailleurs, entamé des stages en cinéma avec Mounir Baâziz sur des productions de feu Ahmed Bahaeddine Attia (paix à son âme), dès mes premières années d'études aux beaux-arts de Tunis. C'est donc le plus naturellement du monde que j'ai progressivement intégré le monde professionnel du cinéma tunisien. S'il y a malentendu, il vient probablement du fait que j'ai publié mon essai sur le cinéma tunisien (Cinéma Tunisien nouveau, parcours Autres), avant de me faire connaître comme scénariste et réalisatrice.
Après deux expériences avec la fiction, vous êtes passée au documentaire. Comment voyez-vous ce genre qui est devenu populaire en Tunisie?
C'est un genre qui se développe, notamment avec les jeunes diplômés des écoles d'audiovisuel et de multimédia et le passage à l'état de professionnels pour certains cinéastes amateurs. Et avec la révolution, plusieurs parmi eux se sont lancés dans l'expérience, prenant goût à travailler sur le réel. Il y a du bon et du moins bon dans ce cru, mais l'essentiel, c'est que, sur le long terme, on peut asseoir une vraie tradition. Reste que cela demeure tributaire de distributeurs courageux qui prendraient en charge la diffusion et la fidélisation du public tunisien.
Votre premier documentaire a porté sur l'art du «mezoued». Quel regard posez-vous sur ce genre musical populaire et comment l'avez-vous abordé?
J'ai voulu sortir des préjugés sur le «mezoued», car pour moi c'est un art ancestral dont les racines tiennent à la fois du sacré et du profane. C'est cette dualité que je voulais mettre en valeur. Il était fondamental, à mon sens, de donner la parole à ceux qui pratiquent cet art et non pas à ceux qui le jugent de l'extérieur, que ce soit d'un point de vue social ou scientifique. C'était une manière de montrer l'humanité de ces gens, leur capacité créative, eux qui vivent le «mezoued» dans la chair et qui n'en font pas seulement un art, mais un mode d'existence dans une société qui les rejette, bien qu'ils expriment sa voix la plus profonde, la plus authentique.
Votre dernier opus est «Militantes». Comment avez-vous abordé la révolution tunisienne?
Après la révolution, il s'est passé une chose extraordinaire; pour la première fois, un grand nombre de femmes ont pu se présenter aux élections et être têtes de liste. J'ai placé cet évènement historique, non pas uniquement dans le contexte de la Tunisie postrévolutionnaire, mais dans la continuation de tout un mouvement d'émancipation progressiste dont les racines remontent à la période coloniale. D'où ma volonté d'élargir mon propos aux femmes militantes en général (pour les droits de l'Homme, contre la torture, pour la défense des libertés...) et non pas seulement aux candidates aux élections.
Je les ai suivies pendant leurs campagnes électorales et jusqu'après le scrutin du 23 octobre, afin de montrer leurs manières d'aborder la société et comment celle-ci les percevait. Je leur ai donné la parole pour qu'elles exposent le projet de société pour lequel elles militent et j'espérais que leur engagement et leur parcours puissent faire adhérer les Tunisiens à leur vision égalitaire et démocratique et qu'elles puissent servir d'exemples pour les jeunes, filles et garçons, pour qu'ils s'engagent à leur tour dans la vie politique du pays.
En tant que critique et professionnelle du cinéma, comment définissez-vous l'état actuel du 7e art tunisien?
Le cinéma tunisien, à l'instar de notre pays, est en phase transitionnelle : il est question d'un nouveau départ avec l'institution du Centre National du Cinéma et de l'Image (CNCI). Au jour d'aujourd'hui, ce projet est uniquement sur le papier : officiellement, le centre existe mais il tarde encore à fixer ses financements, ses responsables et les garanties de son fonctionnement et de sa pérennité. Entre-temps, de nombreux projets notamment de longs métrages ont eu l'accord ministériel de l'aide à la production; toutefois une loi, aujourd'hui totalement inadaptée et irréaliste, exige un complément de financement qui bloque quasiment la faisabilité de ces films. De quoi accouchera la montagne? Le flou demeure et le risque même du prolongement d'une crise déjà endémique n'est pas exclu à moins qu'une réelle volonté politique donne les preuves d'une mise à niveau complète de tous les maillons de la chaîne cinématographique : à savoir la production, la distribution et l'exploitation.
Peut-on parler d'un cinéma féministe ou féminin tunisien?
Les femmes cinéastes existent depuis les années 1970 et la génération des pionnières se prolonge par une autre nouvelle, faite de jeunes filles et femmes diplômées et passionnées. Je pense que ce cinéma de femmes a toujours une veine féministe, y compris aujourd'hui, même si les pionnières étaient visiblement plus engagées à soulever des problématiques liées au statut et aux droits des femmes, alors que les plus jeunes évoquent souvent des thématiques ouvertes sur d'autres préoccupations telles que l'enfance, les soucis de la création ou encore, plus récemment, la question de la démocratie et des choix idéologiques...
Vous êtes actuellement la présidente de l'Association tunisienne des réalisateurs de films. Quelles sont les actions que vous pensez nécessaires pour réformer le secteur?
Il est urgent que le Centre national du cinéma soit opérationnel et qu'il se saisisse de la mise en place d'une nouvelle plateforme économique et législative apte à redynamiser la production, à réimplanter le parc des salles de cinéma et à rendre l'investissement dans l'industrie du cinéma attractif pour les capitaux nationaux et étrangers. En amont de tout cela, l'enseignement du cinéma, la formation continue des techniciens, le respect des droits des acteurs et de la création cinématographique et l'impératif de la liberté d'expression et de création sont les conditions mêmes de la pratique cinématographique et de l'existence des films.
Parallèlement au cinéma, vous êtes aussi auteure et votre premier roman «Leïla ou la femme de l'aube» a reçu plusieurs prix littéraires. Comment voyez-vous le rapport entre la production littéraire et le cinéma en Tunisie?
Je dirais que ce rapport demeure timide, voire embryonnaire, en raison notamment de la précarité des deux champs, celui du cinéma et celui de la littérature.
Jusqu'à quel point le changement de l'environnement politique et social pourrait-il influencer la production culturelle et, essentiellement, cinématographique?
Cette influence sera à la mesure du changement lui-même, car la culture est un projet d'abord politique et social, avant qu'il ne soit le reflet des préoccupations des créateurs eux-mêmes. Cela est d'autant plus vrai pour le cinéma tunisien qui est encore une affaire de vision politique, en l'absence d'un marché qui pourrait le faire prendre en charge par l'investissement privé. Au jour d'aujourd'hui, l'Etat se doit de s'engager totalement dans la mise en place de structures viables pour le secteur, de le considérer comme un secteur non seulement culturel (qui participe donc activement à l'élaboration d'une société démocratique et moderne), mais également comme un secteur économique. Ce n'est qu'avec ce premier investissement de la part de l'Etat que nous pouvons espérer rassurer suffisamment les investisseurs pour prendre le relais sur l'investissement public.
En tant qu'enseignante dans le domaine des arts, quel avenir pressentez-vous pour la culture?
Vaste question! Nous formons des étudiants dans diverses disciplines. Nous espérons qu'ils trouveront des emplois, qu'ils pourront subvenir à leurs besoins et qu'ils pratiqueront leur art. Nous savons que la précarité des diplômés est encore plus tenace lorsqu'il s'agit du domaine artistique et nous sommes conscients de l'exiguïté du marché de l'art et de la culture, mais nous nous disons aussi que les nouvelles technologies donnent de nouvelles perspectives et que notre société est traversée par de nouveaux mouvements qui inventent de nouveaux espaces de création et de circulation des œuvres. Mine de rien, ces jeunes créatifs mettent en place de nouveaux réseaux et de nouvelles formes d'expressions. Il est temps que leur créativité et l'épanouissement de leurs talents soient une priorité nationale.


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