C'est la fin de la saison cinématographique. La salle AfricArt a enlevé les affiches du film « Plus jamais peur » de Mourad Ben Cheikh et a placardé une annonce : « la saison est terminée à bientôt, à la rentrée prochaine ». On a vite compris que c'est les vacances. En tout cas, on peut dire que la saison cinématographique 2010/2011 a été courte en raison des événements survenus au lendemain de la Révolution et l'insécurité qui régnait dans le pays. Les salles de cinéma ont dû fermer longtemps avant que ne revienne l'accalmie. S'agissant de la production des films, elle s'est arrêtée, excepté les documentaires réalisés sur la Révolution. Mais le hasard du calendrier, sans doute, veut qu'aujourd'hui, l'Association tunisienne pour la promotion de la critique cinématographique célèbre son 25ème anniversaire. Une rencontre est organisée avec certains de ses membres du moins les plus anciens à la Maison de la culture Ibn Khaldoun. Une occasion pour faire le point sur l'état de la critique en Tunisie qui est, hélas, assez déplorable. Car à voir de près, l'association a vu ses activités régresser considérablement faute de critiques spécialisées dans le domaine cinématographique. Les rares critiques tournent le dos à cette association et refusent d'y adhérer. Les raisons de cette désertion sont multiples. D'abord, parce qu'aucun travail de sensibilisation n'est entrepris en direction des journalistes spécialisés pour les attirer vers l'association. Ensuite, les activités sont très réduites. Le festival du cinéma tunisien qu'elle organise chaque année ne connait pas d'affluence notable ni de la part du public, ni de celui de la critique. La production éditoriale reste rare et très disséminée. Les sessions de formation sont inexistantes. Paradoxalement, ceux qui veillent sur l'association n'exercent pas la critique dans les médias. Ils ne sont même pas journalistes. Ils viennent d'autres horizons. Quant à la presse écrite, elle consacre peu d'espace à la critique cinématographique, à raison d'ailleurs, puisque les sorties de films manquent dans les salles. Les plus motivés des critiques se déplacent dans certains festivals comme celui de Cannes pour voir les dernières nouveautés et en rendre compte dans les journaux. Parmi ces passionnés, il y a des enseignants qui s'improvisent critiques pour la circonstance. Quant aux revues spécialisées, qui sont au nombre de deux, elles peinent à exister faute de critiques ou de journalistes spécialisés, mais surtout d'un lectorat qui demeure très réduit. Pour ce qui est de la radio et de la télévision, la matière proposée consiste surtout en des interviews recueillies à la sortie d'une salle de cinéma à l'issue d'une projection. Il n'y a aucun effort d'analyse d'autant que la plupart du temps, les journalistes ne prennent même pas la peine de voir le film. D'autre part, ils véhiculent des informations fausses sur l'œuvre en la diabolisant ou en la louant sans aucune argumentation. Dans ce paysage médiatique quelque peu chaotique, l'ATPCC a du mal à prendre son envol. Elle est restée cantonnée dans des opérations épisodiques sans grand intérêt au lieu de consacrer plus d'énergie à faire un travail en profondeur qui consisterait à fidéliser les anciens en les encourageant à produire davantage d'ouvrages par exemple, en leur proposant de participer à des festivals et en leur organisant des cycles thématiques de films. Pour les nouveaux, les prendre en charge en leur organisant des programmes de formation. Les centres culturels des représentations diplomatiques en Tunisie encouragent ce genre d'initiative. Il faut juste avoir l'envie et la volonté.