Le football donne le mauvais exemple. Sa crise éthique s'amplifie. A-t-on idée de se chamailler, de remuer ciel et terre et de nourrir la surenchère pour un joueur plutôt ordinaire et dont le palmarès reste à construire? Et qui pausse des coudes, bombe le torse et joue les fiers-à-bras dans la course au Djabou? Le CA et l'EST pardi! Ceux qui doivent donner l'exemple, servir d'aiguillon et de phare, les fameux frères ennemis tunisois, l'Espérance et le Club Africain. La chasse au trésor : l'histoire d'un «thriller» L'intérêt du club «sang et or» pour le demi offensif de l'Entente de Sétif remonte en fait à bien longtemps, soit aux compétitions continentales et de l'Union nord-africaine de football à l'occasion des nombreuses retrouvailles entre le club de Bab Souika et l'Aigle noir. Dans la foulée de l'engagement pour trois ans du buteur du Mouloudia d'Oran, Youssef Blaïli, pour remplacer le Camerounais Yannick N'djeng, le club de Hamdi Meddeb engage les hostilités pour s'attacher les services du meneur de jeu de l'ESSétif, Abdelmoumen Djabou. La succession de Youssef Msakni, annoncé cet été sur le départ pour le Vieux continent, imposait ce genre d'opérations. Sauf que le Club Africain du futur président Slim Riahi entrait sans coup férir sur scène, délègue Abdessalam Younsi et Mehdi Gharbi en Algérie pour une mission bien claire : faire signer le «Messi algérien» (son surnom) pour deux ans contre un montant record de trois millions de dinars. Un chiffre insolite pour les clubs du pays. Les «Rouge et Blanc »pensaient être au bout de leurs peines lorsque la nouvelle de la signature assortie des photos de l'acte a été publiée par le site du club et sur le compte facebook du prochain président. Mais c'était en fait sans compter avec cette rivalité pas toujours saine et sereine opposant les doyens du sport national. L'Espérance revint ainsi à la charge. Cette fois, c'était Ryadh Bennour, président de la section football, qui rentrait lundi à Tunis en provenance d'Alger avec, «dans les valises», si l'on peut s'exprimer ainsi, le joueur objet des désirs. Cela tournait au remake de l'affaire Idrissa Coulibaly. Entre-temps, le président de l'ESS, Abdelhakim Serrar, intervient dans le «débat» pour conseiller vivement à son protégé de rallier les rangs de l'EST «parce que celle-ci est la meilleure formation d'Afrique, ce qui représente une garantie certaine en termes de bénéfice sportif pour le joueur», à en croire le premier responsable sétifien. Même s'il allait arrondir les angles et par la suite prendre du recul, Serrar a sans doute fait jouer son amitié personnelle avec Hamdi Meddeb. Maintenant, certains évoquent une offre espérantiste de l'ordre de 2,5 millions d'euros, ce qui reste à vérifier. Erreur sur le produit ? Perd-on tout sens de la mesure sur le mercato estival? Compte tenu du contexte socioéconomique et des graves difficultés auxquelles fait face le pays, un tel luxe (trois à cinq milliards, prix d'un joueur) est-il permis? N'y a-t-il pas là une insulte aux 800 mille sans-emploi que compte la Tunisie, un an et demi après la révolution? Surtout que le rapport entre le prix et la qualité du «produit» (excusez le terme) est largement inégal. Car, pour tout palmarès, le demi offensif de 25 ans, qui a intéressé à un certain moment le néo-champion de France, Montpellier, et l'AS Monaco (D2 française), compte le doublé d'Algérie 2011-2012, une Coupe de l'Unaf des vainqueurs de coupe 2010 et le Trophée Maracana du meilleur joueur algérien 2011. Depuis le 17 novembre 2010, date de sa première sélection contre le Luxembourg, Djabou fait régulièrement partie de la liste des 23 des Fennecs. Sans pourtant trouver une place de titulaire que ce soit sous le règne de Rabah Saâdane, Abdelhak Ben Chikha ou du sélectionneur actuel des Verts, le Franco-Bosnien, Vahid Halilhodzic. Y a-t-il erreur sur «la marchandise» ? Quoi qu'il en soit, EST et CA gagneraient à faire l'économie d'un nouvel épisode inflationniste. Les affaires du mercato, et plus généralement du sport, n'ont rien à voir avec des histoires d'amour-propre. Le monde continuera à tourner, que Djabou porte le maillot «sang et or» ou celui «rouge et blanc» !