Service militaire en Tunisie : report, exemption ou enrôlement, comment régulariser sa situation ?    Mohamed Ali Nafti reçoit le chargé d'affaires philippin pour booster la coopération bilatérale    Tunisie : un million de citoyens vivent dans 1 400 quartiers informels, selon le député Sabeur Jelassi    Un mort et un blessé suite au renversement d'un engin de chantier à Bizerte    Hommage posthume à l'artiste Yasser JradI à Gabès et à Tunis    Le champion du monde tunisien Ahmed Jaouadi rejoint l'Université de Floride pour préparer les JO 2028 à Los Angeles    Hamda Kouka : le recrutement de 7000 docteurs réglerait la crise à la racine !    Le SNJT condamne l'assassinat de l'équipe de la chaîne Al Jazeera à Gaza    Avec Kaïs Saïed, les partisans ne gagnent jamais    La BNA aux côtés de la diaspora pour faire du Sud un moteur de développement    QNB Tunisia s'engage pour la protection des océans à travers la campagne internationale du Groupe QNB "Le Pacte Bleu"    Hausse inquiétante des décès sur les routes tunisiennes : 458 morts en 7 mois    Chikungunya en Tunisie : aucune infection confirmée    Le Reno14 F 5G avec Photographie Flash IA et Design Sirène Irisé dévoilé par OPPO    Tunisie : jusqu'à 5 ans de prison pour toute agression contre un animal, une nouvelle loi en préparation    Nabeul : le village artisanal renaît après 12 ans d'attente    Fadhel Jaziri tire sa révérence.. retour sur sa dernière création "Au violon" présentée au festival Hammamet 2025    Eaux minérales en plastique : le scandale que personne ne veut voir    Viande ovine : les prix s'envolent, les bouchers tirent la sonnette d'alarme    Tabboubi à Saïed : celui qui a des preuves de corruption n'a qu'à saisir la justice    Fethi Sahlaoui met en avant le potentiel de l'industrie automobile tunisienne    Qui était Fadhel Jaziri ?    L'ASG grignote un point face à l'EST : Un point qui vaut de l'or    Buteur face à l'ASM : Sadok Mahmoud, la promesse    Météo en Tunisie : mer calme et temps clair    Djerba : la grève des bacs reportée, suspense jusqu'au 19 août    Impôts : attention Tunisiens, voici les dates à ne pas rater en août 2025    Décès de Fadhel Jaziri    Egypte : Un séisme de magnitude 6,2 enregistré au nord de Marsa Matrouh    Les journalistes Anas Al-Sharif et Mohamed Qreiqa, martyrs d'une frappe de l'entité sioniste à Gaza    Ligue 1 – 1ère journée : La JSO et l'ESZ, c'est du solide !    Festival des vignes de Grombalia : entre tradition, musique et défis climatiques    Tunisie : Décès du grand artiste Fadhel Jaziri    Un livre d'Abdellaziz Ben-Jebria : «Tunisie d'Amours, que reste-t-il de tes beaux jours»    Gaza : quatre journalistes d'Al Jazeera tués dans une frappe israélienne    Séisme de magnitude 6,1 en Turquie : plusieurs bâtiments effondrés à Sindirgi    Lotfi Abdelli attendu au Festival international de Carthage en 2026    Karaté – Ahmed Thabti nouveau président de la fédération    Près de l'Algérie, la Tunisie lance un mégaprojet touristique à 2 milliards de dinars    Elyes Ghariani : Alaska, l'arène secrète de Trump et Poutine    Moez Echargui, champion à Porto, lance un appel : je n'ai pas de sponsor !    Tunis appelle l'ONU à agir contre le plan israélien de réoccupation de Gaza    Décès de Me Yadh Ammar, une illustre figure du barreau, de l'université et de la société civile    Ahmed Jaouadi : Un accueil présidentiel qui propulse vers l'excellence    Tunisie Telecom rend hommage au champion du monde Ahmed Jaouadi    Le ministre de la Jeunesse et des Sports reçoit Ahmed Jaouadi    Faux Infos et Manipulations : Le Ministère de l'Intérieur Riposte Fortement !    Tensions franco-algériennes : Macron annule l'accord sur les visas diplomatiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le patriotisme, bien public de très haute nécessité
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 06 - 2012


Par Jamil SAYAH*
Sans doute, en présence d'un événement d'une pareille envergure et d'une telle violence, les documents et tous les instruments d'investigation nous font encore défaut, comme aussi le recul nécessaire par rapport aux faits. Mais en revanche, à l'heure où les sentiments et les causes politiques qui les ont déterminés, et en quelque sorte l'expérience même de la tragédie sont encore vivants et si chauds en nous et autour de nous, peut-être est-il possible, peut-être est-ce un devoir pour chacun d'essayer d'analyser et de classer, tels qu'ils nous apparaissent les caractères essentiels de cette catastrophe. Notre patrie est-elle au bord de l'abîme ? La réponse est malheureusement affirmative. Et tous les risques de l'implosion sont désormais réunis.
Si la lutte contre la dictature nous a révélé notre capacité à réagir, le défi de la construction de notre démocratie doit nous imposer une autre manière d'agir. Il s'agit de changer de comportement et d'apprendre non seulement à vivre mais aussi à faire et à travailler ensemble et dans l'intérêt général. Dans cette période de toutes les incertitudes, le civisme et la responsabilité peuvent devenir le mot d'ordre mobilisateur pour nous aider à reconstruire notre nouvelle Tunisie. Il appartient à tous les Tunisiens et surtout à leur élite de rendre réaliste et crédible l'ambition collective et de soutenir l'ardeur des constructeurs et de combattre celle des destructeurs.
Les institutions de transition (avec toutes leurs contradictions, toutes leurs faiblesses et toutes leurs ambiguïtés) sont déterminantes pour favoriser le rassemblement des énergies. En effet, les nations qui ont réussi leurs périodes de transition sont celles qui sont parvenues à mettre en synergie l'ensemble de leurs forces vives. Par une sorte d'imprégnation culturelle nouvelle, tout Tunisien doit donc savoir que si la recherche de son épanouissement individuel est légitime, il ne doit pas pour autant l'atteindre n'importe comment, mais en respectant l'intérêt général et surtout l'intérêt supérieur de la patrie.
Il en est de même pour les partis politiques dont la responsabilité actuelle est de rendre possible l'instauration d'une démocratie véritable et sans retour. Il reste à trouver l'inspiration dans les profondeurs de notre patriotisme pour que chacun à son niveau tienne sa place sur le chantier de la Nation pour y apporter une contribution indispensable. A défaut, l'édifice s'écroulera sur lui-même par déficit de solidité. Une telle vision peut paraître utopique. Qu'importe. Tout ce qui s'est fait de grand dans l'histoire de notre peuple, ne l'a-t-il pas été au nom d'espérances exagérées ! Alors continuons le combat constructif.
1) L'évaluation des risques
Les débordements violents de ces derniers jours menacent la démocratie fraîchement acquise. D'abord la pression d'asservissement qui est exercée sur les citoyens peut leur faire oublier que la légitimité républicaine est fondée exclusivement sur le suffrage universel et non sur la tyrannie de la violence. La pente du conformisme, le rétrécissement du débat politique cantonné dans des thèmes imposés par des mouvements traditionalistes (l'identité, la normalisation, le fait religieux...) et la difficulté de faire passer des idées neuves, non conventionnelles (qui intéressent mieux les Tunisiens : chômage, pouvoir d'achat, éducation culture, université....), constituent des risques réels. Ainsi, l'espace politique post-révolutionnaire apparaît bien nommé pour désigner l'interposition réactionnaire entre la classe politique et les citoyens.
Dans un tel contexte, la fuite en avant est souvent irrésistible : à chaque étape, on découvre une persistante insatisfaction, l'absence de projet (politique) appelant toujours un surplus d'action (souvent dans la violence). Et plus ce souci est apparent, plus ils font appel à des manœuvres agressives et souvent violentes. C'est pourquoi, ces mouvements identitaires et religieux, à moins de parvenir à faire passer par la pression leurs idées, ont si fréquemment recours à la pression violente (les dernières agressions d'intellectuels peuvent en témoigner). La nature même de ces mouvements fait que toute concession faite à leurs idées est susceptible de se traduire facilement par un recul des libertés. Autrement dit, le fait de leur nature même, ces mouvements ne peuvent agir que négativement. La force de leur discours vient de sa capacité à produire des thèmes imposés, à enfermer le débat dans un stéréotype et à terme, à nier son universalité. Le processus inverse (appel à l'intelligence, à la raison) est pour eux plus aléatoire. Le drame central de cette idéologie est qu'elle ne peut être libérale et respectueuse de l'égalité et de la dignité de tous. L'absence d'une véritable équité, visible notamment dans l'existence de discriminations liées aux particularismes (l'appartenance différentielle aux genres, aux religions...), a tendance à se traduire dans des appels à des revendications identitaires par essentialisation de la religion. Assez souvent ces appels se transforment en violence. Et le fait que le politique n'existe pour eux qu'en tension explique la racine de ce processus de relance constante de la pratique anarchique et non démocratique. D'où le danger.
Ce phénomène impose donc d'approfondir la réflexion. La prétendue liberté d'action n'est en fait qu'une faculté dérogatoire de s'abstraire sans limite au respect des libertés de l'Autre. La primauté des valeurs sacrées entraîne partout la hiérarchie et la discipline ; la primauté du droit entraîne partout l'égalité et la coopération. Les premières créent un lien vertical, les secondes horizontal. La démocratie moderne (et peut-être à la fois sa grandeur et sa faiblesse) se présente ainsi comme une recherche de la liberté accompagnée d'un refus de limitations. Or on entend depuis quelque temps dans notre pays les premiers craquements d'une société promise bientôt à d'immenses bouleversements. Il ne s'agit plus d'ébranler directement un système par des arguments, mais de le faire écrouler en détruisant ses soubassements.
Que deviennent alors les citoyens de cette société ? Ils sont souvent les enjeux de la propagande et les prisonniers d'une classe politique qui a du mal à transcender ses faiblesses. La foule atomisée se transforme en foule médiatisée qui se contemple elle-même ou en foule captive livrée à l'exploitation d'un discours rétrograde et non démocratique. Or c'est la voie ouverte à la médiocrité, car «le peuple est en haut, mais la foule est en bas», comme le rappelait Victor Hugo.
2) L'apologie de l'intérêt supérieur de la Nation
Comment réagir à cette crise d'intelligibilité ? Sans vouloir moraliser, il faut rappeler que les exigences de la vie en démocratie imposent à chacun une conscience de sa place relative, une responsabilité à la mesure de son pouvoir, une ouverture à autrui et une attention à l'intérêt général. C'est la définition des citoyens actifs par opposition aux citoyens passifs.
Cette obligation de faire prévaloir l'intérêt général sur l'intérêt particulier qu'enseigne le civisme n'est pas seulement une maîtrise de son égoïsme : c'est un apprentissage de l'obéissance et du commandement aussi bien que des relations de réciprocité. La première expérience de la responsabilité politique, c'est dans la pratique de la citoyenneté qu'on la fait. Un citoyen responsable est un individu qui peut être à tout instant appelé à répondre de soi devant l'intérêt supérieur du pays. Chacun doit mettre sa personne sous la suprême direction de la volonté générale. En effet, le civisme a ceci en commun avec la démocratie qu'il apprend à l'individu à ne plus se faire centre, mais à se considérer comme le terme d'une relation. Ainsi, la citoyenneté en temps de crise n'est pas seulement une fonction de la démocratie, elle en est la matrice.
Dès lors, la démocratie est un apprentissage qui fait être les membres de la communauté nationale les uns avec les autres, à l'intérieur d'un «nous» qui les constitue. Or dans cette Tunisie post-révolutionnaire, la démocratie et sa pratique ne sont pas encore intériorisées. Elles ne sont encore qu'une possibilité, qu'une ébauche. Elles nous font progresser vers l'Etat de droit. Les définir comme l'incarnation de l'un des acquis de la Révolution c'est en somme les définir comme les grandes éducatrices de notre citoyenneté à venir. Telle est donc l'obligation civique dans une période de toutes les incertitudes (de transition) : se sentir un avec l'ensemble, c'est faire corps avec l'intérêt général tout en pratiquant l'ensemble de ses droits sans concession. Cet état d'esprit est toute une éducation.
L'estuaire de confluence qui réunit et apaise doit être l'unité nationale que nous devons tous servir et garantir avec l'aide de l'Etat. De toute façon il serait contraire à la démocratie d'appeler à l'uniformité. La pluralité est un signe de vitalité. Elle se réalise spontanément, lorsque la pratique démocratique s'impose comme une évidence politique.
*(Professeur de droit public)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.