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Une transition démocratique à l'enseigne de la violence
Société en effervescence, montée de la criminalité et de l'arrogance idéologique
Publié dans Le Temps le 22 - 02 - 2012

Que se passe-t-il actuellement en Tunisie ? Peut-elle vivre une véritable transition démocratique dans un contexte où la violence règne ? Est-il possible de parler de tolérance et de transition démocratique ? Comment les sociétés vivant cette phase gèrent-elles les différences ? Quelle est le rôle du politicien et du chercheur dans l'enracinement de la culture de la tolérance et de la coexistence ? Des tas de questions qui se posent actuellement en Tunisie à un moment où la violence est exercée par différents groupes et prend plusieurs formes.
Enseignants, étudiants, juristes, journalistes, citoyens, penseurs, syndicalistes et institutions de l'Etat sont confrontés à ce problème, d'où le risque de l'anarchie totale alors que la Tunisie tâtonne sur le chemin de la démocratie. En fait, la violence prend plusieurs formes. Elle varie selon les groupes qui l'exercent pour être physique, verbale, morale, symbolique et –c'est la mode- idéologique…Nul n'est à l'abri de ces pratiques supposées être accaparées et exercées par l'Etat dans le cadre de la loi. Un Etat toujours incapable d'instaurer la sécurité et de gérer convenablement la situation, parce qu'il est encore faible voire « mou », comme le précise le Professeur Souad Ben Moussa, spécialiste en Etudes juridiques et politiques. Cette question préoccupe plus que jamais la société civile qui essaye de s'organiser pour mieux comprendre ce phénomène, son impact sur le processus de la transition démocratique et surtout les mesures à prendre pour établir l'esprit de la tolérance. La question préoccupe le Forum de la Citoyenneté et de la Gouvernance, l'Association Dignité pour la Femme, l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates, la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme, Amnesty International, Doutourna, le Forum 14 janvier pour la Femme ainsi que d'autres structures notamment, les syndicats. La situation est inquiétante voire alarmante d'autant plus que l'Etat garde le silence et n'arrive pas à juguler le fléau des violences que ce soit dans la rue ou au sein même des établissements. En phase de transition démocratique qui peut s'étaler sur des décennies, les Tunisiens vivent dans le flou. Mais, ils n'ont pas à s'inquiéter, car c'est l'une des caractéristiques de cette phase où « les conflits sont monnaie courante entre les différents groupes qui tentent de se positionner, où chacun se redécouvre, comme l'explique l'universitaire Jamal Ben Dahmane. « Le dialogue reste dès lors la meilleure solution pour réussir cette phase et redéfinir les pactes sociaux ». Le gouvernement provisoire et la société civile doivent être conscients de l'importance de ce facteur pour réussir le processus de la transition démocratique tout en protégeant les individus et les groupes contre toute forme de violence.
Sana FARHAT

Souad Moussa Sellami : Universitaire spécialiste en études juridiques et politiques
«Le régime doit instaurer les bases d'un dialogue constructif entre les différents acteurs, même avec ceux qui exercent la violence»
«Nous vivons dans un Etat mou»
«Il n'y a pas une seule définition de la violence, il y en a en fait plusieurs », explique le Professeur Souad Moussa Sellami. Faisant une lecture juridique, elle précise que « la loi la détermine en tant que comportement contradictoire à une certaine normalité. C'est l'obligation faite illégalement à une personne quelconque, -en la terrifiant ou à travers des moyens- à accomplir des choses ». « Il s'agit là de la violence courante accomplie par les individus », d'après la spécialiste.
Toutefois, il existe d'autres formes de violence qui menacent le processus démocratique : « il s'agit de la violence politique. Elle prend une autre forme « spéciale » parce qu'elle est exercée par des individus qui sont des acteurs politiques. Elle s'exerce au détriment des libertés tout en contrôlant et en censurant les idées et les comportements des groupes qui ont des projets et des programmes sociaux. Elle vise aussi à perturber le processus de la vie sociale. C'est une forme de violence dite symbolique, car elle touche la pensée et les idées », signale le Professeur Moussa Sellami. « Elle a par conséquent des répercussions dangereuses sur la liberté d'expression et les libertés de manière générale », enchaîne-t-elle.
Faisant une lecture du contexte actuel, « où les discours politiques se multiplient et où le flou règne à cause de l'abondance des concepts et des approches politiques, le Professeur parle de « la violence de l'Etat et de la violence et la Révolution ». Elle considère qu'il est « important de définir ces concepts qui ont été vidés de leur esprit à cause de la confusion due à la multiplication des discours politiques ». « Chacun à sa manière, utilise les concepts et les approches et ce selon ses orientations idéologiques, d'où la nécessité de mieux comprendre ce qui se passe », considère la spécialiste tout en précisant que « les concepts ont été vidés de leur esprit et désorientés par l'ancien régime à cause de la divergence entre la pratique politique et la pensée politique, tel que l'Etat, la liberté…Il est temps de corriger ces approches qui ont longtemps été déformées ».
«L'histoire, la politique et l'humain»
Evoquant la violence de l'Etat, la spécialiste parle de la violence légale au sein de l'Etat moderne lequel se base sur l'institutionnalisation du pouvoir, en plus de trois facteurs ou conditions à savoir : l'histoire, la politique et l'humain. Mais quelle est la position de la violence dans l'Etat ? En fait, « l'Etat a pour rôle de résoudre les conflits tout en garantissant une bonne qualité de vie. Il a le droit d'accaparer la violence matérielle, dont l'armée, mais cette violence institutionnelle doit aussi être légitime. Cela permet d'instaurer et de garantir la paix sociale ». Toujours dans la même optique, la spécialiste parle de « deux formes d'application de la violence », celle appliquée par l'Etat et qui doit être légitime, ainsi que la violence exercée au sein de l'Etat et qui prend la forme des manifestations. En effet, la violence appliquée par l'Etat « est déterminée non pas par le pouvoir mais suite à un consensus social. La violence est ainsi légitime puisqu'elle est utilisée par l'Etat pour organiser la vie sociale à travers des structures : la justice, la police, l'armée...bien sûr tout en respectant la loi », explique Mme Moussa Sellami.
Quant à l'autre forme de violence qui s'applique au sein de l'Etat, elle consiste en « le droit à la manifestation appliquée par des groupes sociaux ou des individus pour exprimer leur mécontentement. Elle démontre la dynamique au sein de la société. Ces formes de violence s'exercent dans un Etat fort qui applique de manière équilibrée les pratiques démocratiques et institutionnelles. Mais cette forme d'Etat n'est pas toujours disponible », fait remarquer le Professeur Moussa Sellami.
«Violence pour rétablir le processus du pouvoir »
Pour ce qui est de la violence et la Révolution, l'universitaire précise que cet acte « a dans ce cadre un nouveau rôle, c'est de corriger les dépassements qui ont été accomplis auparavant par le pouvoir ». « La violence a ainsi pour rôle de rétablir le processus du pouvoir », d'après elle. «Le peuple a utilisé plusieurs formes de protestations, il sera toujours légitime de les utiliser dans cette phase constitutionnelle pour corriger et rétablir le processus en cas de déviation et pour atteindre les objectifs de la Révolution, la Révolution de la citoyenneté et de l'équité sociale », selon la spécialiste. Un acte jugé positif par le Professeur, mais malheureusement, « des nouvelles formes de violence se sont propagées » avec la Révolution. « La violence s'est propagée à cause de la faiblesse de l'Etat. Nous vivons dans un Etat mou. Ses institutions ont perdu de leur légitimité. Idem pour le régime qui a de son côté, perdu sa légitimité », tout en ajoutant que « l'Etat n'arrive pas à retrouver sa légitimité. Mais il doit récupérer sa position pour ré accaparer la violence et protéger les citoyens contre la violence ».
«Violence organisée»
Toujours dans le même ordre d'idées, Mme Moussa Sellami signale « qu'une nouvelle forme de violence est apparue avec la Révolution. C'est la violence organisée. Il s'agit là de la violence stable ainsi que de la violence transnationale ». En effet, des groupes exercent la violence pour obliger la société à adopter un projet sociétal ou une approche idéologique bien déterminée et propre à eux. « Il s'agit là d'une atteinte aux libertés des individus, au droit à déterminer son propre sort librement », critique-t-elle tout en attirant l'attention sur le fait que « c'est un phénomène dangereux qui risque de se propager à cause de l'incapacité du régime de bien gérer le pouvoir ». « Le régime doit dès lors instaurer les bases d'un dialogue constructif entre les différents acteurs, même avec ceux qui exercent la violence », propose-t-elle. « Il faut établir une nouvelle plate-forme de discussion laquelle nécessite un dialogue », toujours d'après Mme Moussa Sellami. Où et comment ? « L'Assemblée Nationale Constituante reste le meilleur espace pour diriger ce dialogue », considère l'Universitaire
« Le danger d'une violence transnationale »
Reste que le discours et le débat se poursuivront parallèlement en dehors de la Constituante et ce parce que plusieurs parties n'y sont pas représentées. «Nous sommes en phase constitutionnelle assurée par le gouvernement provisoire et l'Assemblée Nationale Constituante et le peuple ont un rôle à jouer. Ce dernier est en effervescence révolutionnaire, d'où l'importance à lui offrir un cadre adéquat pour participer à l'édification de la prochaine phase.
La deuxième forme de violence qui règne en cette phase révolutionnaire est celle transnationale. «Elle est très dangereuse » attire l'attention Mme Moussa Sellami qui explique qu'elle « apparait à cause de la faiblesse de l'Etat ». Mais en quoi consiste la violence transnationale. « Il s'agit des réseaux de terrorisme et de crimes organisés qui profitent de la faiblesse du régime pour prendre place. Ce sont notamment les réseaux de trafic d'armes, de drogues... ».
En phase transitionnelle la société tunisienne est face à plusieurs problèmes qui pourraient avoir des répercussions négatives sur la transition démocratique. Les différentes formes de violence exercées par des groupes organisés ou des individus risquent de faire dévier ce processus, d'où le rôle et la responsabilité des acteurs politiques et la société civile de cerner ces violences pour permettre à toutes les composantes de la société de cohabiter et coexister.
S.F

Jamal Ben Dahmane, Universitaire
La transition démocratique est marquée par le flou, les conflits et la redécouverte de soi
«Pour parler de la transition démocratique, il importe d'évoquer la tolérance », signale le Professeur Jamal Dahmane, Universitaire qui considère qu'il existe une étroite liaison entre la tolérance et la différence car « être tolérant, c'est accepter l'Autre, accepter la diversité et la multitude des cultures ». En fait, « la tolérance se base sur la reconnaissance des Droits de l'Homme. Elle est la clé des Droits de l'Homme, de la pluralité et de la démocratie », explique-t-il. Mais quels sont les mécanismes de concrétisation de la tolérance dans un contexte où l'esprit conflictuel règne les différents groupes de la société, où chacun essaye de s'imposer, d'imposer ses idées et ses idéologies ? « C'est à travers la démocratie, la citoyenneté, la gestion de la différence que la tolérance s'instaure », d'après l'Universitaire. « Cela implique la révision de plusieurs concepts, et notamment la démocratie », toujours d'après le Professeur Dahmane qui considère que la transition démocratique prend des décennies pour s'instaurer. Cette phase est marquée par plusieurs facteurs dont, le flou, les conflits pour se positionner et la redécouverte de soi. « Le dialogue reste, dès lors, la meilleure solution pour réussir cette phase et redéfinir les pactes sociaux », recommande l'universitaire.


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