Nous avons reçu du colonel à la retraite Azzedine Chadi la correspondance suivante à propos de tourisme alternatif sous forme de lettre ouverte adressée au ministre du Tourisme : Monsieur le Ministre, Permettez-moi de vous faire part de ma reconnaissance et de mon admiration pour votre exposé magistral devant l'Assemblée consistuante, sur l'état des lieux exhaustif et précis du tourisme en Tunisie, secteur sensible qui vous a été confié. La «radiographie» claire et objective que vous aviez exposée sans ambages devant cette institution sur la situation (peu reluisante, il est vrai) du «Tourisme en Tunisie» vous honore autant qu'elle vous grandit aux yeux de tous vos concitoyens, fiers de leur pays et soucieux de l'avenir de leurs enfants. ... Le secteur que vous dirigez est, comme vous l'affirmez, un secteur stratégique, important. Il a la particularité de toucher à tous les autres secteurs du développement économique d'une manière significative et directe. Outre l'hôtellerie, la formation, l'emploi spécialisé et toute l'industrie des loisirs qu'il englobe, le tourisme peut effectivement jouer un rôle de locomotive pour l'ensemble des autres secteurs, notamment ceux de la culture et du patrimoine, de l'artisanat et du commerce, avec des retombées non négligeables sur d'autres métiers connexes. L'industrie du tourisme stimule ainsi assurément la croissance et pas seulement celle des infrastructures hôtelières. Elle met également en valeur le patrimoine immatériel et permet son développement. Le tourisme participe ainsi, pour une large part, au renforcement de l'image de marque de la Tunisie et à sa réputation à travers le monde. Il constitue, aussi, l'une des ressources importantes directes en devises fortes bénéfiques à l'économie du pays, à l'emploi et au développement de sa Culture et de son Artisanat. Pour toutes ces raisons, le tourisme tunisien doit absolument compter sur lui-même et se défaire, peu à peu, des intermédiaires. Nous avons un beau pays contrasté, une histoire remarquable et un riche patrimoine. Nous disposons d'atouts fabuleux que l'on n'utilise pas judicieusement, notamment en matière de tourisme. Mieux lotis que d'autres nations, nous avons la chance d'avoir une jeunesse instruite, volontaire et intelligente, qui ne demande qu'à être bien orientée, perfectionnée et responsabilisée. Toute cette jeunesse ne manque pas d'habileté ni d'idées, pour peu que l'on sache développer en elle l'émulation, le sens de la discipline et l'inciter à prendre progressivement des initiatives. Bien formés, perfectionnés dans leurs spécialités respectives et sérieusement encadrés, nos jeunes sont tout à fait capables d'être performants et d'accomplir des miracles. Or, comme vous en avez fait le constat, il y a malheureusement encore beaucoup à faire pour sortir le tourisme de la médiocrité dans laquelle il s'est enlisé ces dernières années. Il est temps, en effet, de se «renouveler» et d'être plus agressif pour pouvoir enlever des parts de marché, comme le font d'autres pays ayant moins de moyens que nous. Il faudrait surtout aussi chercher à innover. Le tourisme tunisien doit sortir des sentiers battus et du sempiternel tourisme balnéaire, concentré sur la belle saison d'été. Souvent, par manque d'imagination, les hôteliers, eux-mêmes liés par contrats aux TO qui leur assurent au cours des années, il faut bien le dire, le minimum de leur gain, se laissent aller à des solutions de facilité. ... Les idées d'innovation ne manquent pas. Il suffit d'être rationnel, pragmatique, et de mettre en place des cellules de recherches et de développement idoines, aptes à réaliser des projets innovants, de les étudier, d'en évaluer l'efficience, le coût et la rentabilité. A ce propos M. le Ministre, j'ai moi-même un projet à vous soumettre et serais honoré de vous en parler, avec toutes ses variantes possibles. Il a trait à la Seconde guerre mondiale. Comme vous le savez, durant cette guerre, la Tunisie a subi, bien malgré elle, dans sa chair et dans ses biens, les aléas désastreux du conflit mondial opposant les armées alliées à celles des forces de l'Axe. Au même titre que le fameux Mur de l'Atlantique, la Tunisie fut aussi, à juste titre, en 1943, un point de départ, pour la libération de toute l'Europe du joug de l'impérialisme nazi. Notre pays a donc assisté, impuissant, au chambardement de tout son territoire, du Sud au Nord et de l'Ouest à l'Est, avec un nombre impressionnant de champs de batailles, dont certains sont restés mémorables et sont étudiés, à ce jour, dans les écoles supérieures de guerre.Toutes les armées alors en conflit s'y affrontèrent, avec à leurs têtes, leurs chefs militaires et politiques, les plus célèbres que le monde ait alors connu, entreautres : Eisenhower, Patton (ce dernier a même eu, avec ses chars, son baptême du feu à Kasserine), Montgomery, Churchill, Rommel, Van Arnim et bien d'autres ... y compris le Duce Mussolini. On sait, à propos de ce dernier, que, par le biais du «Supremo Comando», installé à Rome, l'Italie fasciste avait, avant la guerre, des visées politiques déclarées sur la Tunisie... De nombreux cimetières regroupant les tombes des combattants des deux camps, sont à ce jour, régulièrement entretenus par leurs ambassades respectives, avec, souvent des cérémonies commémoratives pouvant drainer pour l'occasion, des visiteurs et des touristes. A la lumière de ce constat, le projet que je soumets à votre appréciation consiste donc à implanter un observatoire panoramique sur les lieux mêmes de l'un des théâtres de ces opérations qui pourrait, par exemple, se situer dans la région de Kasserine - Sidi Bouzid, de l'aménager avec, si possible, l'aide des pays intéressés, en y associant le ministère de la Défense nationale. Cet observatoire devrait comporter des maquettes, des engins et des PC ou organes de commandements, symbolisant les unités des différentes nations ayant participé à ces batailles. (Il serait utile de noter que les soldats qui ont combattu en Tunisie en 1942-1943 appartenaient à près de vingt-cinq pays. Il y a eu aussi 275.000 prisonniers). Ce site, une fois achevé, pourrait être ouvert aux nombreux touristes et chercheurs, aux écoles de guerre et instituts tunisiens et étrangers, dans le cadre de voyages d'études, ainsi qu'à un nombre non négligeable de touristes, de gens intéressés ou concernés, ( y compris parmi les membres des familles de ces combattants ou leurs descendants), disséminés aux Etats-Unis, en Europe, en Nouvelle-Zélande, en Australie et partout dans le monde. Cette réalisation viendrait en appui au tourisme alternatif. Ce projet pourrait être complété par un autre grand projet écotouristique non moins important, mettant en valeur la région saharienne de R'jim Mâatoug, au sud du Chott el-Jérid et que la Tunisie, grâce à un effort grandiose et soutenu, a réussi à transformer, au cours de longues décennies, pour faire reculer le désert, en faisant creuser des puits profonds, en y aménageant de grandes palmeraies et en y construisant des agglomérations, des écoles publiques, des dispensaires etc. et en y assurant la sécurité, pour pouvoir fixer des populations nomades sahariennes. Par ailleurs, Dieu, dans Son infinie bonté, a accordé à la Tunisie deux richesses que nous ne mettons pas, à mon avis, suffisamment en valeur : l'olivier et le palmier-dattier. Il est pour le moins étonnant, que nous n'ayons pas encore de festivals pour célébrer régulièrement, chaque année, ces deux précieuses denrées, les huiles et les dérivés. Ils pourraient être l'occasion de grandes manifestations, d'animations et d'activités touristiques, entres autres, pour des dégustations de produits. Cela pourrait contribuer au lancement des régions productrices de ces denrées. Ces manifestations seraient l'occasion pour l'attribution de prix, de médailles, de millésimes ou titres de qualité (attribution de prix, d'AOC, par exemple), permettant des expositions ou l'ouverture de souks de circonstance pour mieux faire connaître ces produits. Veuillez agréer Monsieur le Ministre...