Quasiment le tour complet de la foire du livre pour débusquer (à peine) deux ou trois nouveaux ouvrages de musique arabe. Surprise : l'an dernier, nos amis du machrêq nous avaient gratifiés de nombre de titres importants. Surprise encore : un seul titre tunisien exposé (signé Soufiane Feki). A quoi est due cette pénurie? Certainement pas au manque de sujets. Le contraire eût même convenu. Nous suivons les colloques, nous consultons les revues spécialisées, pour ce qui est de la sphère musicale arabe (tunisienne a fortiori) il semble bien qu'il y ait matière à discuter, à débattre et à publier. Des thèmes brûlants, ici: la critique, le patrimoine, la tunisianité, et d'autres… Les musicologues de l'ISM leur consacrent l'essentiel de leurs recherches et de leurs communications. Pourquoi pas des œuvres entières? C'est toute la question. Le savoir «popularisé» Mais l'édition musicale ne se limite pas à la musicologie. Il y a le créneau (grand public) des monographies et des biographies. Ce que nous savons de nos grands artistes, nous le devons, au fond, à ces livres (supposés simplets) à mi-chemin entre le document et l'anecdote, entre le récit et l'analyse. En Egypte, dès les années 30, le docteur Mahmoud El Hefni se fit l'initiateur de ce genre d'écrit. Imité aussitôt par le grand critique Kamel Ennejmi. En Tunisie, les œuvres de référence demeurent celles de Rezgui, Snoussi et, plus récemment, de Mustapha Chelbi. Feu Mohamed Boudhina contribua lui aussi (peut-être de façon trop prolifique) à «populariser» le savoir et l'histoire de notre musique. On ne prétend pas que ces publications suffisent à tout. Il faut y aller avec précaution et force tri. Elles ont, néanmoins, le mérite d'être en adéquation avec leur temps. Si tant est que la culture artistique a du mal à s'imposer au plus grand nombre, des livres de musique concis, d'abord facile, pédagogiquement contrôlés, modérément vulgarisés, peuvent parfaitement atténuer la difficulté. Des problématiques d'élite Mais parlons d'actualité. Pourquoi, par exemple, ne pas saisir l'opportunité des «centenaires» pour réaliser des ouvrages sur Jouini, Jamoussi, Tarnane, Triki, Saliha, Riahi, etc.?-Que sait-on au juste sur la vie et l'œuvre de ces artistes de légende? En quoi se distinguèrent-ils? Furent-ils des innovateurs, des continuateurs? Curieux que ces aspects de notre histoire musicale ne stimulent pas l'attention de nos écrivains et de nos chercheurs. Et le mouvement de Taht Essour? Est-on sûr de l'avoir suffisamment appréhendé. Et l'avant-garde artistique des années 65-70? Et les années 80? Ont-elles fait l'objet de recherches poussées? Les situe-t-on à leur juste place au regard des autres périodes de référence. On a dit que ce n'est pas faute de sujets : à preuve. Ce qui se passe, en fait, résulte d'une situation d'ensemble. En accédant à la diffusion de masse, la musique ne suscite d'interrogations que chez une minorité de théoriciens et de praticiens. Et encore… L'époque musicale que nous vivons n'est problématique qu'aux yeux d'une élite. Le reste (des millions) consomme et se divertit. Qui plus est, les statistiques de la lecture sont «clairement» à la baisse. On voit les sourires d'ici : quelle idée de se désoler du recul de l'édition musicale alors que le livre même perd de son intérêt? Du général au particulier Il y a des priorités à observer, soit : le livre et la lecture d'abord, la situation des arts (de la musique) ensuite. L'amont puis l'aval, la question culturelle se traite beaucoup mieux ainsi. Mais le temps que se décantent les choses, et que s'affine et se complète une vision du tout, on ne perd rien à s'occuper de certaines questions en particulier. Nous plaidons pour une «pédagogie» du livre musical, le lien avec développement de la culture en général est par principe souligné.