Le 18 juin dernier, l'artiste peintre Amar aurait eu 33 ans, mais en septembre 2010, la mort l'a ravi à la fleur de l'âge. Une mort subite à Paris qui a étonné tout le monde et qui a été entourée d'un grand mystère. D'aucuns ont même parlé de meurtre. Mais, «il n'en est rien», affirme son père Mohamed Salah Hajri. «Amar a succombé, dans son appartement, à une crise cardiaque», précise-t-il. A l'occasion de l'anniversaire de sa naissance, ce dernier lui a organisé une exposition à Dar Sébastian au Centre culturel international de Hammamet, qui se poursuivra jusqu'au 30 juin. Amar est un grand rêveur. Ses œuvres le prouvent. Elles représentent un monde idyllique très coloré, les phantasmes d'un homme resté enfant dans l'âme. Certains ont comparé sa démarche à celle d'un Miro, mais elle est également inspirée de Aly Ben Salem, qui l'a initié à la peinture. «Le jour où j'ai compris que le chemin de l'excellence ne passait pas obligatoirement par les bancs de l'école, je l'ai quittée pour me jeter dans la vie active. Je me suis formé seul, passant des heures dans les bibliothèques et dans les ateliers d'artistes aux côtés notamment de Aly Ben Salem qui m'a prodigué ses conseils et qui m'a encadré», devait-il nous confier, de son vivant. Outre la trentaine de tableaux de peinture, l'exposition dévoile un autre aspect méconnu de l'artiste, la tapisserie. En effet, quatre œuvres, absolument magnifiques, réalisées par des ouvrières et que l'artiste n'a pas vu voir, puisque la mort l'a surpris avant leur finition, métamorphosent la peinture en des pièces artisanales décoratives où le point en laine prend la place de l'acrylique. L'espace de ces toiles est plein de motifs expressifs et ludiques. Le temps est intemporel, dans la mesure où il exprime un univers imaginaire. C'est sur cette double notion espace-temps indéterminée que se construit la planète Amar. Comme un météore, le trajet de cet artiste génial est exceptionnel. «C'est l'amour qui sauvera le monde, mes peintures sont de l'amour. Ma peinture est une fenêtre qui donne sur un monde de joie, un paradis de bonheur, un printemps éternel et une innocence totale», disait-il. Même s'il est parti très tôt et que sa famille continue à le pleurer, Amar a communiqué aux gens cet amour qu'il n'a sans doute pas vécu à travers une œuvre foisonnante nostalgique d'un monde paradisiaque peuplé par la flore et la faune, images obsédantes d'un enfant qui n'a pas voulu grandir. Un rêve obsédant et incandescent que cette peinture qui flatte la couleur et la lumière de la Tunisie et particulièrement de Hammamet, la ville natale de l'artiste. Si sa vie est éphémère, son œuvre continue à jouir d'un bon accueil auprès des amateurs d'art. Tous saluent chez lui la beauté des motifs, l'équilibre des couleurs de l'arc-en-ciel, la sérénité d'une vision «où les choses ne sont pas comme dans notre univers. Mon art doit être une image d'un paradis existant ailleurs, dépourvu des choses négatives que représente le noir. J'aime le noir dans les vêtements ou sur la peau des personnes mais jamais dans mes tableaux», expliquait Amar. Derrière cette lucidité et cette sérénité, le peintre vivait sans doute dans la tourmente. «Il mangeait peu, dormait mal et passait tout son temps dans l'atelier ou dans les avions», avoue son père. Sa vie n'était pas de tout repos. Partagé entre Hammamet et Paris, il sillonnait le monde avec ses tableaux qui étaient exposés dans les plus grandes galeries. Il portait en lui un secret que seule son œuvre pourra un jour, peut-être, dévoiler.