Par Soufiane BEN FARHAT Visiblement, la scène politique regorge de desseins tenus secrets. En arrière-fond de tout le branle-bas politique de ces derniers jours, il y a des redéploiements amorcés secrètement. En attendant de sceller publiquement les nouvelles donnes. En premier lieu, il y a le divorce manifeste entre M. Moncef Marzouki et ses fidèles et le mouvement Ennahdha. Jusqu'ici, la Troïka gouvernementale a tenu grâce à l'alliance entre Ennahdha, le CPR et Ettakatol. Leurs chefs respectifs ont hérité des présidences du gouvernement, de la République et de l'Assemblée constituante. Et les lois et projets sont passés depuis grâce à leur majorité mécanique. Mais, depuis peu, des lézardes ont été observées dans l'édifice. Cela a été progressif. Après les emportements passionnels, voici venu le temps du désamour courtois. Les observateurs avertis ont suivi la tendance çà et là. Ennahdha recherche depuis peu de nouveaux alliés sur l'échiquier politique national. Ce n'est un secret pour personne. Elle est, entre autres motifs, visiblement gênée par les scissions et clivages multiples subis par ses deux alliés. Le parti Ettakatol avait ouvert le bal. Des dizaines de militants, ne s'y reconnaissant plus, ont décidé de monter à l'assaut de la citadelle de la direction. A les en croire, M. Mustapha Ben Jaâfar, le chef d'Ettakatol, aurait trahi leur mandat. Ils dénoncent son «suivisme inexplicable». Alliés d'Ennahdha dans un gouvernement de service national, oui. Mais appendice d'Ennahdha et simple figurant aux dépens des principes, non. Le député d'Ettakatol à l'Assemblée constituante, Khémaies Ksila, a été le premier à se démarquer. Puis des membres des fédérations de l'Ariana, du Bardo et de Ben Arous se sont insurgés. Et la valse des scissions et règlements de comptes n'en finit plus depuis au sein d'Ettakatol. Au CPR, on est logé à la même enseigne, quoique différemment. L'équipe présidentielle ainsi que deux ministres CPR du gouvernement ont été au cœur des querelles. Pour les militants bougons puis effarouchés avant d'être carrément courroucés, ce seraient en grande partie des transfuges d'Ennahdha. On les dénomme Ennahdha-light. Les scissions ont suivi. En masse et répétitives. Entre-temps, Ennahdha a commencé à ressentir les difficultés propres à l'exercice du pouvoir. Les attentes sont grandioses et la marge de manœuvre gouvernementale plutôt restreinte. Toute la Troïka en pâtit. Mais les différends d'Ettakatol et du CPR en ont rajouté au marasme de l'alliance gouvernementale. Depuis peu, le président Marzouki semble tourmenté par la phagocytose de son parti au profit d'Ennahdha. Et cette dernière nourrit de maints griefs non avoués à son encontre. Ils portent sur plusieurs positions affichées par le président de la République. Telles ses prises de position sur les questions du drapeau national malmené par un salafiste, des pratiques de plus en plus courantes d'anathème d'apostasie (Ettakfir) et d'immixtions de nahdhaouis dans les différends internes du CPR. Pour Marzouki, le constat est amer mais réaliste. Il a perdu le soutien d'Ennahdha pour la prochaine élection présidentielle. Et il a commencé à faire en quelque sorte cavalier seul, dans les limites qui lui sont consenties par la loi portant organisation provisoire des pouvoirs publics. Il semble que sa dernière visite à Gafsa ait été très mal appréciée par Ennahdha. En fait, il est le premier haut responsable tunisien à pouvoir se rendre, depuis 2008, dans la ville de Redeyef. Redeyef, la fière, Redeyef la rebelle, l'un des bastions du soulèvement du Bassin minier qui, dès 2008, a ébranlé les assises de l'ancien régime. Désormais, le ver est dans le fruit. La rupture est une affaire d'alibi. L'extradition de Baghdadi Mahmoudi en a offert l'étincelle. Chacun est rentré chez lui. Avec fracas.