Si le Dr Moncef Marzouki, président provisoire de la République, a décidé de tourner la page, considérant que la crise qui l'a opposé au chef du gouvernement suite à l'extradition de Baghdadi Mahmoudi est dépassée, les constituants du Congrès pour la République et d'Ennahdha au sein de la commission constituante du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif et des relations entre eux semblent avoir pris la décision de faire durer le conflit et de faire régner l'incompréhension entre les deux partis, membres de la Troïka, aux côtés d'Ettakatol. Le torchon brûle, en effet, de nouveau entre le CPR et Ennahdha, (mais cette fois au niveau de l'Assemblée nationale constituante) à la suite du vote, la semaine dernière, par les membres de la commission en question, de la nature du régime politique qui sera adopté dans la future Constitution. La commission du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif et des relations entre eux a, en effet, voté, mardi 3 juillet 2012, en faveur du choix du régime parlementaire (système que seuls les 9 membres d'Ennahdha soutenaient au sein de la commission alors que les 13 autres membres de la commission représentant les autres partis étaient pour le régime mixte). Samia Abbou, constituante du Congrès pour la République, considère que «ce vote est un vote fallacieux puisque seuls 15 membres sur 22 y ont participé, ce qui a dégagé une fausse majorité dans la mesure où sur les 15 votants, 9 membres appartiennent au mouvement Ennahdha. Ce qui me révolte et me pousse à crier à l'escroquerie politique, c'est que l'opinion publique a été flouée en ce sens qu'on lui a fait croire que la majorité des membres de la commission sont partisans du régime parlementaire, alors que c'est archifaux puisque sur les 22 membres de la commission, 13 ont toujours appelé à l'instauration du régime mixte». «Ce qui me rend encore plus furieuse, c'est que le travail colossal que nous avons mené des mois durant a été traité à la légère puisque l'opération du vote s'est déroulée dans des conditions particulières en l'absence du président de la commission, le constituant Amor Chtioui, et avec la participation de 15 membres présents dont 9 appartenant à Ennahdha qui étaient, par miracle, tous présents ce jour-là, alors qu'ils n'ont jamais assisté auparavant, en un bloc aussi discipliné, aux travaux de la commission. Leur présence renforcée, mardi 3 juillet, cachait un plan qui s'est révélé payant puisqu'ils savaient que les membres de la commission (non informés de l'opération de vote) n'allaient pas venir en masse. Je considère personnellement que le vote d'un article aussi important ayant un effet entraînant sur plusieurs autres de la Constitution commandait que les constituants soient convoqués par écrit et sensibilisés à la nécessité de participer au vote de cet article qui couronne un travail très important accompli par la commission depuis sa création». Mme Samia Abbou dénonce l'attitude des constituants d'Ennahdha «qui banalisent l'affaire et s'opposent à notre appel à un nouveau vote de l'article en question. De toute façon, nous considérons toujours ce vote comme étant illégal puisqu'il ne traduit pas fidèlement les oppositions et les orientations qui prévalent au sein de la commission et nous proposerons à la séance plénière les deux formules discutées, soit le régime parlementaire soit le régime mixte. Le dernier mot reviendra à la séance plénière». Les nahdhaouis, toujours disciplinés Skander Bouallagui, constituant d'Al Aridha et membre d'une autre commission, a assisté, en observateur averti, à l'opération de vote relatif au système politique à choisir. «D'abord, 15 sur 22 membres de la commission étaient présents, ce qui revient à dire que le quorum était atteint et que l'opération de vote était légale, sauf que sur les 15 membres présents, 9 appartiennent à Ennahdha, ce qui leur garantit une majorité confortable. Ensuite, le vice-président de la commission, Zied Laâmari (Ennahdha) qui a remplacé Amor Chetoui, président de la commission (CPR), a tout fait pour accélérer le vote des autres articles et parvenir à l'article le plus important, celui du choix du régime politique à adopter, soit le régime parlementaire, soit le régime mixte. Enfin, je voudrais insister sur un fait : le problème de l'opposition, c'est bien son éparpillement et l'indiscipline de ses membres qui ont brillé par leur absence en cette journée particulière de vote d'un article déterminant. A l'opposé, les constituants nahdhaouis sont toujours présents aux moments propices et votent en toute discipline». Skander Bouallagui tient à préciser que le vote en question constitue «une pure formalité puisque le dernier mot reviendra à la séance plénière qui tranchera en toute souveraineté. Mais ce qui reste de cette réunion houleuse, c'est bien ce vote à l'emporte-pièce qui s'est transformé en un acte d'escroquerie politique par la faute d'un parti qui voulait tirer profit des conditions particulières par lesquelles passent leurs adversaires».